Fidèle à sa méthode et à son style affûté, le cinéaste part d’un groupe restreint, ici un atelier d’écriture, pour questionner les relations sociales.
Un petit collectif, comme dans “Les Sanguinaires” ou Foxfire ; une situation de transmission générationnelle conflictuelle, comme dans Ressources humaines ou Entre les murs ; des jeunes, comme dans Tous à la manif : pas de doute, avec L’Atelier, on est bien dans un film de Laurent Cantet, cinéaste qui fait toujours “le même film”, mais, chaque fois, selon divers déplacements et variations.
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On est ici à La Ciotat, été 2016, dans un atelier d’écriture dirigé par une romancière à succès, et suivi par des jeunes en situation de réinsertion. Filles et garçons, Noirs, Blancs et Beurs, impliqués dans le stage ou pas, cette petite assemblée d’enfants des chantiers navals de La Ciotat à l’arrêt est une synthèse possible de la jeunesse contemporaine en déshérence.
Cantet a toujours su faire résonner des questions collectives nationales à travers les relations dans un groupe restreint, comme Robin Campillo (120 battements par minute), qui cosigne le scénario. Ainsi, les petits conflits entre les participants incarnent-ils les tensions sociales, ethniques, politiques qui rythment notre actualité. Dans ce contexte, l’écriture (et la parole) peut-elle constituer sinon un ciment, du moins une projection vers un imaginaire qui occulte les rancœurs, transcende le quotidien, permet de sortir de soi ? C’est la question à laquelle tente de répondre Olivia, la romancière jouée par Marina Foïs (une des actrices les plus intéressantes de notre paysage, il faut le redire).
Peu à peu, Cantet zoome sur la relation ambiguë qu’elle entretient avec le plus secret de ses stagiaires, Antoine (Matthieu Lucci, impressionnant de force taciturne), un jeune homme introverti, solitaire, influencé par son grand frère militant d’extrême droite. Entre Olivia et Antoine se noue un rapport de force teinté d’attirance érotique non dite (là, on pense à un autre film de Cantet, Vers le Sud), où mijotent toutes les tensions qui peuvent animer les rapports hommes-femmes, jeunes-adultes, détenteurs du capital culturel/économique/symbolique et “sans-dents”, ou, comme on dit aujourd’hui, “élites et peuple”.
Une fois encore, entre inquiétude et bienveillance, Laurent Cantet réussit à exposer des problématiques complexes. L’Atelier est autant l’histoire singulière de ses personnages que la métaphore d’une société française en plein questionnement.
L’Atelier de Laurent Cantet (Fr., 2017, 1 h 53)
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