En entrant dans la galerie Lee, qui accueille l’exposition “Survivre” du peintre cambodgien Theanly Chov, une émotion nous gagne. Autour de nous, une dizaine de toiles nous encerclent, où figurent des silhouettes solitaires, s’élançant vers l’avant, dans un fond uni et coloré. Toutes ont la même posture. Elles sont concentrées, sous tension, prêtes à affronter […]
Poignant, juste et sincère, l’art du peintre contemporain Theanly Chov nous touche tous. Dans son exposition « Survivre », il dépeint la société cambodgienne, et la lutte de chaque instant pour résister à la pauvreté et surmonter un quotidien rude.
En entrant dans la galerie Lee, qui accueille l’exposition « Survivre » du peintre cambodgien Theanly Chov, une émotion nous gagne. Autour de nous, une dizaine de toiles nous encerclent, où figurent des silhouettes solitaires, s’élançant vers l’avant, dans un fond uni et coloré. Toutes ont la même posture. Elles sont concentrées, sous tension, prêtes à affronter la vie. Au centre de chaque toile est brossé un portrait en pied, d’une adolescente, d’un vieillard ou encore d’un jeune homme. Chaque personnage est happé par une ligne d’horizon, métaphore de l’eau, placée juste en-dessous de son nez. A tout prix, il doit garder ses narines au-dessus de ce trait pour survivre et respirer, sans se noyer, sans sombrer.
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A travers ses œuvres, l’artiste représente justement le combat vital qui guide la société cambodgienne, pauvre mais aussi rongée par les inégalités et la corruption. « Nous ne flottons pas exactement dans l’eau, mais plutôt dans notre propre milieu, nous explique-t-il. Nous sommes poussés, étreints et contenus par la pression de nos vies, mais nous essayons coûte que coûte de nous en sortir, et maintenir la tête hors de l’eau ». Chacun de ses modèles garde une sérénité admirable, restant impassible. Comme s’il n’avait pas d’autre choix que celui de regarder vers l’avenir, dans un pays encore traumatisé par la dictature des Khmers rouges (1975-1979) et ses deux millions de morts.
Si le potentiel artistique du royaume se ravive, Theanly Chov fait partie de la nouvelle génération des artistes contemporains cambodgiens, éclosant après des années de terreur. Originaire de Battambang, une ville paisible à la pointe du renouveau de l’art khmer, il s’est imprégné de sa vie quotidienne pour créer cette exposition. Sa vision de l’art est plus universelle que politique, et l’artiste tient à parler à tous. Sans artifices, ses tableaux croquent le portrait de ses amis, ou de personnes ordinaires qu’il croise dans la rue, dans leurs tenues du quotidien. Avec une sensibilité certaine, il raconte aussi son expérience, et les débuts difficiles de sa vie d’artiste autodidacte.
L’entrée timide de l’art khmer dans l’Hexagone
A seize ans, Chov découvre la peinture auprès de son oncle peintre d’enseignes. Dès l’adolescence, il se forge alors son ADN d’artiste, en reproduisant les affiches de films ou de célébrités réalisées par son oncle. Ces posters sont restés pendant longtemps sa seule inspiration, son seul support de dessin. Il en tire aujourd’hui un style oscillant entre naturalisme et réalisme, avec des touches de naïveté dans les couleurs et les gestes de ses modèles. Travailleur fin et attentif au moindre détail, il souligne avec précision le grain de peau de ses personnages, la profondeur de leur regard, ou encore les plis de leurs vêtements.
Âgé d’une trentaine d’années, sa ténacité et ses efforts lui ont permis d’être repéré par des collectionneurs locaux. Chov a pu avoir sa première exposition solo à Phnom Penh, la capitale du pays, en 2013. Plus tard, il a été la tête d’affiche d’expositions consacrées à l’art khmer, à Lille, aux Etats-Unis et à Singapour. Du 5 au 28 octobre, la galerie Lee lui offre sa première exposition solo en France, en plein cœur de Saint-Germain-des-Prés (Paris). Et encourage l’entrée timide de l’art khmer dans l’Hexagone, sûrement bientôt en vogue.
Exposition « Survivre » de Theanly Chov, du 5 au 28 octobre, Galerie Lee, 9 rue Visconti, 75006 Paris, ouvert du mardi au samedi, de 10h à 13h, et de 14h à 18h30.
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