La web-série lancée par Allociné reprend le concept des détournements cultes de Michel Hazanavicius. Malgré la présence du co-auteur d’origine Dominique Mézerette, le feu n’est plus là.
On pourrait s’étonner de l’inexistante exploitation commerciale de La Classe américaine, quand on sait l’immense aura de ce détournement conçu en 1993 à partir de dizaines de longs-métrages issus du catalogue Warner. Doublé par les comédiens d’origine et mené d’une main de maître par le futur réalisateur oscarisé Michel Hazanavicius et son compère Dominique Mézerette, le film circule depuis sur tous les canaux pirates qui ont bien voulu lui donner une seconde vie. Sa notoriété se mesure volontiers au nombre de citations camouflées qu’a connu le film, notamment dans le jeu vidéo. Cerise sur le gâteau : les fans ont été jusqu’à mettre en œuvre un recensement exhaustif des plans utilisés, afin de retrouver les DVD (et même d’en faire sortir certains) et monter une version HD – un site décrit même méticuleusement ce travail de fourmi. Y a-t-il un plus grand symptôme d’obsession pour une œuvre que de parvenir en disséquer toute l’anatomie ?
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Mais voilà : même si une certaine indulgence déroge au film le droit de vivre cette sympathique popularité numérique et d’être même parfois projeté en festival, il est bien sûr impossible d’en sortir une version dans le commerce sans se brouiller avec les ayants droits des dizaines de films utilisés, et leur tout puissant studio, Warner Bros. Allociné a donc remédié à cet obstacle : le site a lancé une série d’été intitulée Le Petit détournement, dotée d’une grande partie de l’équipe d’origine et divisée en épisodes diffusés tout au long de l’été. Le pitch : dans une galaxie imaginaire, l’empereur Kläkös (sic) décide, aidé de ses sujets, de produire le film ultime.
Le Petit détournement ressemble hélas beaucoup moins à La Classe américaine qu’à sa très médiocre filiation : voix mollassonnes, blagues téléphonées, parfois piquées à droite ou à gauche, et pas aux plus grands (une citation douteuse de Bigard). Reprenant parfois très explicitement les ficelles les plus connues de son modèle (l’écran bleu d’ouverture avec message de service ; « ça sera un film sur le ski » sur le même ton que « on va manger des chips »…), la série a tout des imitations puériles qu’on a vu proliférer sur les plateformes vidéo durant la dernière décennie ; avec en premier lieu un goût mal dosé pour le cracra et l’argot banlieusard.
La formule absurde et arythmique de La Classe américaine semble de prime abord tolérer toutes les maladresses ; c’est ce qu’ont mal compris ses piètres plagiaires, bien incapables d’en retrouver le souffle. Le destin du film est peut-être celui-là : exister sans matière, dans l’imaginaire collectif, les échanges P2P et les citations dispersées ça et là ; et hanter ses pâles copies, quand bien même elles connaitraient désormais, elles, une vie commerciale.
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