Les langues utilisées dans les communications électroniques : des sources de promesses pour les langues traditionnelles.
Appauvrissement de la langue, fin programmée de l’orthographe… On ne compte plus les critiques envers le langage utilisé par SMS ou sur les chats, avec ses LOL et ses A2M1, ses codes et ses abréviations. Pourtant, loin de tout jugement hâtif ou des positions partisanes (anti mais aussi pro, comme sur www.profsms.fr), une récente étude canadienne portant sur un corpus de plus d’un million de mots utilisés par les adolescents conclut que la messagerie instantanée est le vecteur d’une “formidable renaissance linguistique”. Et force est de constater que ce langage est aujourd’hui incontournable, avec ses expressions et ses graphies qui s’infiltrent dans la langue courante, notamment la publicité, ou encore les dictionnaires SMS/langue “normale” en ligne (www.aidoforum.com/traducteur-sms.php par exemple), qui ne sont pas toujours inutiles, même pour ceux pratiquant intensivement.
Car ces langages électroniques varient en fonction des individus, des groupes d’utilisateurs ou des tranches d’âge. Daniel Elmiger, linguiste et chargé d’enseignement à l’université de Neuchâtel, explique ainsi qu’il n’y a pas de règles strictes mais plutôt une grande variété de façons de s’exprimer. “Il y a une énorme différence interindividuelle. Une étude belge a montré que pour “aujourd’hui”, il n’y a pas une graphie standard mais des dizaines.” Malgré leur apparente démarche simplificatrice, les écritures SMS et chat sont complexes. On y insère des smileys, on utilise des abréviations et des acronymes, on amplifie les voyelles, on recourt à la phonétique et aux langues étrangères… Une manière d’écrire qui enrichit le texte mais qui demande, à la lecture, “plus d’énergie cognitive quand on n’est pas habitué” , souligne Daniel Elmiger.
Ce foisonnement permet une grande liberté orthographique et grammaticale, d’autant que ces langages sont spontanés, non relus. “Les gens profitent un peu du fait que c’est un langage moins contrôlé, non censuré. En épelant les mots complètement différemment, on se met hors de toute critique. Si j’ai des compétences orthographiques limitées et que j’abrège tout, on ne va plus voir les fautes, on ne va voir qu’un code nouveau. Ça peut être une manière de contourner les difficultés”, poursuit Daniel Elmiger. Mais ce peut être aussi une manière de jouer avec la langue, ce qui exacerbe la créativité. Ces possibilités infinies, qui cohabitent à côté de la langue “normale”, sont autant d’enrichissements de cette dernière, sans concurrence. Daniel Elmiger devrait rassurer les détracteurs du SMS : “Tant que les possibilités traditionnelles restent à disposition, il n’y a vraiment pas lieu de parler d’appauvrissement.
Pour les utilisateurs, le tout est de savoir distinguer quand ils peuvent utiliser le langage SMS et quand ils doivent s’en tenir à l’orthographe et à la grammaire traditionnels – de même qu’on adapte son niveau de langue à son interlocuteur. “Différencier la langue parlée ou écrite et la langue SMS, c’est un apprentissage à faire. On s’est déjà demandé s’il fallait enseigner ou tenir compte du langage SMS à l’école. Je pense que non. Le rôle de l’école c’est d’enseigner une langue socialement acceptable. Ce qui fait la richesse de ces langages, c’est que les jeunes se débrouillent seuls. Ils trouvent un moyen à eux de s’exprimer.” Et de se construire en opposition aux adultes, en utilisant un langage codé, hermétique, qui permet une grande liberté de parole.
En perpétuelle évolution, le langage SMS a des propriétés différentes selon les langues. En allemand, rapporte Daniel Elmiger, les dialectes, qui sont d’habitude utilisés oralement, tendent à y prendre une place importante car l’écriture électronique est une sorte “d’oral par écrit”. Le langage SMS fait donc ressurgir tout un vocabulaire menacé de désuétude, qui dépendait auparavant en grande partie de la tradition orale. Il permet aussi de garder trace et de fixer le vocabulaire et les expressions de la langue parlée. “Les jeunes, les pauvres, les riches… ont toujours eu leur manière de s’exprimer, qui marquait leur statut social, leur métier. Ces langues, qui ont joué ce rôle de construction, sont restées confinées à l’oral et ne pouvaient pas se transmettre. ” Au contraire des “G la N” et autre “koi 2 9”, qui traverseront peut-être les siècles…
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