Le point commun entre Bilal Berjawi, Mohamed Saker et Mahdi Hashi ? Tous trois étaient considérés comme terroristes par le Royaume-Uni. Pourtant, ce sont les Etats-Unis qui se sont chargés de les « neutraliser ». Retour sur une pratique de collaboration étroite entre les deux puissances.
The Disposition Matrix. Ça pourrait être le nom d’un complot international, ou d’un mauvais thriller politique. Mais c’est l’intitulé, dans le langage euphémique de la diplomatie, de la « kill list » de l’administration Obama. Si son existence est connue depuis les révélations du Washington Post en février 2012, The Guardian, dans un article de dimanche 15 juillet, met en évidence la participation du Royaume-Uni à cette liste des hommes à abattre. En effet, tout porte à croire que ceux-ci se déchargent de leurs terroristes de nationalité britannique en les confiant aux autorités étasuniennes.
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The Guardian s’appuie pour avancer cela sur les cas de quatre hommes britanniques, musulmans et accusés de terrorisme : Bilal Berjawi, Mohamed Sakr, Mahdi Hashi et un homme surnommé « B2 » dont le vrai nom reste secret. Berjawi et Sakr ont été tués respectivement en janvier et février 2012 par deux attaques de drones dans un camp d’al-Shaabab, la branche somalienne d’Al-Qaïda. Mahdi Hashi est en procès aux Etats-Unis et « B2 » en procédure d’extradition vers ce pays. Tous, sauf le mystérieux « B2 », ont perdu leur citoyenneté au Royaume-Uni avant d’être « neutralisés » par les Américains.
La Disposition Matrix, le Terror Tuesday et les citoyens britanniques
En effet, une des armes de choix du Royaume-Uni dans la lutte contre le terrorisme est le retrait de citoyenneté. Celle-ci est, dixit le ministère de l’Intérieur, « un privilège, pas un droit ». On ne peut cependant l’ôter qu’aux bi-nationaux. C’est ce qui est arrivé à Berjawi (né au Liban) et Sakr (de parents égyptiens et britanniques) ainsi qu’à Mahdi Hashi (à moitié Somalien). Ça a failli être le cas pour « B2 » qui a fait appel de cette décision en prouvant qu’il n’avait qu’une seule nationalité.
L’article du Guardian, en recoupant les cas Brejawi, Sakr, « B2 » et Hashi, montre que leurs noms avaient été ajoutés à la Disposition Matrix, prouvant que le Royaume-Uni y collabore. « Kill list » de nouvelle génération, son innovation majeure est de présenter toutes les options pour éliminer les individus qui représentent une menace pour les Etats-Unis en fonction de l’endroit où ils seront localisés. Choisies chaque semaine, les nouvelles cibles sont approuvés par Barack Obama lors d’une réunion, ayant pour objet le contre-terrorisme, que la presse américaine a baptisée « Terror Tuesday ».
« Laissons les Américains avoir la migraine »
Quel intérêt pour le Royaume-Uni de transférer aux Etats-Unis la responsabilité de ses terroristes ? Paul Pillar, ancien analyste principal contre-terroriste à la CIA l’explique au Guardian. Pour lui, devant un cas compliqué, les Britanniques « doivent se dire : vu que c’est un casse-tête pour n’importe qui, laissons les Américains avoir la migraine« . Ainsi, entre alliés, en bonne entente, la patate chaude est vite refilée.
Depuis la fuite d’un mémo du ministère de la Justice américaine, en février dernier, on sait qu’il est légal de tuer un citoyen américain s’il représente une menace imminente pour les Etats-Unis et que sa capture est impossible. Dès lors, on s’imagine bien que les autorités américaines ne montrent pas de scrupules à se débarrasser d’un danger, même d’une autre nationalité. On dirait que la migraine américaine n’est pas près de s’arrêter.
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