Depuis fin juillet, un hacker surnommé Ulcan lance des attaques contre certains sites Internet ayant apporté leur soutien à la Palestine, et n’hésite pas à menacer ses victimes. Une information judiciaire est actuellement en cours suite au dépôt de plusieurs plaintes. Mais, résidant actuellement en Israël, que risque vraiment Ulcan ?
Depuis fin juillet, la liste des méfaits commis par Grégory Chelli, plus connu sous son pseudo de hacker Ulcan, ne cesse de s’allonger. Après avoir piraté des sites du NPA, du Front de gauche, du Parti communiste, de la CGT Paris, d’Info-Palestine, d’Association France-Palestine-Solidarité, le hacker qui se présente comme un « militant sioniste » a lancé deux attaques par déni de service (DDOS) contre Rue89 les 29 et 30 juillet . Elles faisaient suite à la publication sur le site d’informations d’un portrait de lui par le journaliste Benoit Le Corre.
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Ulcan ne s’est pas arrêté en si bon chemin : il a menacé l’auteur du portrait par téléphone, a fait croire à son père que son fils était mort et a appelé les services de police en pleine nuit en se faisant passer pour le père en question, leur demandant de venir de toute urgence car sa femme s’était défenestrée. Il a fait subir le même sort à Pierre Haski, cofondateur de Rue89, qui a reçu une visite de la police à son domicile dans la nuit du 8 au 9 août, comme il le raconte dans un article publié sur le site. Résultat des courses : les articles sur Ulcan sont désormais signés sous pseudo à Libération, et une information judiciaire a été ouverte par le parquet de Paris à la suite du dépôt de cinq plaintes par Rue89, Benoît Le Corre et sa famille.
Ex-membre de la Ligue de défense juive (LDJ), bien connu des services de police et spécialiste du canular hardcore, Grégory Chelli s’amuse depuis quelques années à appeler divers commissariats en se faisant passer pour un membre des forces de l’ordre afin de mettre la main sur les casiers judiciaires de personnalités ayant plus ou moins défendu la cause palestinienne. Et ça marche. On compte parmi ses dernières victimes : Pierre Haski, Tariq Ramadan, l’écrivain d’extrême droite Hervé Ryssen… C’est également lui qui en 2013 s’était procuré les extraits de casiers judiciaires de plusieurs rappeurs français, dont celui de La Fouine, ennemi juré de Booba. Ce dernier s’était empressé d’ouvrir son morceau-clash T.L.T. sur un extrait de la conversation d’Ulcan avec le commissariat de police. Car tous les enregistrements des canulars du hacker sont disponibles sur Youtube et sur son site au nom évocateur: Violvocal.
Quelle(s) conséquence(s)?
Selon son compte Twitter, Ulcan résiderait actuellement à Ashdod, une « station balnéaire fantôme » selon France Info, située à une quinzaine de kilomètres au nord de la bande de Gaza. Or il n’y a pas d’accord d’extradition entre la France et Israël. Pour autant, les conséquences judiciaires de ses actions ne sont pas nulles, comme l’explique Christiane Féral-Schul, avocate spécialiste des questions de cybercriminalité: « En l’absence d’accord d’extradition, il peut néanmoins y avoir une coopération entre les autorités policières des deux Etats. A défaut, un contrôle aux frontières permet d’appréhender les condamnés si ceux-ci essaient d’entrer sur le territoire français. » Elle précise:
« Un mandat d’arrêt international peut être émis par un juge d’instruction. L’Etat français peut par la suite émettre une “notice rouge” par le biais d’Interpol, soit un message d’alerte destiné à toutes les polices criminelles membres de l’organisation pour leur permettre d’identifier et de localiser l’individu concerné en vue de procéder à son arrestation et son extradition. Cependant, les autorités policières nationales du pays dans lequel se situe le délinquant conservent leur entière indépendance et sont libres de ne pas l’arrêter ou l’extrader. Cela confirme qu’aujourd’hui, la principale difficulté sur l’internet réside dans l’exécution des décisions en raison du caractère transfrontière des délits et crimes commis sur internet. »
Son compte Twitter suspendu
Twitter n’a pas attendu une décision de justice. Le 12 août, le réseau social a suspendu le compte d’Ulcan. Il l’utilisait notamment pour tweeter les adresses personnelles de ses victimes ou proférer des menaces à leur encontre, ce qui violait les règles d’utilisation du réseau social. L’une des dernières en date: le rappeur Kamelancien, qui se rendait à la manifestation pro-palestinienne organisée à Paris le 9 août.
Quelques heures plus tard, Grégory Chelli avait de nouveau un compte au nom d’Ulcan avec la même photo de profil. Sa description: « Militant sioniste, Président de#Violvocal, Hackeur de Dieudonné ». Tout un programme. Contactée par Les Inrocks, la direction de Twitter France n’a pas encore répondu à notre demande d’interview.
Son site Internet Violvocal pourrait connaître le même sort. “En France, la loi prévoit qu’en présence d’un contenu manifestement illicite, il est possible de notifier à l’hébergeur le retrait du contenu. A défaut, le juge peut ordonner à l’hébergeur le retrait du contenu et, s’il ne s’exécute pas, peut ordonner aux Fournisseurs d’Accès Internet (FAI) de bloquer l’accès au contenu. Lorsque le site est situé à l’étranger, seul le blocage d’accès est envisageable et doit être ordonné par un juge” explique Christiane Féral-Schul. Elle admet malgré tout qu’exécuter les décisions de justice visant des cybercriminels reste une tâche plus qu’ardue…
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