Blue Eyed In The Red Room

L’excellent label Lex est d’une certaine manière l’appendice organique (et souvent hip-hop) du label électronique Warp. Et Boom Bip, sa tête de proue, fait le pont entre les deux mondes. Grand électronicien, Bryan Hollon, aka Boom Bip, est surtout un formidable alchimiste, prompt à transformer le silicium et l’or des circuits imprimés en matières vivantes, mouvantes, émouvantes.

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Ce qui frappe également chez Boom Bip, c’est sa largesse d’esprit : l’Américain ne dispose pas d’un son, ne se limite pas à un sillon, mais explore un horizon à 360 degrés. Un peu moins génial que le premier Seed to Sun mais plus prenant à chaque écoute, son second album Blue Eyed in the Red Room est telle une hydre à dix têtes, où rien ne ressemble moins à un morceau qu’un autre morceau du même album. Seul ou presque avec lui-même, il joue ici de tout et ne sample dorénavant que sa chair, se nourrissant de son propre sang : sa musique humaniste prend directement le chemin du cœur, sa cible principale.

Les deux sommets de Blue Eyed in the Red Room sont les deux morceaux où l’Américain ouvre ? en grand ? le portail de son imposant domaine à des voix amies. L’extraordinaire Do s and Don’ts, psaume hallucinatoire et roulement envoûtant, est ainsi caressé par le timbre unique de Gruff Rhys des Super Furry Animals ; le sublime et lent The Matter (of Our Discussion) perfore l’âme par l’organe crève-cœur de la New-Yorkaise Nina Nastasia. Entre « Warperies » sucrées (The Move), rêves chancelants (l’inquiétant Eyelashing) et comptines viciées pour enfants étranges (le magnifique Soft and Open), le reste de l’album n’en est pas moins charnel, contemplatif et élégiaque ; il laisse sans voix.