Six secondes chrono : c’est le temps dont disposent les grands du X pour s’exposer sur le site de partage de vidéo Vine. Avec plus ou moins de bonheur.
Il existe un paradoxe de la porn-star : sans les réseaux sociaux, elle n’existe pas ; à cause des réseaux sociaux, elle n’existe plus. Autrement dit Twitter et consorts sont devenus pour elle un outil de communication vital, mais en la surexposant, ils achèvent de raboter l’aura de mystère qui pouvait encore l’entourer – le phénomène est moins vrai pour les stars-tout-court, dont la plupart font un usage minimum des réseaux sociaux. Débutée sur Twitter (plutôt que sur les très pornophobes Facebook ou Instagram), cette course à l’impudeur se poursuit aujourd’hui sur Vine, la plate-forme vidéo où s’empilent frénétiquement des tranches de vie tournées-montées ne durant pas plus de 6 secondes.
Or à ce jeu-là, on l’imagine sans peine, les porn-stars sont imbattables : elles ont, par nature, ce petit truc qui rend le dévoilement de leur intimité fascinant – que ce dévoilement soit d’ailleurs #SFW ou non ( » safe for work », acronyme signifiant qu’une image n’est pas pornographique et peut-être vue sur le lieu de travail). Après quelques mois d’existence du réseau, deux stratégies se font jour.
Il y a d’abord celles (et ceux), appelonsles autopornographes, qui offrent à leurs followers des micro-scènes X réalisées le plus souvent seul, le téléphone braqué sur son visage, ses seins, ses parties génitales. Le phénomène ne concerne bien sûr pas que les porn-stars – chercher #xxx et tomber sur des milliers de sexes en gros plan, le plus souvent masculins – mais il prend tout son sens avec elles. Passant leurs journées à rendre public ce que le commun des mortels tient à garder privé, il faut encore qu’elles s’acharnent, dans leur temps libre, à s’exhiber un peu plus : c’est bien ce vertige addictif qu’on recherche ici.
Les reines et les rois de l’autopornographie sont ainsi : la lolita Jessie Andrews, si connectée qu’elle trouverait sans doute un moyen de « viner » son enterrement ; Siri, la fille au bonnet F naturel, dont les rebondis mammaires en chaîne constituent d’hypnotiques boucles ; Riley Reid, la coquine passée maîtresse dans l’art du teasing ; et James Deen, le plus joueur, celui qui maîtrise le mieux les subtilités du tourné-monté (on ne parle bien sûr pas de la position sexuelle) et réinvente naïvement Méliès à chaque Vine.
L’autre stratégie, plus fréquente, consiste à s’inscrire dans la banalité. Montrer qu’en dehors des plateaux, eh bien oui, les porn-stars sont des gens normaux. C’est-à-dire des gens qui font du basket avec leurs copains (Manuel Ferrara), des gens qui parlent à leurs chiots (Kristina Rose, si seule, si désespérée), des gens qui ne sont pas très beaux au réveil (Princess Donna, complètement maso), des gens qui mangent des smoothies au petit déj’ (Skin Diamond), ou des gens qui regardent du porno (Christy Mack, qui n’a rien trouvé de mieux que filmer sa télé quand y passe un film avec elle)… Et l’on regrette, en découvrant ceci, qu’Antonioni ne soit plus de ce monde : il aurait été peut-être été, paradoxalement, un grand vineur.