Treize ans déjà que Remi Gaillard écume internet. Une décennie avalée à coup de sketchs et d’impostures filmées. Des milliards de vues. Des millions de fans. Aujourd’hui, entre deux conneries tournées dans les rues de Montpellier, son fief sa bataille, Remi Gaillard vient de finir de tourner un film sur sa vie. Retour sur le parcours d’un électron libre.
« Je ne réfléchis pas, je m’amuse », lâche plusieurs fois Rémi Gaillard au détour de la discussion, pour résumer sa démarche. Si la seconde partie est évidente, la première laisse perplexe. Et ce n’est pas TF1 et Confessions intimes qui viendront nous contredire. Le Montpelliérain les a piégés dans les grandes largeurs il y a de ça quelques semaines. Dans une vidéo diffusée sur internet en même temps que l’émission, il explique, reconstitution à l’appui, comment avec un couple d’ami, il s’est joué de Confessions Intimes. L’équipe de l’émission pensait avoir suivi pendant quelques jours un fan gaga de Gaillard et sa petite amie à bout de nerfs, ces derniers moquent les grosses ficelles et la crédulité de l’émission. Ce coup n’est que le dernier d’une liste d’impostures qui jalonnent sa « carrière » d’amuseur public.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
« Ils m’ont niqué, je vais les contrer »
Un calcul abracadabrantesque à Des chiffres et des lettres, une intrusion dans l’Emission des records, une autre dans le Morning live, le petit écran est sa cible préférée, juste après la police. Son histoire avec la télé s’avère compliquée, puisque c’est grâce et à cause de la télé qu’il est devenu une star de l’Internet. Le déclic a eu lieu dans son canapé : « C’était en 2000, je venais de me faire virer, j’en avais marre de l’autorité (…) Voir les mauvaises caméras cachées de la télé à l’époque, ça m’a motivé. J’ai chopé une caméra et on est partis arpenter les rues. Comme je n’avais pas la répartie d’un Lafesse ou d’un Baffie, je me suis dirigé vers des sketchs plus visuels ». « J’ai proposé mes premières vidéos à des gens de la télé (Dechavanne et Michaël Youn notamment, ndlr) et je me suis fait piquer mes idées, mais j’ai l’esprit de compétition, et je me suis dit ‘ils m’ont niqué, je vais les contrer’. (…) C’est comme ça que j’ai lancé un site sur le nouveau média qui montait, Internet », glisse l’animal dans un sourire. Un site fait de bric et de broc, des vidéos hébergées à même le site (« deux heures pour charger une vidéo de 30 secondes, c’était l’enfer », rigole-t-il) et une audience en constante augmentation. D’abord les potes, puis les potes des potes. Aujourd’hui plusieurs millions de personnes grâce à Internet et au développement des hébergeurs comme Youtube ou Dailymotion.
Miser sur le comique de situation, sans texte, la vraie bonne idée de Remi Gaillard. « Le visuel, c’est une langue internationale », résume-t-il. Ses vidéos touchent ici et là-bas avec le même impact. Parmi ses fans, Joëlle a une place à part. Bavarde comme une pie, cette patronne d’une boutique de sapes à Sommières a rencontré Remi il y a presque 4 ans, par le biais d’une connaissance commune. « On s’est plus quittés depuis, il vient me voir à la boutique quand il a le cafard » lance-t-elle. Elle ne tarit pas d’éloges sur son « chouchou », à propos duquel elle ajoute qu’ « il est fidèle en amitié et (il) aime bien s’entourer d’une équipe de copains pour monter ses coups ». Ces potes l’aident pour tester, filmer, organiser ses vidéos et faire tourner le site. Aujourd’hui, « le plus dur c’est de trouver des idées, de temps en temps je souffre de la page blanche, et puis quand j’y pense le moins, des idées se pointent », remarque Rémi.
Enjoliveur
Depuis ses débuts, Rémi Gaillard a une idée bien précise de son ambition : devenir célèbre par l’absurde. Le fameux slogan « c’est en faisant n’importe quoi qu’on devient n’importe qui », singe le « pourvu que ça dure ! » de Lafesse et accompagne le trublion partout. Un footeux qui jouait dans le même club se souvient qu’ « au tout début, ses sketchs tournaient sur des VHS auprès de ses potes du foot, il soignait déjà le packaging en imprimant des jaquettes A4 pour personnaliser les boites, qui arboraient déjà le slogan ».
Comme dans toute mise en scène de soi, il y a un coté narcissique, souvent dissimulé sous des atours altruistes. « Je le fais pour vous, je le fais pour la France » aime à lancer l’humoriste avant un sketch périlleux. Si ses talents d’enjoliveur lui servent dans ses vidéos et surtout dans ses impostures, il arrive qu’ils débordent sur sa vraie vie. « À une époque, lors de ses premiers passages télés, il aimait bien laisser entendre qu’il avait failli être pro, alors qu’il n’a jamais joué plus haut qu’au niveau régional », tacle un ancien du centre de formation du MHSC qui le croisait régulièrement. Un autre habitué des terrains de la région raconte : « quand il a commencé à être un peu connu nationalement, il jouait à l’agent (…) Il « suivait » des jeunes joueurs ou des mecs de DH, venait voir des matchs mais il se mettait seul dans un coin, comme s’il venait scouter un joueur. Il avait proposé à un joueur de Lattes de le mettre en contact avec des clubs et de lui faire rencontrer des gens. Sans suite ».
« J’ai envie de leur montrer qui est le patron »
Rémi Gaillard agace ou amuse, mais ne laisse pas indifférent. Au fil de ses 13 ans d’activités internet, le filou a fait montre d’une quasi-science du buzz. Certaines de ses vidéos ont été vues des dizaines de millions de fois (63 millions pour Mariokart !) partout sur la planète. Le gars a du flair et du culot à revendre. Ses impostures les plus célèbres ont fait le tour du monde (mention spéciale pour la finale de la coupe de France, où déguisé en joueur de Lorient, il parvient à serrer la main de Jacques Chirac et célèbre la victoire sur la pelouse). Mais surtout il est l’un des premiers à avoir tenté l’aventure de l’humour sur internet. L’idée paraît naturelle aujourd’hui, mais ne l’était absolument pas à l’époque et positionne le Montpelliérain en pionnier. « J’ai vu il n’y a pas longtemps que des petits jeunes comme Norman, Cyprien et compagnie, me citaient parfois comme un pionnier de l’humour sur internet, ça me fait plaisir mais en même temps ça me motive, parce que j’ai envie de leur montrer qui est le patron », se marre-t-il.
Aujourd’hui le patron vient de terminer le tournage d’un film, N’importe qui. Pour sa première expérience d’acteur, il campe Rémi, 36 ans, qui décide d’arrêter les conneries sur internet et d’embrasser une vie normale et rangée. « C’est une fiction, prévient d’emblée le réalisateur du film Raphaël Frydman, une comédie où l’on joue avec l’univers de Rémi et certains de ses personnages, mais ce n’est pas une enfilade de sketchs … C’est plutôt un ovni ! ».
« Rémi était hyper investi et il s’en est très bien tiré », précise Frydman, dont c’est le deuxième film au cinema. L’humoriste avoue avoir décliné plusieurs propositions avant d’accepter celle de Jean-François Richet (réal du diptyque Mesrine), ici producteur. « Le premier contact remonte à trois ans, Richet avait aimé le sketch de l’escargot, va savoir pourquoi, il a tenu à me rencontrer, et je me suis dit pourquoi pas ». Tourné entièrement à Montpellier (« sur les lieux du crimes » rigole Frydman), le film est actuellement en montage et devrait sortir fin 2013. « Que ça marche ou pas, je sais que mon public est ailleurs, nuance Rémi Gaillard, je vois déjà venir les critiques mais je les emmerde, je m’amuse. »
{"type":"Banniere-Basse"}