« Galt qui? » Au coeur de New York, deux français sont partis en quête d’un mythe du hip-hop. Nul ne le connaît, mais sa musique en a fait l’un des artistes les plus samplés : il a écrit la musique de « Hair », la comédie musicale la plus jouée de tous les temps. Son nom? Galt MacDermot.
Précisons-le de suite : Lookin’ 4 Galt n’est pas un webdocumentaire sur la vie et l’œuvre de Galt MacDermot, c’est un plongeon. Une plongée dans le monde des soundmaker new-yorkais, un voyage au bout de la nuit dans la ville qui ne dort jamais. C’est l’histoire de deux français, le duo Gasface, amoureux de la culture hip-hop (lis lui ont d’ailleurs consacré un magazine entre 2008 et 2010), qui décident de faire un film pour montrer le hip-hop tel qu’ils l’ont toujours imaginé. Leur webdoc, composé d’un road-movie à la recherche de Galt et de deux mini-séries (Think B.I.G et Talkin’ All That Jazz) est disponible en intégralité sur la toile depuis quelques jours.
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« À l’origine, confie Nicolas Venancio, l’un des deux visages (avec Mathieu Rochet) derrière Gasface, on est très fans du producteur Prince Paul, qui a créé un univers mêlant plein de références dans ses albums avec De La Soul. On voulait faire un film qui ressemble à ça, où on convoquerait un photographe, un écrivain, des rappeurs, des producteurs de rap. Recréer un petit monde. Et un bon moyen d’explorer un tel univers était de partir à la recherche d’un compositeur ».
Et qui mieux que Galt MacDermot pour incarner cette quête? Son nom et son visage sont inconnus, pourtant tout le monde connaît sa musique. Non seulement ce jazzman montréalais adopté par New-York a composé la musique de Hair, la comédie musicale la plus jouée au monde, mais la génération hip-hop l’a érigé au rang de mythe en reprenant, samplant et réinventant ses œuvres.
Un appareil réflex, un micro, et vogue la galère
Lookin’ 4 Galt, c’est un webdoc réalisé par deux types qui « ne ressemblent pas à des professionnels », d’après un de leurs interlocuteurs. C’est un road-trip qui vous emmène dans les arrière-salles des disquaires, interroge des producteurs de rap US sur la musique qu’ils aiment, et demande son chemin à des gens dans la rue. Tout ça sans que les auteurs ne se mettent en scène autrement que par une main par-ci, ou une phrase par-là (avec le french accent s’il vous plaît, mais comme les années Bush sont passées, ça va) .
Pourtant, le duo Gasface revendique le côté « fait maison » de leur projet. « Comme les gens ont toujours aimé le côté gonzo de notre magazine, on s’est dit on va leur montrer, raconte Nicolas Venancio. Si jamais on se fait fermer la porte au nez, ou même quand on parle avec un clochard dans la rue, on a décidé de filmer ». Leur premier webdoc – le célébré New York Minute en 2010 (plus d’un million de vues) pour Arte – expérimentait une narration non-linéaire, mais celui-ci revient à un format plus classique. Des appareils photos réflex pour filmer, un micro pour le son, et « vogue la galère! »
Et pas besoin d’être un expert es hip-hop pour se passionner pour l’histoire de Lookin’ 4 Galt. La quête fait découvrir un monde, celui de la musique derrière le rap de la East Coast américaine et, les auteurs s’en félicitent, même les néophytes comprennent la quête. Pas tant le portrait d’un artiste que celui de l’écho qu’il a suscité – à son insu – dans le monde du hip-hop. Ce qui fait, explique l’une des faces de Gasface, que de très nombreuses personnes sont fan de l’oeuvre de ce vieux bonhomme alors qu’il n’en est plus vraiment l’auteur, tant ses compositions ont été samplées et resamplées.
La quête du Galt, un webdoc viral
Jusque là, le public répond présent. Depuis sa mise en ligne, le 21 décembre dernier, près de 400 000 personnes ont visionné le webdoc de 52 minutes. Soit à peu près les mêmes bases que le précédent opus de Gasface, qui a dépassé le million de vues. Il faut dire que les auteurs ont mis l’accent sur la viralité de leur objet-web. Mis en ligne pièces par pièces (des mixtapes font aussi partie de l’oeuvre), l’ensemble du projet a bénéficié d’un excellent relai sur les sites consacrés à la culture urbaine.
Et pas qu’en France. Soulignant que leur webdoc a pour terrain de jeu la toile (soit le WORLD wide web), les auteurs ont choisi faire un film en anglais (sous-titré français) pour toucher un plus large public. Et leur association avec Dailymotion (coproducteur et diffuseur du projet) entre aussi dans leur stratégie de « viralité ».
Quitte à être un peu provocateurs, les auteurs s’inscrivent en faux des webdocs français actuels, « encore un peu sur des schémas qui datent de 2008, avec la narration éclatée« . Pour eux, le webdoc en 2012/2013, ce sont des outils fournis par le web pour aider à raconter une histoire. Et si pour ce faire la narration doit être simple, nul besoin de compliquer les choses.
Sans dévoiler comment s’achève le webdoc, car au fond le résultat est moins important que la démarche, on a le droit de dire que Galt MacDermot a pu voir le film qui lui était consacré. La famille de « l’homme qui a une œuvre et pas de nom, alors que désormais, les gens ont un nom, mais pas d’œuvre » dixit Nicolas Venancio, l’a regardé avec lui lors des fêtes de Noël. Ce qui a appris à certains de ses petits-enfants (il a désormais 83 ans) à quel point leur « papy » était « balèze ».
Mathieu Rochet et Nicolas Venancio, eux, ne s’arrêtent pas. À 33 ans tous les deux, « comme le Christ« , ils visent désormais la côte Ouest des Etats-Unis, peut-être dès le printemps qui vient. Pour faire le pendant West Coast de leur webdoc? Peut-être, mais hors de question de refaire la quête de Galt. Ils veulent juste casser un peu leurs habitudes, et quitter New York, qu’ils commencent à bien avoir arpentée.
Et à la fin du mois, le duo Gasface sort une série de portraits de musiciens français énormément samplés aux Etats-Unis. « Tous des vieux, c’est un peu des Galt français, dévoile Nicolas Venancio. Il y a Jean-Jacques Perrey, Alain Mion du groupe de jazz Cortex… »
Plus encore que de lui consacrer un film, que Galt devienne un nom commun dans leur bouche, c’est certainement le plus beau compliment que les auteurs pouvaient faire à ce compositeur.
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