Tout juste rebaptisé “mot-dièse” et annoncé sur Facebook, le hashtag subit un terrible désaveu. La question de son utilité sur Twitter commence à se poser: a-t-il un réel impact sur la visibilité du tweet qu’il accompagne ?
Dans le petit monde des spécialistes du web commence à émerger un front anti-hashtag qui rassemble de plus en plus de fidèles. Les journalistes de Buzzfeed comme ceux du New York Times se refusent à l’utiliser, et clament son inutilité.
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La dernière édition du Petit Larousse vient pourtant de faire entrer « hashtag » dans ses nouvelles définitions, et le présente comme un « mot clé cliquable, précédé du signe dièse (#), permettant de faire du référencement sur les sites de microblogage : le hashtag #chien regroupe les posts consacrés au chien sur Twitter ».
Mauvais timing pour le Larousse : désormais, c’est la base même de la définition du hashtag qui est remise en question, son prétendu référencement optimisé, source d’une audience maximisée. Twitter ne fournit aucune donnée sur l’efficience de ce procédé. Il est donc impossible de savoir combien de personnes, parmi le public intéressé, ont finalement lu le tweet « hashtagué ».
Le hashtag, une invention amat’
On peut alors s’interroger sur la légitimité du mot-dièse. S’il est devenu l’un des symboles de Twitter, le hashtag n’est pas un outil intrinsèque au réseau, mais le fruit de l’idée d’un utilisateur. En 2007, Twitter vieux d’à peine un an, Chris Messina débarque avec son idée de « groupes Twitter » et de « chaîne de tags (mots-clés) ». Son ambition ? La création de communautés d’intérêt reliées autour des mêmes sujets de discussion. Ce précurseur souhaitait « améliorer la contextualisation, le filtrage de contenu, et la serendipité d’exploration » au sein de la twittosphère. Du hashtag, produit amateur, sont alors nées les trends (tendances) lancées par Twitter, qui se représentent par une liste des sujets les plus tweetés sur une zone géographique pré-établie. Qu’en est-il, six ans après ?
Le mythe de l’efficacité
Aujourd’hui, si les plus détracteurs arrivent à reconnaître que le hashtag peut servir pour centraliser l’information lors d’événements à petite échelle, ils invoquent l’exemple du Super Bowl pour mettre en exergue son absurdité. Daniel Victor, spécialiste des médias sociaux pour le New York Times, ironise “sur les 3 millions de tweets utilisant le hashtag #superbowl recensés par Twitter ». « Il fallait être vraiment vraiment vraiment très drôle ou très très très largement suivi sur le réseau” pour qu’un tweet tagué #superbowl ne finisse pas enterré sous la masse d’information balancée sur le sujet. Daniel Victor anéantit le mythe de l’efficacité du hashtag en un simple calcul : trois millions de tweets sur les cinq heures du Super Bowl équivaut à 167 tweets par seconde ! Combien de personnes utilisent la recherche par hashtags ? Impossible à dire. Une chose est sûre : bien moins que le nombre de gens qui mettent un hashtag dans leurs messages.
Le hashtag rend le tweet moche
Daniel Victor ne s’arrête pas là, et établit une comparaison redoutable, disant qu’ « il n’est pas préjudiciable d’utiliser des hashtags, comme il n’est pas préjudiciable d’avoir une phrase mal orthographiée tatouée sur le biceps« . En résumé, la nuisance est limitée, c’est esthétiquement qu’un véritable problème se pose. Plaidant l’abolition du mot-dièse, ou une utilisation plus intelligente et pertinente de ce-dernier, Daniel Victor affirme qu’un tweet sans hashtag est plus plaisant pour les yeux, et plus susceptible d’être lu, donc retweeté.
A cela s’opposent évidemment fermement les « twittos » qui pensent qu’un peu de couleur apportée par la surbrillance du mot précédé d’un signe dièse égaye leurs tweets. Avec ce genre d’usages, on est très loin des missions qui lui avaient été confiées à son origine. Le mot-dièse est devenu une touche de couleur, ou un moyen de faire des vannes pas drôles.
Bientôt ringard, mais plus présent que jamais
Pour Amy Vernon, directrice générale en charge du marketing social pour Internet Media Labs, « le hashtag est l’élément le plus important » des réseaux sociaux. Elle organise des conférences qui lui sont consacrées, louant fièrement son efficacité et attendant impatiemment que Facebook l’incorpore à la liste de ses fonctionnalités. Le développeur Tom Waddington révélait il y a quelques jours la présence du mot « hashtag » à l’intérieur du code HTML du site, ce qui laisse penser qu’il devrait apparaître sur le réseau. Omniprésent dans les légendes des photos Instagram et sur Tumblr, agrémentant – le plus souvent aléatoirement – nos tweets, le hashtag pourrait envahir nos statuts et commentaires sur Facebook cet été. Et c’est vraisemblablement de cette utilisation globalisée, que découlera sa chute.
Tout indique en effet que le hashtag est promis à disparaître. Le glas a sonné. On ne le retrouve plus seulement sur notre timeline, mais également sur l’écran de notre télévision. Il a envahi notre quotidien, il est entré dans le dictionnaire et dans la pop culture avec le clip de Robin Thicke, il est utilisé par tous. Et comme le dicte la loi sur Internet – ainsi que la théorie du hipster qui exige de détester ce que tout le monde aime -, à partir de l’instant où le plus grand nombre s’en est emparé, le mépris, la lassitude, le désintérêt et enfin l’oubli total, suivront immanquablement.
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