Il suffit de parler à des individus nés après 1985 – et il y en a de plus en plus -, pour se rendre compte qu’au-delà du cercle de la cinéphilie, quelque chose n’est pas passé avec Brian De Palma. Pourtant, certains titres de sa filmo parlent à tout le monde. Semi-échec à sa sortie […]
Il suffit de parler à des individus nés après 1985 – et il y en a de plus en plus -, pour se rendre compte qu’au-delà du cercle de la cinéphilie, quelque chose n’est pas passé avec Brian De Palma. Pourtant, certains titres de sa filmo parlent à tout le monde. Semi-échec à sa sortie en 1983, Scarface est devenu dans la décennie suivante un hit de vidéoclub et un film culte de la culture hip-hop. De même, les grandes scènes spectaculaires des Incorruptibles ou Mission:Impossible appartiennent désormais à l’imaginaire commun du cinéma populaire.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Mais ces films sont depuis un certain temps beaucoup plus célèbres que lui. Bien qu’ayant ponctuellement piloté d’énormes machines, De Palma n’a pas réussi comme son contemporain Scorsese à se maintenir dans la liste A des cinéastes castés à la tête des grosses productions de prestige. Il n’a ni le box-office, ni les oscars de Spielberg : d’ailleurs, pas une seule fois en quarante ans, il n’a été nommé à l’oscar du meilleur film ou réalisateur ! Sa situation à Hollywood n’est guère reluisante : il travaille loin des studios, aucun de ses films n’a eu du succès depuis Mission:Impossible, il préfère tourner en Europe. Pour autant, il ne jouit pas non plus du prestige artistique de certains grands maudits (Cimino), tardivement maudits (Coppola), ou simplement souvent absents (Malick).
Bref, dans la famille du Nouvel Hollywood, De Palma a fini par occuper une place inconfortable : à la fois décentré et pas encore complètement mythologique. Il n’en demeure pas moins un des plus grands cinéastes en activité et sa carrière récente n’en est pas moins passionnante. On l’avait laissé en 2007 sur l’époustouflant coup de poing Redacted : un film sidérant d’invention et d’audace où il se connectait à tous les régimes contemporains d’images (pastichant tour à tour les vidéo-blogs d’Al-Qaeda, la vidéosurveillance, les films amateurs postés sur YouTube…), doublé d’un brûlot politique sur l’intervention américaine en Irak. Nul doute que les deux films de Kathryn Bigelow, Démineurs et Zero Dark Thirty, bien que très opposés dans leur facture, doivent quelque chose à cette redoutable machine de retournement et démystification des images.
Prolongeant cette réflexion sur les dispositifs spectaculaires qui tenaillent toute l’œuvre, son nouveau film, en revanche, est un retour à sa forme de prédilection : le thriller retors et sexuel, traversé de réminiscences hitchcockiennes. Ludique mais cruel, outré mais narquois, Passion est une jubilation absolue. Après cinq ans d’absence, le maître mésestimé en son pays est de retour.
{"type":"Banniere-Basse"}