Ce jeudi, deux parlementaires visitaient le centre de rétention administrative de Vincennes, pour rendre compte des conditions de vie des migrants qui y sont enfermés. Les Inrocks les ont accompagnés, mais l’accès pour les journalistes reste impossible malgré les demandes de nombreuses associations.
Devant le Centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes, ce jeudi après-midi orageux, on poireaute sous une sorte d’abribus en bois. Une heure, deux heures plantés là, avec les proches des “retenus” venus leur rendre visite. Ils auront une demi-heure de conversation dans une salle commune. Ces visiteurs arrivent par un chemin de terre à travers bois.
Nous attendons deux parlementaires, rentrés dans le centre parce qu’ils en ont le droit. Christian Favier, sénateur (PCF) et Marie-Christine Vergiat, eurodéputée (Front de gauche) viennent exercer leur droit de regard sur les conditions d’accueil dans le Centre de rétention administrative. Les sans-papiers qui y sont envoyés peuvent y rester jusqu’à 45 jours, en attente de leur expulsion ou de leur libération. De la gare RER au CRA, nous avons suivi les parlementaires le plus loin possible, en filmant les lieux.
Ouvert en 1995, rénové après la révolte et l’incendie de 2008, le CRA de Vincennes ne ressemble pas aux prisons délabrées qui font régulièrement les gros titres. Ici, pas de surpopulation, pas de problème majeur d’hygiène, seulement la privation de liberté et ses conséquences. Le rapport 2010 du Forum Réfugiés et de la Cimade constate que “les actes d’automutilation sont quotidiens et les tentatives de suicide fréquentes”.
Si les journalistes peuvent assez facilement entrer en prison, sur demande ou lors de visites d’élus, il est quasi-impossible d’être admis en rétention. Les associatifs sont confrontés aux mêmes difficultés, comme l’explique François Pasquier, de la Ligue des droits de l’homme, elle aussi bloquée devant la porte :
“Lorsque j’ai essayé de rentrer avec les parlementaires tout à l’heure, le chef de centre m’a dit que je n’avais rien à faire là. Le seul moyen est de venir voir un retenu en particulier, en donnant son nom à l’accueil pendant les heures de visite. Mais nous ne pouvons pas visiter l’intégralité du centre.”
C’est pour dénoncer cette absence de “transparence”, pourtant mise en avant dans tous les domaines par les services de l’Etat, que des associations (Migreurop et Alternatives européennes) ont lancé la campagne européenne “Open Access”, exigeant un accès aux centres de rétention. L’opération se terminait le jour de notre visite à Vincennes, après un mois de tentatives diverses pour entrer dans les CRA dans toute l’Europe.
Plusieurs techniques ont été éprouvées, par des associatifs et des journalistes, à l’appel des organisateurs de la campagne. Avant notre tentative de passage en force dans le sillage des parlementaires, nous avions déposé une demande de visite auprès du ministère de l’Intérieur. Refusée. Officiellement, « il n’y a pas de visites en ce moment en raison du devoir de réserve des fonctionnaires en période électorale« .
Mais en Europe, toutes les demandes déposées dans le cadre d’Open Access ont été refusées. Selon les centres de rétention et les interlocuteurs, les justifications variaient : refus non-motivé, absence de réponse, “risque de révolte” ou volonté affichée de protéger les retenus. 600 000 personnes retenues chaque année sur le continent restent ainsi à l’abri des regards.