Initialement prévues pour entrer en application fin 2009 ou début 2010, ces réformes controversées ou trop contraignantes ne verront le jour qu’après les élections régionales.
Les campagnes électorales se prêtent mal au conflit, que ce soit entre le pouvoir et les Français ou au sein même de la majorité. Il convient donc de désamorcer, autant que possible, les risques de dispute.
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Plusieurs projets de réforme ont ainsi été repoussés après les régionales des 14 et 21 mars. Pour le politologue Stéphane Rozès (président de Conseils, analyses et perspectives), ces procrastinations s’expliquent par « la volonté de ne pas troubler la campagne », « l’absence de consensus dans une majorité déstabilisée » et « les difficultés constitutionnelles ». Nicolas Sarkozy « souhaite se recentrer sur quelques réformes de fond et commence à faire la hiérarchie entre les réformes. Il tempère son bougisme réformiste », ajoute-t-il.
Laurent Fabius craint pour sa part « un triple coup de bambou » de la part du gouvernement au lendemain des élections : social, avec « les licenciements aujourd’hui différés, la précarisation de la Fonction publique et la remise en cause des retraites ». Fiscal, à cause de « la nouvelle taxe carbone et plusieurs prélèvements supplémentaires ». Et territorial : « la suppression des conseillers régionaux et le nouveau mode de scrutin antidémocratique » dans le cadre de la réforme des collectivités. Petit passage en revue des dossiers en attente.
La taxe carbone
La censure surprise du Conseil constitutionnel, le 29 décembre, a mis en suspens le projet de contribution carbone, qui devait entrer en vigueur le 1er janvier. Le gouvernement comptait remonter en selle tout de suite, avec une nouvelle version du texte le 20 janvier. Il a finalement décidé de mener une « concertation » sur les industries polluantes exemptées de taxe. Et d’attendre le mois d’avril ou mai pour présenter son projet de loi, qui entrerait en vigueur début juillet. Il faut dire que jusque dans la majorité, la taxe carbone fait râler.
Les retraites
Le gouvernement a décidé de frapper un grand coup… mais plus tard. Dès juin 2009, Nicolas Sarkozy annonçait que « le temps de la décision » viendrait « mi-2010 », avec une loi prévue en juillet. Malgré l’ouverture du sommet social ce lundi, les mesures concrètes sont encore retardées, puisque la négociation avec les syndicats ne commencera que début avril. Au programme : changement du mode de calcul pour les fonctionnaires et allongement probable de la durée de cotisations. « On a tous en tête la période assez agitée de la réforme Fillon, avec des mesures assez douloureuses », rappelle le politologue Stéphane Rozès. « Cette réforme, qui touche à la difficile question du pouvoir d’achat, va être lourde à mener et nécessiter beaucoup de doigté. »
La réforme du code de procédure pénale
Le 7 janvier 2009, le Président de la République annonçait la suppression du juge d’instruction, et chargeait la commission Léger de réfléchir aux modalités. Alors qu’un projet de loi devait être présenté au Parlement avant fin 2009, il a été renvoyé à une date indéterminée. La chancellerie travaille en ce moment sur un avant-projet de loi. Les magistrats en colère ont décidé de s’unir contre la réforme.
La loi sur la burqa
Le chef de file des députés UMP Jean-François Copé avait pris de court la mission parlementaire sur la burqa en affirmant sa volonté de déposer une proposition de loi d’interdiction avant même la fin de ses travaux. Il a finalement mis de l’eau dans son vin en décidant de laisser passer les élections. La proposition « n’a pas vocation à être débattue avant les régionales, on n’a pas de place à l’ordre du jour » de l’Assemblée nationale, affirmait-il le 7 janvier. Le débat sur l’identité nationale, clos par un séminaire gouvernemental qui a débouché sur peu de mesures concrètes, devrait finalement continuer comme toile de fond pendant une durée indéterminée.
L’application de la loi Hadopi
Les premiers messages d’avertissement envoyés aux internautes surpris en flagrant délit de téléchargement illégal ne partiront que début avril. Au début de l’automne, le gouvernement annonçait pourtant que la loi Hadopi entrerait en vigueur le 1er janvier 2010, mais les décrets d’application restent en suspens.
Le redécoupage électoral
Prudent, le gouvernement a repoussé l’examen du projet de loi sur le mode d’élection des futurs conseillers territoriaux. Le nouveau système, qui favorise considérablement le parti majoritaire, fait l’unanimité contre lui. Ni la gauche, ni le Modem ou le Nouveau Centre ne veulent en entendre parler. Même à l’UMP, les protestataires se sont fait entendre : Jean-François Copé, Gérard Longuet, et Alain Juppé notamment, plaident pour un scrutin uninominal à deux tours.
Les déficits
Urgence, urgence ! En avril donc, le président dévoilera des « décisions extrêmement importantes pour que la spirale des déficits ne porte pas atteinte à la crédibilité de notre pays ». Avec un déficit public prévu à 8,2% du produit intérieur brut cette année et une dette à 83,2% du PIB, les comptes publics français sont exsangues. Les mesures à prendre pour rentrer dans les critères de Bruxelles (3% du PIB) pourraient être drastiques.
La réforme de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP)
Le plan stratégique 2010-2014, qui pourrait entraîner jusqu’à 4000 suppressions de poste sur trois ans à l’AP-HP, sera définitivement validé au mois de juin. Là encore, devant la stupéfaction du personnel hospitalier, « dialogue » et « concertation » permettront de faire passer la pilule… au moins jusqu’après les élections.
Photo : manuel | MC / Flickr
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