Un par un, les kiosquiers désertent Paris. Et la ville meurt peu à peu.
Un kiosque est mort et tout est dépeuplé. Les traversées de Paris révèlent aux piétons combien une ville dépouillée de ses journaux devient une ville fantôme : tout semble triste et irréel, comme si la rumeur du monde s’était tue dans les rues transformées en pur décor d’un spectacle où le vent de l’histoire ne souffle plus. Dans le métro, les lecteurs frustrés avancent comme des zombies, tenus de s’informer sur leurs smartphones, les yeux explosés. Si la capitale offre encore un réseau assez dense de kiosques à journaux (environ 360 répartis sur les vingt arrondissements), il est désormais possible de ne plus en trouver un seul sur son chemin. À la sortie de quelques stations de métro (Balard, Filles-du-Calvaire, par exemple), les kiosques ferment les uns après les autres.
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Le conflit social interminable qui sévit à Presstalis, qui assure la diffusion de la presse écrite en France – 200 millions de déficit pour le distributeur, 1 250 licenciements sur 2 500 salariés -,ne prend pas que les éditeurs à la gorge : les kiosquiers en sont les premières victimes. Travailleurs indépendants, (mal) rétribués à la commission (22 %), beaucoup plient boutique faute de profiter d’un système à bout de souffle. Exclus du bras de fer qui oppose la direction de Presstalis, ses salariés en grève et le Syndicat de la presse quotidienne nationale qui dénonce la « gravité exceptionnelle » de la situation, les kiosquiers ne peuvent plus résister à leur éclipse forcée. Ils emportent avec eux les souvenirs heureux de ces promeneurs les croisant au hasard de leurs errances urbaines : des lieux où l’on s’arrêtait en fouillant ses poches, avant de repartir un journal dans la main, comme la plus belle des parures, qu’aucun écran numérique n’égalera jamais.
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