Moins d’un mois après l’édition montréalaise, La Rochelle célébrait à son tour la scène francophone pendant 5 jours et 5 nuits. Retour sur la 29e édition des Francofolies : entre hommages et découvertes sous un soleil au zénith.
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Depuis 1998, l’équipe du Chantier (salle de concert située en face de l’océan – à La Rochelle) reçoit de jeunes espoirs en résidence pour les accompagner scéniquement et vocalement tout au long de l’année. L’été venu, elle les invite à se frotter au public du festival des Francofolies. Après Christine & The Queens et Emily Loizeau, le Chantier accueillait cette année 10 artistes : Sophie Maurin, Set & Match, AuDen, Mathilde Forget, Granville… Retour sur nos 2 coups de cœur.
Sophie Maurin (lauréate du Prix Premières Francos Adami)
Petite fée en tutu et à la démarche de poupée Corolle, Sophie Maurin récite des comptines poudrées de souvenirs émus. Princesse des Motordus, ses « belles lisses poires » tiennent en équilibre instable comme un jeu de Jenga. Au Chantier, Sophie fait figure d’élève modèle et sa prestation scénique lui vaut le Prix Premières Francos Adami 2013. Pour lui faire quitter son rôle de chouchoute de la classe et les jupons de son aînée Camille – époque « Sac des Files » – on glisserait quand même bien quelques cristaux roses dans son lait fraise. Son premier album est sorti au printemps, une affaire à suivre..
Yan Wagner
Si vous pensiez que les Francos rimaient uniquement avec la langue de Molière, vous avez tout faux. La preuve par trois avec ce jeune prodige des claviers qui nous donne des frissons dans le dos : une voix digne de Ian Curtis, des beats 80’s et une moue boudeuse à croquer. Le temps d’un set, voilà que la salle des fêtes du Casino Barrière se métamorphose en dancefloor new wave avec des lights furibards et des rythmes endiablés. Perle irrégulière glanée sur le bord de plage, Yan ne va pas tarder à retraverser l’atlantique et faire des vagues.
Le moment de solitude / la déception : Granville
Il y a un peu plus d’un an, on découvrait les nouveaux héros de la scène caennaise et trépignait d’impatience à l’idée de les voir sur scène. Après un album sorti dans la précipitation et un passage en résidence au Chantier, le théâtre Verdière des Francos les accueillait samedi dernier dans des conditions exceptionnelles. Sauf que là, c’est le couac ! La voix de la jolie Mélissa manque de justesse, le soleil semble avoir engourdi le reste de son équipe et pas un sourire pour sauver la mise. Résultat : l’engouement du public se dégonfle comme un ballon de baudruche devant ce set un peu trop brouillon. Le «Slow» de nos premiers amours a perdu de son éclat. On préfère fuir notre partenaire de danse maladroit et filer en cuisine s’enfiler le reste de la bouteille de Gin pour noyer notre déception. Difficile de penser que Granville est encore un plein rodage avec autant de scènes derrière eux : on sort le carton rouge !
L’Hommage : Jane Birkin chante Serge Gainsbourg
Pendant que sa fille Lou Doillon fait des siennes sur la grande scène de Saint-Jean-d’Acre, Jane enfile la chemise blanche entrouverte et le pantalon de son défunt mari pour reprendre ses classiques dans le Grand Théâtre de la Coursive. Accompagnée par un quatuor de musiciens en provenance directe du pays du Soleil Levant, la chanson «Comic Strip» prend des reflets Kawai et redonne un nouveau souffle aux classiques de Serge. On garde un souvenir ému du passage de Jane entre les rangs du public avec son parapluie de loupiotes dans les bras : regard de velours et timbre adolescent pour la chanteuse anglaise la plus aimée des français.
La claque : Benjamin Clementine
Les JO de Londres nous avaient donc caché l’identité de leur plus bel athlète : peau d’ébène, tenue monochrome et port de tête royal pour Benjamin Clementine. De son expérience comme musicien dans les boyaux du métro parisien, il en a gardé une certaine obstination dérangeante : celle de prendre le contrôle de son public et de le mener par le bout des ongles, jusqu’à lui. Déconcertant, il l’affronte comme dans un combat de joutes, un duel avec sa voix comme arme blanche. Cette comédie violente entre lui et son public, se ponctue par quelques crises au piano et lancés de micro, quitte à finir a cappella . Ses bras de lutteur pianotent à toute vitesse et vous envoient balader pendant que sa voix grave et profonde vient directement vous plaquer sur le tatami. Acteur (malgré lui), musicien et mannequin : cet artiste complet va faire des ravages.
Les petits chatons / l’évènement : FAUVE
On ne présente plus le collectif parisien, pourtant encore inconnu au bataillon il y a un an. Désormais, il suffit de regarder les murs pour voir un graffiti reprenant les paroles «Haut Les Cœurs» ou le statut Facebook de votre copine pour y découvrir un passage de «Nuits Fauves». Nos petits félins rassemblent à chacun de leur passage une foule de plus en plus compacte et unanime. Chantant à cœur ouvert des paroles qu’il maitrise sur le bout des doigts, le public de Fauve s’approprie un cri, celui d’une génération en mal de vivre ou juste un peu paumée. Noyé dans le flot incontinent d’images et un débit de paroles à plus de 90bpm, on se laisse envahir par leurs projections visuelles (réalisées par le collectif) qui se perfectionnent d’un show au suivant. Et une fois leur concert terminé, pas question pour le collectif Fauve de s’exiler dans ses loges, les voilà qui prennent la direction du merchandising pour vendre et dédicacer t-shirts et vinyles à leurs fans. PS : Ils viennent de mettre en ligne «4000 îles» et «Kané» sur toutes les plateforme de téléchargement légal.
La Classe : Gaëtan Roussel Re -« Play Blessures » d’Alain Bashung
Invitant Benjamin Lebeau des Shoes aux arrangements / machines, et le guitariste des Wampas, Gaëtan offre au public des Francos le plus beau feu d’artifice du 14 juillet. Masqué derrière une toile où s’impriment mille et une variations de couleurs et de sculptures protéiformes, il revisite le quatrième album de Bashung Play Blessure. Echec commercial à sa sortie en 1982, cet album qui succèda aux étouffants tubes« Gaby » et « Vertiges de l’amour » ne fut sacré « culte » par la critique que bien des années plus tard. Co signés par Serge Gainsbourg, les paroles revivent une nouvelle jeunesse sur scène : l’album étant joué dans son intégralité et dans l’ordre, de manière quasi religieuse. Evitant à tout prix la copie conforme, Gaëtan Roussel se réapproprie l’espace temps, sonne le glas d’une coldwave 80’s façon Suicide et lance un : « Tu joues dans quel groupe / T’es pas sûr / Apprends ton play-back / Play blessures » sur «Lavabo» qui prend tout son sens. Chapeau !
Le rockeur de diamant : -M-
Après avoir rempli 10 zéniths au printemps dernier et déjà attendu à Bercy pour l’hiver, Matthieu Chedid « dit M » à près de 15 000 festivaliers sur la grande scène lundi soir. Ravivant les couleurs de ses grands classiques («Nostalgique du Cool» ,«La Bonne Etoile» et le tube intersidéral «Machistador»), il ne nous a pas non plus épargné son plus récent pastiche des Black Keys «MOJO» qui lui donne des allures de rockeur sur le retour. Et pourtant ce quadragénaire à la voix douce (et certes agaçante) a su garder tout son pouvoir de séduction : il improvise des chorégraphies avec son public et continue de faire briller les yeux des plus grands comme des plus petits avec une superproduction lumineuse de quelques centaines de megawatt !
La confirmation de foi : Rover
Après être passé par le théâtre Verdière grâce au Chantier en 2011 puis avoir accompagné Thomas Dutronc sur une création l’an dernier, Timothée Reignier affrontait la grande scène de Saint-Jean-d’Acre pour sa troisième année consécutive aux Francofolies. Consécration : c’est devant des milliers de festivaliers que le grand ours solitaire a présenté une formation sans bistouri ou autre dope électronique : le trio classique guitare, basse, batterie. On fond (de chaleur) sur son tubesque Aqualast, porté par des courants marins très Bowie. Grande âme à la hauteur du personnage, on attend de pied ferme son prochain album !
La phrase
Entendu sur le vieux port de La Rochelle : « Un jour ma mère a fait une allergie à des sardines de thon ».
Et oui, Les Francofolies de La Rochelle ce sont 5 jours et 5 nuits de fête et donc peu de sommeil. Les festivaliers ont tendance à perdre un peu la boule après 2 bouteilles de rosé sirotées sur la terrasse de chez André, institution locale où vous pourrez savourer langoustines, tourteaux et fruits de mer en tout genre.
La photo
31°C sur la grande scène de Saint-Jean-d’Acre : ça méritait bien quelques pompiers en uniforme et des canons à eau. Hourray !
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