C’est dans le petit Barfly, en plein Camden à Londres, que nous sommes allés dimanche soir prendre des nouvelles de Two Door Cinema Club. Incroyable machine à tube, les Nord-Irlandais épatent de plus en plus et promettent quelques belles grandeurs.
De loin, les lunettes embuées par les 208% d’humidité qui transforment le petit Barfly de Camden en tente de sudation houblonnée, derrière des dizaines d’appareils photos numériques levés au ciel dès l’entrée d’un groupe sur scène (une étrange maladie britannique, sans doute), les trois garçons semblent à peine sortis du collège. Bon, ok, ils sortent du college, de la fac –ils ne sont en tous cas pas très vieux.
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Ce ne sont pourtant pas des perdreaux de l’année. Pas le groupe hype qu’il pourrait paraître, pas l’ouragan qui emporte tout en quelques semaines, avant de tout ramener sagement puis de disparaître, la queue entre les jambes, dans les oubliettes de l’histoire. Ce n’est pas leur première tournée britannique, pas plus que ce n’est leur premier concert à Londres. Pas la première fois qu’ils sortent de leurs bases –comprendre Bangor, ville côtière d’Irlande du Nord, 75 000 habitants environ, voisine de Belfast, pas la joie mais pas trop mal.
Car l’histoire Two Door Cinema Club n’est pas une vaguelette si récente. Un groupe, « Next Big Thing » promet l’intitulé du concert, qui ne vient pas de nulle part, n’a pas été inventé par une manchette du NME, pas créé ex nihilo par quelques cyniques marketeux. Les trois garçons ont pris leur temps, n’ont pas pressé les choses, ont laissé leur bonne nature faire son office.
On leur demande pourquoi chacun de leurs refrains pourrait mettre à l’amende les plus platinés des tubes de Franz Ferdinand, comment ils font pour que chacune de leurs galopades rythmiques puisse infliger un K.O. technique à Bloc Party, de quel chapeau génial ils sortent les mélodies du bonheur qui peuplent les coins et recoins de leurs chansons ? Facile : ils ont beaucoup écrit, beaucoup jeté. Pendant des années.
Ils écrivent et jouent ensemble, d’abord dans l’ombre mais bientôt dans les étoiles, depuis qu’ils sont gamins. Et ça se voit, et ça se sent. Ca se sent d’ailleurs instantanément : déjà croisés lors du dernier Festival des Inrocks, dans la petite Boule Noire puis dans la large Cigale en remplacement de La Roux, ils avaient en quelques morceaux fait se lever des sourcils curieux, puis avaient en quelques chansons supplémentaires fait éclater des cœurs apparemment conquis.
Là encore, au Barfly, une chose frappe dès les premières minutes de concert : on n’a pas vu une telle cohérence sur scène depuis longtemps –depuis, peut-être et dans un style assez différent, les formidoubles Spinto Band. Les têtes remuent à l’unisson, les corps semblent fusionner dans un ensemble sonique bien plus vaste qu’eux, le batteur, quatrième roue du tricycle recruté pour remplacer sur scène les boîtes à rythmes des trois zigotos, s’insère impeccablement dans le dispositif. Le tout est sur scène un monstre mécanique aux rouages parfaitement huilés, au son déjà large comme l’URSS : le groupe est clairement prêt, et prêt depuis longtemps, pour passer un stade.
Et la scène est clairement leur élément le plus naturel : les pleins et les déliés de Toutist History, premier album des trois boys très rondement produit pour la conquête des larges bandes FM, se transforment dans la sueur et la bonne humeur en un kick-boxing dresse-poils et fascinant. Comprendre alerte, voire alerte rouge, incroyablement cascadeur et, surtout, méchamment cogneur. Two Door Cinema Club ne révolutionne sans doute pas la musique, mais les Nord-Irlandais apportent ce qui s’était déjà fait ces quelques années à un niveau encore insoupçonné.
Il y a là autant de Foals que de trésors pop romantiques, autant de Bloc Party que de Vampire Weekend, autant de Battles que de Phoenix –Daniel Glass, patron du label américain des Français, avec qui Two Door Cinema Club partagera bientôt l’affiche en France, a d’ailleurs fait le voyage de New York pour voir ses poulains. Le set dure moins d’une petite heure. Et c’est démoniaque, absolument démoniaque : à aucun moment synapses électrisés et hanches assouplies ne se relâchent sur un morceau faible, moins dansant, moins mélodique, sur une guitare moins alerte, une basse moins rageuse, des circonvolutions vocales moins accrocheuse.
Le groupe pourrait annoncer un traditionnel « This is our next single, out next week » à l’entame de chacun de ses tubes potentiels, il ne mentirait pas –et on lui promettrait même, si le monde est juste, monts, merveilles et hourras. Que des morceaux forts, donc, mais dont une poignée est carrément herculéenne –I Can Talk à Something Good Can Work, d’Undercover Martyn à Do You Want it All. « Next Big Thing”, Two Door Cinema Club? « Next HUGE thing », sommes-nous prêts à mettre la main à couper, et au feu.
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