Impressions d’écoute de « Right Thoughts, Right Words, Right Action », quatrième album de Franz Ferdinand. Cette bombe en kilt sortira le 26 août, trois jours après un concert très attendu à Rock en Seine.
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Right Action
Il existe plusieurs façons de gérer le gigantisme, les concerts devant une foule à perte de vue, les stades ou les festivals – désormais le pain quotidien de Franz Ferdinand. La première école, incarnée par Editors ou Kings Of Leon par exemple, consiste à surjouer, suramplifier, sursouligner chaque intention : à laisser les clés au batteur, régulateur des mains qui tapent comme sur le plateau de Taratata. La seconde, plus fine et risquée, représentée par Blur ou Phoenix, consiste à ne jamais privilégier le gros son au détriment des chansons. Ce sont elles et elles seules qui tiennent le public en haleine – fraîche. Franz Ferdinand aurait pu aller d’un côté comme de l’autre après un Tonight (2009) sans joie, sans entrain : il aurait été facile de compenser ce déficit d’enthousiasme par des volumes exorbitants.
Oui mais voilà : les Ecossais sont revenus aux chansons, aux hymnes qui donnent la pêche, la patate, la banane – et il en faut cinq doses par jour. A l’exemple de ce Right Action d’ouverture, nerveux et emphatique, avec son riff sautillant qui ordonnent de dodeliner, de remuer les fesses et de brailler, pint à la main, son refrain implacable “Right Thoughts, Right Words, Right Action” – sans vraiment piger si c’est un appel à l’insurrection ou un mémo accroché sur le frigidaire un soir de cuite. Guitares cinglantes, beats gigoteurs : entrée en fanfare.
Evil Eye
Avec son riff de générique de blockbuster nineties, avec son ambiance glauque à la Eminem, un autre morceau qui devrait transformer Rock en Seine en trampoline. Et pourtant, l’ambiance s’y fait nettement moins taquine. Mais même le noir, chez le Franz Ferdinand survivant de 2013, semble bien coloré et radieux.
Love Illumination
Clairement taillé pour les vastes concerts, ce single continental (l’Angleterre a eu droit à Right Action) commence habilement par un clin d’œil au metal, vite tordu et déformé en une pop qui évoque finalement plus Blondie (quand les synthés éructent) que les Hives. Diaboliquement découpé et séquencé sous ses allures de garage-rock simplifié, propulsé par une foule d’arrangements, un nouveau chapitre pour le riche best of du groupe, qui doit maintenant sacrément se gratter la tête pour faire ses set-lists de concerts !
http://www.youtube.com/watch?v=gWjN1GctWog
Stand On The Horizon
Première pause respiratoire après un démarrage tonitruant ? Ça ne dure que le temps de reprendre son souffle, avant de repartir pour un pogo joyeux sur ce disco sale et moite, poussé aux fesses par une basse infernale. Comme d’habitude chez Franz Ferdinand, Stand On The Horizon contient cinq ou six chansons, et autant de breaks irréversibles d’un genre à l’autre. Totalement imprévisible, mais toujours dansant, il évoque même en fin de parcours LCD Soundystem dans sa belle ferveur. Un autre groupe qui avait bien compris comme faire danser le rock.
Fresh Strawberries
Un chef d’œuvre de pop mélancolique et tubesque : on croirait une reprise d’un classique de sunshine-pop des sixties, modernisé et customisé. Sauf que personnes d’autres n’aurait composé une chanson aussi euphorique à propos de la dégénérescence des cellules, de la mort inéluctable. Un morceau résolument à part dans la discographie des Glaswegians, le plus fidèle à leur amour de la pop garage des années 60.
Bullett
Après ce mini coup de barre sur la tête (pour ceux qui lisent les chansons), il fallait vite un autre upper : dose d’énergie et de joie dont se charge ce refrain speedé mais toujours respectueux du raffinement. Étonnant de voir que même à cette vitesse punk, les Écossais, comme les Buzzcocks, modèle évidents de cet hymne, continuent de jouer farouchement pop.
Treason/Animals
Avec son intro de synthé et de guitare à rendre chèvre le public aux aguets, Treason/Animals culmine sur un refrain hurlé : “I am the king of the animal”. Résolument plus un félin qu’un bourrin. Et pourtant, avec ses structures complexes et ses chœurs gothiques, lancinants comme une mouche dans la tête, le morceau avait tout pour se planter et virer au grandiloquent.
The Universe Expanded
Plus classiquement pop, murmuré d’une voix suave que le morceau précédent testait dans la violence, The Universe Expanded évoque ces moments d’avant orage, cette tension, cette montée de fièvre, mais jamais n’explose. Dans une gestion complexe de ces attentes, il laisse même entrapercevoir, dans l’un ou l’autre de ses chapitres, de purs éclats de soleil. Fascinant de voir le groupe à ce point maîtriser sa sève, dominer en petit maître ses climats.
Brief Encounters
Intro en mode OVNI, mais pas de space-rock ici : sur un mid-tempo que le groupe sous-utilise (un genre de reggae peu scrupuleux des règles), Brief Encounters permet de rappeler à quel point Kapranos reste un fantastique crooner, un héritier plus que digne de Bowie. Ce morceau est entièrement à la botte de cette voix. Mais pourtant : malgré des tentatives avortées d’insurrection de guitares, sans doute le morceau le plus faible de ce quatrième album
Goodbye Lovers & Friends
Encore une chanson sur la mort, et elle ose une ballade épique et mélancolique. “Don’t play pop-music” grince Alex Kapranos, se souvenant d’un récent enterrement où la sono avait diffusé des classiques pop. Lui seul pouvait mesurer l’absurdité et la richesse de ces informations pour en faire une chanson aussi haletante, hantée de pianos à la Wu Tang et de dérèglements à la Tom Waits.
Ce qui conclut, sur une touche audacieuse et grandiose, un album qu’on n’osait plus attendre, énergisant, impulsif et totalement libre de ses mouvements, tout en restant fidèle à une pop dynamitée. Le meilleur des Ecossais depuis leur premier album de 2004.
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