Avec le net, l’info bidon circule à tout-va. Une Thema d’Arte ausculte ce phénomène, qui représenterait une menace pour la presse de qualité et la démocratie.
Marchandisation de l’information, concentration des médias dans les mains d’empires industriels, uniformisation des sujets et des angles annonceraient la “fin des journaux”, pour Bernard Poulet, la “faillite d’un contre-pouvoir”, pour Merlant et Chatel.
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A force de le répéter comme on réciterait un chant mortuaire, la litanie des vices de la presse écrite aura peut-être raison de nos journaux. L’internet, les gratuits, l’évolution des modes de consommation l’ont déstabilisée, mais sans l’avoir enterrée.
La presse écrite résiste, par-delà son usure et les menaces insidieuses qui flottent au-dessus de ses rotatives.
C’est au coeur de cette déflagration du paysage journalistique que s’inscrit la Thema Main basse sur l’info, en mettant le curseur sur son versant le plus sombre, celui de “la malinfo”, comme on parle de la “malbouffe”.
Cette information dévoyée trouve sur la toile un espace de circulation privilégié, pointe Ted Anspach dans son enquête Les Effroyables Imposteurs.
A partir de ce gros cliché de l’internet envisagé comme tout-à- l’égout de l’info, le réalisateur tente de comprendre, via des cas précis (comme le 11 Septembre ou la grippe A), le cheminement d’une information délirante surgie sur des sites obscurs.
La part la plus inquiétante de son reportage tient moins à ce que l’on trouve sur le net (le pire comme le meilleur, là n’est pas la question) qu’à la manière dont les médias dits classiques, s’en font parfois le réceptacle naïf.
Comme l’illustre le film, une télé locale peut accorder une tribune à un promoteur zélé de la théorie du complot sur le 11 Septembre, ou à un autre illuminé sur la grippe A, déclenchée par les Etats pour relancer l’économie…
Mais ces dérives réelles butent le plus souvent sur les garde-fous et systèmes de contrôle des rédactions.
S’il y a péril en la demeure journalistique, c’est moins dans l’absence de maîtrise d’une rumeur ou d’une contrevérité circulant sur la toile que dans la fragilisation de la presse écrite elle-même.
Les impératifs de rentabilité à court terme, la diminution du temps pour les enquêtes, la tentation pernicieuse de l’info “low cost” sont autant d’indices de cette nouvelle presse de plus en plus desséchée.
Pour penser ce basculement inquiétant, Denis Jeambar, François Bordes et Stanislas Kraland ont proposé à huit personnalités des médias français de réagir.
Edwy Plenel, Eric Fottorino, Philippe Val, Jean-Pierre Elkabbach, Franz-Olivier Giesbert, Axel Ganz, Arlette Chabot, David Pujadas : le casting sans surprise, valorisant la parole de journalistes connus et puissants, permet néanmoins de poser quelques jalons pour imaginer un développement durable pour la presse aujourd’hui à genoux.
Tenus de réinventer leurs pratiques, les journalistes ont au moins deux combats à mener : défendre l’indépendance économique de leurs journaux, clé de leur indépendance éditoriale, entériner l’idée qu’ils n’ont plus le monopole de l’information, que les internautes participent autant qu’eux au débat public, et que leur rôle reste celui de l’analyse, de l’enquête et de la critique.
Leur statut de contrepouvoir ne pourra se consolider qu’à la vue de ces deux horizons, seuls remparts à ce dévoiement de l’info.
Thema Main basse sur l’info : Les Effroyables Imposteurs de Ted Anspach ;
Huit journalistes en colère de Denis Jeambar, François Bordes et Stanislas Kraland. Mardi 9 février sur Arte à 20 h 35
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