Impertinent et humble, Olivier Cadiot poursuit sa réflexion sur la littérature, celle qu’il lit et celle qu’il pratique.
L’an dernier, on avait adoré le premier tome, cette année on est fan du deuxième. Olivier Cadiot a choisi dans ce nouvel opus de cogitations littéraires de s’en prendre à un poncif du moment selon lequel la littérature d’aujourd’hui devrait refléter le réel : “Les gens ont peut-être raison : on était tous irréels, avant, et sans le savoir.”
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Alors voilà une avalanche de courts chapitres où le poète, dramaturge et romancier parle de la littérature comme d’un art contemporain, contredit les modes pour revenir aux fondamentaux, s’attache au concret de l’écriture, au comment écrire et pourquoi, nous parle de tout, de lui, et même de son arrière-grand-mère.
Mais aussi des migrants, pour mettre en garde ceux qui voudraient écrire sur eux : “Ils ne sont pas des motifs. Ne dites pas ‘je’ à leur place. Traverser la mer avec un enfant dans les bras, ce n’est pas une performance. Arrêtez l’art.”
Une série de précieux conseils aux apprentis écrivains
Dans cette critique désordonnée mais salutaire, de fulgurantes images poétiques surgissent soudain : “Regardez les brefs poèmes japonais. En deux coups de pinceau, ils ne laissent d’un bateau – disparaissant à l’horizon – que la trace de la rame.”
Ce petit traité de théorie littéraire peut aussi être lu comme une série de précieux conseils aux apprentis écrivains, et petit à petit l’image de l’écriture telle que la conçoit Cadiot voit le jour, écriture compulsive comme une manie, ou une malédiction, en tous cas un travail toujours recommencé, qui se construit dans la rature. “On écrit très peu, on passe son temps à se relire, comme on remange son dîner froid le lendemain matin, voilà votre destin.”
L’auteur de Providence s’attaque à tout, mais par petits bouts, attrape les expressions et clichés qui virevoltent dans l’air du temps pour les décortiquer sous nos yeux – ainsi s’amuse-t-il du fait que des spectacles aujourd’hui “se prétendent” vivants – et utilise le langage comme un plasticien le ferait d’un matériau. “Ecrire, si on tient absolument à trouver une définition, c’est serrer les pièces.”
D’une drôlerie inimitable, le texte de Cadiot surprend pourtant par l’émotion qui s’en dégage. Car l’écrivain dessine en creux son autoportrait, celui d’un homme en perpétuelle recherche, un travailleur acharné qui pense comme d’autres respirent, et qui a consacré sa vie à chercher ses mots. Sylvie Tanette
Histoire de la littérature récente, tome 2 (P.O.L), 256 pages, 12 €
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