Dix albums magnifiques pour rappeler l’éternelle vitalité musicale de l’Amérique latine.
Renata Rosa, Encantações
Originaire de São Paulo, Renata Rosa s’est vite évadée vers le Nordeste, où elle s’est imprégnée des chants et danses bigarrés des Indiens, du forró des bals improvisés, des fanfares pour pleurer de joie ou de tristesse et des joutes verbales que se lancent les poètes des rues au son du rabeca, instrument que Renata a elle-même adopté pour s’accompagner. Porté par une voix haute et une sensualité exubérante, Encantações bruit de toute cette vie, de toute cette gaieté carnavalesque jetée dans un ciel parfaitement clair, vers les horizons immuables et gonflés de sève de la forêt vierge et de la mer. A ne pas manquer, au musée du Quai Branly le 12 avril, avant de découvrir l’album, le 27 du même mois.
Omar Sosa, Ilé
Le sorcier cubain poursuit sa recherche de nouvelles combinaisons pour le jazz, accueillant aussi bien les hypnoses africaines du kalimba et le cante âpre de José Martín “El Salao” que les vers du slameur Kokayi ou la guitare aérienne de Martin Sewell. A la fois espagnol, africain et américain, à l’image de Cuba, Ilé semble ainsi le fruit de télescopages successifs dominés par un nimbe de mysticisme apaisé et d’ouverture toujours plus large à tous les sons du monde. Omar Sosa se produira le 12 mai au Café de la Danse.
Kanaku y El Tigre, Quema, Quema, Quema
Derrière ce nom de Kanaku y El Tigre, que l’on imaginerait désignant un numéro de dressage, se cachent deux néo-folkeux péruviens adeptes du DIY, Nicolás Saba et Bruno Bellatin. Egarés entre un frêle ukulélé et un Moog asthmatique, un vieil accordéon et quelques jouets d’enfants, le duo a bâti son petit grenier psychédélique comme on soufflerait des ronds de fumée, avec indolence et une pointe de vague à l’âme. Puis il l’a peuplé d’amis musiciens, de guitares cotonneuses, d’échos incas et de ballades insouciantes, autant de bouts de ficelle qui font de Quema, Quema, Quema un disque astucieux et attachant. Sortie prévue le 19 mai.
Axel Krygier, Hombre de piedra
Dans Hombre de piedra, cinquième album haut en couleur, Axel Krygier, saltimbanque argentin tour à tour songwriter, producteur et multi-instrumentiste, suit l’évolution de l’homme depuis ses premiers coups de crayon dans les cavernes du paléolithique jusqu’à ses divagations contemporaines, cheminant entre psychédélisme cro-magnon, disco cosmique, reggae éthylique, blues cheyenne et vertige electro dans un monde hallucinatoire où le chaos des civilisations roule dans d’incessantes révolutions sonores.
Daymé Arocena, Havana Cultura Sessions
La grande sensation cubaine du moment, c’est elle : Daymé Arocena, 22 ans, un talent déjà confirmé pour la composition, un cœur qui ne paraît battre que pour le chant, et un naturel à désarmer les cyniques les plus endurcis. Repérée par Gilles Peterson, elle apporte sa contribution aux Havana Cultura Sessions dans un EP savoureux, avant-goût de l’album Nueva Era à paraître au mois de mai. De déhanchés jazz en invocations rythmées par les tambours traditionnels, Daymé s’impose en quatre titres comme une chanteuse plus que prometteuse. A découvrir le 16 avril, au Duc des Lombards.
Mariana de Moraes, Desejo
Après avoir été dès l’adolescence comédienne pour le cinéma, la télévision et le théâtre, la petite fille de Vinicius de Moraes a fini par céder à l’appel du sang et s’est lancée, à 28 ans, dans une carrière musicale ponctuée par la sortie d’une poignée d’albums. Avec ses suavités mélancoliques, ses sambas noires frôlant le désespoir et ses éclats de vaudou afro-brésilien que l’on croirait captés en direct dans quelque arrière-cour ombragée, Desejo ne bouscule rien mais distille une profondeur aussi ravissante qu’inattendue.
Yilian Cañizares, Invocación
Le violon n’est certes pas le premier instrument qui vient à l’esprit lorsqu’on songe à la musique caribéenne, mais Cuba est accueillante, et Yilian Cañizares a su trouver une place pour cet instrument au sein d’une orchestration jazz mêlée de percussions empruntées aux rituels yoruba. On reconnaîtra donc ici un arpège hérité du classique, là un accent à la Grappelli, mais la belle, décidément douée, se mêle encore de chanter, réussissant – et ce n’était pas gagné – à nous faire écouter avec plaisir une vieille scie de Piaf. Foisonnant d’idées, tenant le mors d’une virtuosité qui doit sans doute se libérer davantage en concert, Invocación ne cache pas son envie de séduire, et y parvient sans mal.
Herencia de Timbiquí, This is Gozar !
Soutenu par pas moins de dix musiciens, le chanteur Begner Vásquez prête une vigueur nouvelle aux styles musicaux afro-colombiens recueillis autour de sa ville natale de Timbiquí, sur la côte Pacifique de la Colombie, en les mariant à la salsa, au rock et au reggae. Produit en partie par Quantic, This is Gozar ! parade ainsi toutes fenêtres ouvertes pour exposer au soleil ses rutilances : on y joue fort, pour les corps d’abord, et on ne s’abandonne à des refrains plus chaloupés que pour recueillir un peu de brise avant de repartir dans la mêlée. Un précis d' »elegancia tropical ».
https://www.youtube.com/watch?v=T-xnkZiocIY
Roberto Fonseca & Fatoumata Diawara, Live At Home
La rencontre entre le jazz latin de Roberto Fonseca et le rock malien de Fatoumata Diawara ne pouvait que plonger ces deux artistes dans une source africaine commune. Mais loin de planifier quoi que ce soit, c’est d’abord en jouant et en s’amusant que la communauté d’esprit a été mise au jour. Ce plaisir de groover imprègne le Live At Home enregistré l’été dernier à Marciac : depuis les premiers sons de clavinet empruntés à Stevie Wonder jusqu’au petit trot ternaire de la tradition mandingue, la fête est impeccablement menée par les deux leaders, tout épanouis d’avoir trouvé l’âme sœur en musique.
Diogo Nogueira & Hamilton de Holanda, Bossa Negra
Hamilton de Holanda est de ces musiciens qui contraignent le réel à se plier à leurs appétits sans mesure. Ainsi a-t-il ajouté deux cordes à son bandolim, cet instrument des joueurs de choro, et inventé la technique qui lui était nécessaire pour le soumettre à ses extravagances. L’alliance avec le chanteur Diogo Nogueira fait mouche dans Bossa Negra grâce à l’équilibre des contraires : la retenue du chant et de la section rythmique met en valeur la volubilité du bandolim dans une suite de sambas à la fois classiques et volages. Le duo donnera son premier concert en France le 15 mai, à Coutances, dans le cadre du festival Jazz sous les pommiers.