Les changements de directeurs artistiques vont bon train cette saison. Parmi les transitions scrutées de près, celle de la marque Givenchy, qui vient de nommer Clare Waight Keller, auparavant chez Chloé, au poste de directrice artistique. La créatrice britannique sera désormais le cerveau à l’origine des collections homme, femme et haute couture. Ses premières silhouettes […]
Après Maria Grazia Chiuri chez Dior, elle est la deuxième femme nommée aux commandes d’un des joyaux du groupe LVMH : la maison Givenchy. La nouvelle, tombée au mois de mars dernier, a provoqué la surprise. Et pour cause, elle succède à l’italien flamboyant Riccardo Tisci et la transition s’annonce abrupte.
Les changements de directeurs artistiques vont bon train cette saison. Parmi les transitions scrutées de près, celle de la marque Givenchy, qui vient de nommer Clare Waight Keller, auparavant chez Chloé, au poste de directrice artistique. La créatrice britannique sera désormais le cerveau à l’origine des collections homme, femme et haute couture. Ses premières silhouettes défileront ce week-end, à Paris.
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Waight Keller et Tisci, les vents contraires
Ce n’est pas une page blanche devant laquelle Clare Waight Keller s’est assise, dans son nouveau bureau du 3 avenue Georges V. Avant elle, le designer italien Riccardo Tisci y a bâti un empire à son image. Un monde la sépare de son prédécesseur. Deux identités antinomiques : la fille Waight Keller vit le jour, la femme Tisci la nuit. L’un côtoie la jetset quand l’autre écoule ses fins de semaines à Londres, entourée de sa famille. L’un est hyper médiatisation, l’autre implacable discrétion.
Mais peut-être est-ce précisément ce tempérament qui a séduit la direction de la griffe appartenant à LVMH. Le groupe a nommé, il y a quelques mois de cela, une autre figure féminine et réservée, Maria Grazia Chiuri, à la création de l’un de ses navires de guerre : Dior. Serait-ce symptomatique d’une volonté d’aller vers une mode plus sage et moins connotée ? Ou d’opérer un retour aux racines de la maison ? « Pour moi, le profil de Clare va apporter beaucoup de féminité à l’approche Givenchy et va peut-être marquer un retour aux origines de la marque effectivement, au projet inventé par son fondateur Hubert de Givenchy et dont Ricardo Tisci s’était un peu éloigné : la vision d’Hubert de Givenchy, c’est une vision assez classique de l’élégance, d’une féminité heureuse, épanouie, un goût très français pour la légèreté comme pour la culture », explique Pierre-François Le Louët, président du bureau de tendances Nelly Rodi.
Riccardo Tisci, italien prodige (il quitte le foyer familial à 17 ans pour intégrer la Central Saint Martins), a dessiné durant plus de douze ans pour Givenchy une mode audacieuse, sexy, aux accents sportswear et urbains, à la fois inquiétante et étincelante. Il tire sa révérence et cet au revoir marque la fin d’une ère. A l’instar d’un Olivier Rousteing chez Balmain ou d’un Karl Lagerfeld chez Chanel, son départ suscite des questionnements, comme celui de tout D.A. ayant puissamment incarné la griffe pour laquelle il a œuvré. « Riccardo Tisci est un immense designer, confirme Pierre-François Le Louët. Givenchy est une maison complexe qui s’est nourrie d’esthétiques très puissantes depuis le départ du créateur de la maison à la fin des années 90. »
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Rendre hommage à l’héritage d’Hubert de Givenchy
Dès son arrivée, Clare Waight Keller s’est longuement plongée dans les archives du couturier fondateur, Hubert de Givenchy. Ce sont des chutes de soie imprimées de félins aux yeux perçants, hyper réalistes, datant de 1953 et découvertes dans ces archives, qui ont fait germer dans son esprit l’idée de sa première campagne publicitaire. Tournée en noir et blanc par le photographe américain Steven Meisel, les protagonistes principaux en sont des chats. Une première manière d’embrasser les codes esthétiques qu’elle partage avec Monsieur Givenchy. « Il se dit d’ailleurs qu’Hubert de Givenchy serait de nouveau en odeur de sainteté dans la maison qu’il a fondée. Il est un des derniers trésors vivants de la mode, de ceux qui ont marqué le XXe siècle. Ce serait une très bonne nouvelle que le groupe LVMH lui rende enfin aujourd’hui hommage, » poursuit Pierre-François Le Louët.
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Si telles sont les intentions du groupe, il se pourrait bien qu’ils aient frappé à la bonne porte. A deux reprises et d’une main de maître, Clare Waight Keller a su moderniser l’héritage de maisons par lesquelles elle est passée. Diplômée du Ravensbourne College of Art et spécialisée en maille au Royal College of Art, cette quadra au sourire chaleureux, mère de trois enfants, a fait ses armes chez Ralph Lauren, Calvin Klein et Gucci. En 2005, elle est embauchée chez Pringle Of Scotland, spécialiste du cachemire et du tricot bicentenaire. Si les twin-sets de la marque ont couvert pendant un temps les épaules de Brigitte Bardot et Grace Kelly, à l’arrivée de la belle anglaise, la maison est à bout de souffle. Mais Clare Waight Keller a bien l’intention de rendre ses lettres de noblesses à cette marque au savoir-faire ancestral. Dans ses mains, les mailles deviennent un matériau à sculpter. Poches XXL, élégantes épaules, manches gigot… Les cardigans sages et fonctionnels deviennent des pièces ultra désirables. Très vite, ils s’invitent sur les podiums de la Fashion Week de Londres et une ligne d’accessoires de luxe est lancée. Quelques mois après son arrivée, elle est couronnée du prix de « créateur de l’année » catégorie cachemire des Scottish Fashion Awards.
Romantisme seventies et couleurs pastels
En 2011, elle quitte sa Grande Bretagne natale et s’installe à Paris : elle vient d’être nommée à la direction créative de Chloé, succédant à Stella McCartney, Phoebe Philo, et Hannah MacGibbon. Plus pragmatique auparavant chez Pringle Of Scotland, elle a habillé, chez Chloé, une femme qui s’est épanouie sous son regard. Sous l’étiquette de la griffe créée en 1952 par Gaby Aghion, elle a esquissé, cinq années durant, des volumes longs et fluides, des détails raffinés dans une ambiance bohème ou rétro, oscillant entre sixties et seventies. Le tout sans jamais cesser de rendre hommage à l’héritage laissé par la fondatrice : des robes romantiques aux teintes poudrées. Les gammes de coloris qu’elle affectionne, souvent passées ou délicates, dégagent quelque chose d’à la fois énergique et innocent. Rigoureuse, jamais happée par les carcans d’une élégance noble et ennuyeuse, elle s’est laissé aller, au fil des collections, à quelques pointes d’audace. Les couleurs se sont faits plus franches, les inspirations plus sportives.
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Clare Waight Keller a deux francs succès au compteur et un savoir-faire dans le domaine de l’accessoire qui a sans nul doute interpellé LVMH : elle a l’art du best-seller et a notamment dessiné les it-bags Drew ou Faye pour Chloé, dont les ventes ont fait décoller la visibilité de la griffe. Sa nomination à la direction artistique de Givenchy suscite néanmoins curiosité et interrogations. Comment va-t-elle façonner le Givenchy post-Ricardo Tisci ? La créatrice semble en tout cas avoir de grandes ambitions. « Je veux construire une histoire complètement différente. Je veux que les gens se disent ‘c’est totalement inattendu’ », explique-t-elle dans une interview accordée au New York Times. Réponse demain.
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