Le maire et conseil départemental d’Aulnay-Sous-Bois Bruno Beschizza a été nommé secrétaire national de l’UMP aux relations à la sécurité à l’automne. Portrait de ce nouveau bras armé de l’UMP.
C’est avec un large sourire que Bruno Beschizza nous accueille lundi après-midi. La veille, il a facilement remporté (avec 65,6% des voix) l’élection départementale de Seine-Saint-Denis face à son adversaire. “Etre un élu UMP aujourd’hui en Seine-Saint-Denis n’est plus une maladie honteuse”, claironne-t-il d’emblée. L’année dernière, il avait déjà repris Aulnay-Sous-Bois au socialiste Gérard Ségura. Un beau doublé pour cet ancien policier, passé par 15 ans de syndicalisme, qui doit son entrée en politique à Nicolas Sarkozy. Cet automne, il a été nommé secrétaire national de l’UMP aux relations à la sécurité. Une carrière politique au démarrage fulgurant, mais l’élu ne s’emballe pas: “ça ne tient à pas grand chose si ce n’est des rencontres. C’est le fil conducteur de ma vie.” Un fil rouge qui le place toujours au bon endroit, au bon moment.
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93 pur jus
La politique, ce “pur produit du 93” en fait un apprentissage accéléré. En 2009, Bruno Beschizza, alors secrétaire général du syndicat de police Synergie Officiers, est convoqué par Nicolas Sarkozy. La droite vient de se prendre en pleine face la vague rose des municipales l’année précédente. Dans son bureau de l’Elysée, le patron de l’UMP lui assigne une mission : “On est en train de perdre tous nos militants, il faut qu’on arrête la dégringolade.”
Il se retrouve sur la liste conduite à l’époque par Valérie Pécresse pour les régionales. L’annonce de son investiture est faite au dernier moment, le 30 janvier 2010, sans même en prévenir Eric Raoult, le patron de la fédération de l’époque. Tant pis, si l’ex-maire du Raincy est un intime du Président – ils ont fait leur service militaire ensemble- il est chassé de ses terres, et sera finalement repêché comme chargé de mission au conseil général du 92. Bruno Beschizza doit, lui, quitter la police. Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur à l’époque, fait l’éloge du syndicaliste pendant son pot de départ. “C’était un syndicaliste très présent, doté d’un bon charisme. Il voulait profiter de son élan d’élu syndical pour se lancer un politique », se rappelle l’ami fidèle de Nicolas Sarkozy.
Comment ce syndicaliste a-t-il réussi à se rendre indispensable aux yeux de Nicolas Sarkozy ? “Je suis un des rares à oser lui dire les choses”, avance-t-il. Retour en arrière: Bruno Beschizza entre en 1991 dans la police. Un an plus tard, il intègre la compagnie d’intervention à Paris, l’équivalent intra-muros des CRS. Des unités très syndiquées. C’est un ancien capitaine de l’époque qui lui glisse ce conseil : “Petit gars, si tu veux t’en sortir, il faut que tu apprennes à gérer les syndicats. Non seulement leur parler, mais pourquoi pas y adhérer.”
Il applique le conseil à la lettre: en 1998, il devient le secrétaire général de Synergie Officiers, de tradition droitière, jusqu’en 2010. A ce poste, il côtoie les cadres de la police national et du ministère de l’Intérieur. Dont, dès 1995, un certain Claude Guéant, alors directeur général de la police nationale (DGPN). En 2002, Guéant est directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur, et c’est lui qui fait office d’entremetteur entre les deux hommes. Le futur candidat à l’élection présidentielle souhaite remercier Beschizza du coup de main qu’il vient de rendre à l’un de ses fidèles, Frédéric Péchenard.
“Bruno Beschizza a la courtoisie de son ancien ministre de l’Intérieur »
En mars 2002, à quelques semaines des présidentielles, un horrible fait divers s’était invité dans la campagne: à Nanterre (92), Richard Durn avait ouvert le feu en plein conseil municipal, tuant huit personnes. Rapidement interpellé et emmené au siège de la brigade criminelle, au 36 quai des Orfèvres. l’homme se suicide finalement en se jetant par la fenêtre. En profitant donc d’un moment d’inattention des policiers. Surtout, il n’était pas menotté. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Daniel Vaillant, réclame des sanctions. Frédéric Péchenard, à la tête de la brigade criminelle à la direction de la police judiciaire, est dans le viseur. “Je monte au créneau en menaçant Vaillant de faire une manifestation si jamais il touche à sa tête. Le soir-même, Péchenard m’appelle et me dit ‘Je vous en serai toujours reconnaissant' », se rappelle Bruno Beschizza.
Interrogé, Daniel Vaillant raconte sa version : “Bruno Beschizza a la courtoisie de son ancien ministre de l’Intérieur [Nicolas Sarkozy, ndlr]. Dans mon cabinet, on m’avait suggéré de demander la tête de Péchenard. J’ai dit que ce n’était qu’un lampiste et qu’il n’avait pas à payer pour les autres. C’est moi qui ai sauvé sa tête.” Qu’importe. Frédéric Péchenard, devenu directeur général de l’UMP l’année dernière, ne se rappelle à qui il doit son sauvetage mais reconnaît à son “ami” Bruno Beschizza bon nombre de qualités : “Il est très travailleur, il est malin et courageux. Il a une tête de gendre idéal.”
En politique, Bruno Beschizza a beaucoup d’amis, très peu d’ennemis. Là encore, Frédéric Péchenard se veut dithyrambique : “Il n’a pas d’ennemis car il est honnête et sérieux. Bruno c’est quelqu’un de bien connu de ceux qui le connaissent.” Lapalisse aurait apprécié. Franc-maçon, Bruno Beschizza est aussi un proche d’Alain Bauer (qui est le parrain de l’un de ses cinq enfants ndlr), homme de l’ombre, aussi proche de Manuel Valls (il est également le parrain de l’un des fils du Premier ministre) que de Nicolas Sarkozy, qui l’interroge régulièrement sur les questions de sécurité. On aurait aimé en savoir plus mais Alain Bauer nous répond par SMS qu’il ne répond pas aux Inrocks “par principe”. Dommage.
Sans ennemi donc, c’est plus facile d’avoir de l’ambition. “En politique, celui qui vous confie qu’il n’en a pas est un menteur », estime Bruno Beschizza. Bref le candidat parfait pour le futur ministre de l’Intérieur, si l’Ump l’emporte en 2017: “J’ai des connaissances en sécurité mais je veux servir au meilleur endroit. Vous allez me trouver dingue mais si vous me parlez demain du ministère de la Ville… Je m’y vois bien.” En attendant, l’une de ses premières décisions à Aulnay fut de réarmer la police municipale (« J’ai choqué jusque dans ma propre famille politique », concède-t-il). Quelques mois plus tard, il se déclare pour le maintien des grenades offensives, malgré le décès du zadiste Rémy Fraisse.
« Il se positionne branche de la droite qualifiée de ‘dure’ qui ne résout pas les problèmes de sécurité« , résume Stéphane Gatignon, le maire EE-LV de Sevran, une ville voisine. C’est au sein de la fameuse “cellule riposte” de l’UMP, chargé de flinguer à tout-va pour Sarkozy en 2012, que Beschizza a affûté ses armes. Sa cible préférée ? Les socialistes, même s’il se montre plus clément envers Manuel Valls, dont le seul défaut serait « d’être de gauche ».
« Nous à droite, on tire pour tuer »
La défaite de son champion aux présidentielles ne le refroidit pas. Ni sa gamelle aux législatives de 2012, et encore moins la guerre interne de l’UMP, au mois de novembre de la même année. Il en tire même des enseignements révélateurs d’un certain mode de pensée: “On a tous en nous cette cicatrice des guerres internes entre Copé et Fillon. La droite n’a pas cette culture-là. La gauche oui, ils peuvent s’engueuler et se rabibocher le temps d’un week-end. Je connais, c’était pareil dans le syndicalisme. Nous à droite, on tire pour tuer. On a besoin d’un chef et quand on a ennemi, on doit le massacrer, c’est tout.”
Dans son apprentissage express de la politique, Bruno Beschizza en serait-il au chapitre où l’on doit tuer le père ? On l’interroge sur la victoire de l’UMP aux départementales et sur un Nicolas Sarkozy qui s’en accorde tout le crédit:
“En préambule, je le dis : je suis loyal envers Nicolas Sarkozy. Mais il ne faut pas se leurrer. J’ai été élu maire l’année dernière car Jean-François Copé, au nom de l’UMP, a osé lancer la reconquête des territoires. Il fallait que Nicolas Sarkozy revienne en septembre mais il n’avait pas le choix, c’était le seul qui pouvait nous conduire à la victoire. Maintenant, cette victoire trouve se souche dans un mouvement qui a commencé durant les municipales. Ce ne serait pas juste de l’oublier.”
Après cinq ans de politique, Beschizza assure qu’il ne regrette pas son ancienne vie:“Je n’ai pas de désillusion mais de la nostalgie de mon époque de policier. On chassait en meute, il y avait un effet de groupe. Alors que la politique, c’est une aventure relativement solitaire, dure et chronophage. Je me rends compte qu’au final, nous sommes toujours seuls.” Poor Lonesome Cowboy.
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