Sur France Culture, Du grain à moudre est le lieu de vifs débats qui ne virent pas aux face-à-face stériles.
Mettre en scène le débat d’idées pousse au désir d’affrontement. Non seulement parce que la vie intellectuelle produit de la controverse, mais aussi parce que les médias raffolent des désaccords qui nourrissent le spectacle.
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France Culture ne renonce pas non plus totalement à une “scène” où la parole se déploie comme un combat. L’excellente émission de Julie Clarini et Brice Couturier, Du grain à moudre, en est l’illustration : le grain qui s’y moud donne matière à penser. Comme si la meilleure façon de marcher au coeur des débats intellectuels contemporains assumait le risque d’en révéler les fractures.
La controverse est un principe fondateur. Entre Julie Clarini et Brice Couturier, la “gauchiste” et le “réac”, étiquettes qui collent à la peau des deux animateurs, il se joue chaque jour la même opposition qu’entre deux penseurs éloignés au plan politique.
“Quand Brice et Julie s’engueulent l’après-midi, c’est que l’émission va être bonne” confesse un assistant. Entre le premier, adepte de la pensée libérale au sens large, et la seconde, plus proche de la gauche radicale, l’émission crée un rapport de force entre amis qui fait du questionnement la clé d’entrée d’une discussion ouverte.
“Ce qu’on cherche, c’est la clarification des idées, pas le spectacle en soi”, rassure Julie Clarini. Complice sur la méthode, Brice Couturier renchérit : “Il faut entendre les arguments de ses ennemis politiques, faire émerger des clivages qui dépassent les vieux schémas.”
Convaincus que les terrains d’affrontements idéologiques se déplacent, comme l’attestent les débats sur l’autorité, les identités, la démocratie, l’écologie, les religions, les deux bateleurs tentent de redessiner un paysage intellectuel moins dévasté que dévastant les anciennes lignes de front.
En pleine reconfiguration – grâce à de nouvelles générations de chercheurs plus présentes dans les revues d’idées et les universités que dans les médias de masse –, le territoire de la pensée se réinvente, sous le poids de questions qui se posent à tous leurs invités, sociologues, philosophes, scientifiques, écrivains, militants…
La philosophie libérale va-t-elle payer pour la crise ? Le darwinisme va-t-il phagocyter les sciences sociales ? Les historiens peuvent-ils se tenir à distance des passions politiques ?…
Il n’y a rien à gagner si l’on trouve la réponse : elle n’existe pas, en dehors de l’opinion de chacun, que l’émission vise à parfaire en révélant les enjeux de chaque sujet. Mais Julie Clarini insiste : “Si la clarté reste un souci permanent, il faut aussi rester sur sa faim à la radio. On ne fait pas un cours académique, on est dans le débat d’idées, à chaud.”
Le succès de l’émission depuis ses débuts, fin 2006 – elle est la troisième émission la plus podcastée de France Culture –, tient aussi à cet aveu d’imperfection, propre à toute entreprise intellectuelle passant par le filtre médiatique. Séparé de l’ivraie, le grain à moudre fortifie les esprits.
Du grain à moudre France Culture, du lundi au jeudi à 18 h 20
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