L’identité numérique prend de plus en plus d’importance par rapport à l’identité réelle. Mais sans vrai cadre juridique pour la définir clairement ou la protéger.
Il y a un an, le portrait d’un certain Marc L., dressé par le magazine Le Tigre à partir d’éléments trouvés sur la toile, provoquait une tempête médiatique autour des dangers de cet internet irrespectueux de la vie privée. L’article n’était pourtant rédigé qu’à partir de faits rendus publics par Marc L. lui-même sur divers sites (Facebook, Flickr…). Les traces que chacun laisse sur le net, adresse IP, posts (photos, commentaires, tweets…), inscriptions sur les sites communautaires ou d’e-commerce, coordonnées, codes et pseudonymes, avatars, constituent ce qu’on appelle l’identité numérique.
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Celle-ci prend de plus en plus d’importance par rapport à l’identité réelle. Pour se faire une idée plus précise d’une rencontre d’un soir ou d’un candidat à l’embauche, qui n’a pas le réflexe de “googliser” la personne ? Dans un récent sondage du site américain careerbuilder.com, 45 % des employeurs affirmaient par exemple étudier les profils des candidats sur les réseaux sociaux. Mais confondre identité numérique et identité réelle est un raccourci hasardeux. Tout d’abord, les données constituant l’identité virtuelle proviennent de l’internaute lui-même, qui peut mentir, donner de faux renseignements, se procurer une adresse IP changeante… Au fil des années, l’internaute peut aussi avoir changé, ne plus être celui qui affichait ses photos de beuveries sur Facebook. Enfin, il est possible que la personne derrière l’écran ne soit pas celle que l’on croit.
De la simple méprise à la discrimination ou à la dissimulation, les risques se multiplient et c’est la raison pour laquelle de nombreuses voix s’élèvent pour tenter d’encadrer cette identité numérique. Les données numériques ne sont pas toujours assimilées à des données personnelles – par exemple, le statut de l’adresse IP, très débattu, n’est pas tranché – et elles ne sont donc pas systématiquement concernées par la loi informatique et libertés de 1978. Les conditions fixées par les sites, le droit à l’image ou la diffamation peuvent les protéger de façon ponctuelle et partielle. Le CNRS a lancé le projet Prodoper (Protection des données personnelles) afin de “cerner les risques réels que la traçabilité sur les réseaux fait peser sur la démocratie, sans céder à la paranoïa du Big Brother” et a ouvert le débat en organisant en avril les Etats généraux de l’identité numérique.
Si la première des précautions est de faire attention à ce que l’on raconte, beaucoup, comme Denis Ettighoffer, président d’Eurotechnopolis Institut, plaident pour un “droit à l’oubli”, un effacement systématique des traces au bout d’un temps donné. Un amendement en ce sens vient d’être adopté à l’Assemblée. L’usurpation d’identité virtuelle revient quant à elle régulièrement dans le débat parlementaire, mais aucune loi n’a été votée, le gouvernement ayant jusque-là considéré que l’usurpation d’identité (en général) était déjà punie par le code pénal. En mai dernier, Michèle Alliot-Marie a réintroduit dans le projet de loi Loppsi l’idée de réprimer “l’utilisation malveillante dans le cadre des communications électroniques de l’identité d’autrui ou de toute autre donnée personnelle en vue de troubler sa tranquillité ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération”. Assistera-t-on un jour à la création d’un délit de crime virtuel ? En octobre 2008, une Japonaise a été arrêtée pour avoir “tué” (effacé) l’avatar d’un autre joueur, son mari virtuel dans le jeu en ligne MapleStory…
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