Alors que la loi qui met en place la riposte graduée doit être réexaminée à la fin du mois d’avril, pour un vote début mai, une manifestation -assez peu suivie – s’est déroulée à Paris. Rappel des enjeux.
Le sujet a beau électrisé les foules, ce n’est qu’une (très) grosse centaine de personnes qui s’est déplacée place Edouard Herriot près de l’Assemblée nationale ce samedi pour manifester contre le projet de loi « Création et Internet » qui entend réprimer le piratage. En province, le résultat n’a guère été probant non plus. Le collectif « Manifestation contre Hadopi » avait appelé à une mobilisation nationale contre le projet de loi prévoyant « une surveillance globale d’internet qui dépasse le simple cadre de la culture » et les résolutions du ministre de la Culture, Christine Albanel.
Plusieurs membres d’assos comme la Quadrature du net, Isoc France, Samup, le Front de Libération de la Musique, l’UFC-Que Choisir ou la plate-forme « Pour le Cinéma » avaient déployé diverses banderoles imaginatives : « Christine is watching you », « Hadopi d’or » (décerné à Christine Albanel et Pascal Nègre, le PDG d’Universal), « Hadopi, la gentille mascotte des majors vermouluei » ou encore « Seb, guitariste 33 ans (selon Myspace) mangera toujours des pâtes au beurre une fois la loi Hadopi en place »… Certains manifestants, qui dénonçaient un projet « inefficace, car inapplicable » ont également procédé à des lancers de CD gravés. Enfin, deux députés, Jean-Pierre Brard (app-PCF) et Nicolas Dupont-Aignan (non inscrit) se sont fait également entendre auprès des personnes présentes via un brief rapide avec un mégaphone.
Le projet de loi « Création et Internet » a été rejeté une première fois par l’Assemblée nationale suite à un couac historique de la direction du groupe UMP au parlement. Il sera à nouveau soumis aux députés le 29 avril, pour un vote a priori définitif planifié le 12 mai. D’autres rassemblements hostiles sont attendus dans plusieurs grandes villes de province comme celle de Lyon le 28 avril (à 19h, place de la République, veille des débats à l’Assemblée).
En janvier 2009, le Parlement de Strasbourg avait adopté un rapport du socialiste français Guy Bono qui tendait à ne pas criminaliser les consommateurs. Approuvé par 586 voix contre 36, il dénonçait tout particulièrement cette notion toute française de « riposte graduée », considérée comme liberticide.
Dans une interview au quotidien belge Le Soir, le député européen certifiiait même que « les mesures répressives sont dictées par des industries qui n’ont pas été capables de changer leurs modèles économiques face aux nécessités imposées par la société de l’information. »
Plus récemment, les eurodéputés viennent d’adopter jeudi dernier, 23 avril, un amendement, déposé par Guy Bono (toujours lui) et Michel Rocard, appelant à « éviter l’adoption de mesures allant à l’encontre des droits de l’homme, des droits civiques et des principes de proportionnalité, d’efficacité et d’effet dissuasif telles que l’interruption de l’accès à Internet« . La preuve, une fois encore, que la position française n’est guère populaire en Europe. L’an dernier, le gouvernement suédois avait rejeté une motion proche dans l’esprit du projet initié par Olivennes, aujourd’hui au Nouvel Obs.
Presque partout ailleurs dans le continent, la coupure d’un abonnement à Internet est une sanction aux effets dévastateurs (presque sacrilège) qui peut avoir des répercussions rédhibitoires dans un monde où l’accès au web est un droit sacré pour l’insertion sociale. Pour les tenants de la loi impulsée par Christine Albanel, le ministre de la culture, en revanche, ce sont les réussites supposées des Anglais et des Américains et aux Etats-Unis dans un registre plus répressif qui légitiment cet arsenal.
« Dans ces pays, une grande majorité des pirates arrêtent les téléchargements illégaux après deux ou trois avertissements » affirmait même, il y a peu, Olivier Henrard, conseiller juridique du ministre, chargé entre autres des industries culturelles et de la propriété intellectuelle.
Le projet de loi européen sera à l’ordre du jour du Conseil des ministres fin mai, et pourrait donc être examiné par le Parlement au début de l’été. La France pourrait examiner, adopter et appliquer le projet «Création et Internet », avant de devoir remettre ses propres pendules à l’heure européenne.
En septembre dernier, les eurodéputés ont voté en première lecture (à 88 %) un amendement, qui stipulait qu’«aucune restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux ne doit être prise sans décision préalable de l’autorité judiciaire».
Ce texte devait être transposé au niveau national et partant, envoyer la riposte graduée aux oubliettes. Il faut néanmoins qu’il soit confirmé en seconde lecture. Avec un vote aussi clair, on pouvait penser qu’il s’agissait d’une formalité. Neuf mois après, il n’en est toujours rien….
Rico Rizzitelli.