Le douzième album de Jay-Z, « Magna Carte… Holy », s’est retrouvé en écoute sur Internet quatre jours avant sa sortie officielle, prévue le 8 juillet. Alors ?
Holy Grail (featuring Justin Timberlake)
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Mélancolique, Justin Timberlake entre en voix de tête sur une production mi-Feux de l’amour, mi-fin de soirée. La voix est propre, le ton balancé, les effets un peu abusés. Un départ à contre-pied, jusqu’à l’entrée de Jay-Z, vraiment trippante. Le roi s’exécute impeccablement. Reprenant au passage le refrain de Smells Like Teen Spirit de Nirvana. Joli coup.
Picasso Baby
Saccadée, ramassée, fracassée, la production, lourde, emballe un charleston vétuste sur une soucoupe volante (laser à l’appui). « Je veux juste un Picasso, dans ma casa, pas mon château. » On l’aura compris, l’homme d’affaires ne changera jamais de cour. Queen B peut faire le tour du monde, tranquille. L’ami Shawn s’occupe de la déco.
Tom Ford
Le couple achète une paire de talons Tom Ford à Blue Ivy (17 mois), et voilà Jay-Z qui s’emballe à rendre hommage au couturier. Le titre, une pub à lui tout seul. Le son, alternant machine 8 bits et vagues technoïdes souterraines, séduit d’emblée. Les claps sont agressifs, la mélodie électrisante, un poil élitiste. On prend quand même.
F*ckwithmeyouknowigotit (featuring Rick Ross)
On connaissait Freemason, featuring puissant, presque rock, entre Jay-Z et Rick Ross. Cette fois, les nappes de synthé lugubres remplacent un piano gentillet. Voix de renégat tatoué jusqu’aux dents en guise d’intro, relances incisives, poings serrés : Jay-Z ne blague pas. En tout cas pas sur ce morceau.
Oceans (featuring Frank Ocean)
Le featuring fait froid dans le dos. Et bouger la tête. On pense au court métrage impressionnant de Pyramids. L’ambiance, rouge vif, jupe froissée, regard bleu perdu, rappelle les backrooms adorés de Franky, auto-tuné par moments. Avec ce titre, on prend le large, sans bouée de sauvetage ni gilet pare-balle. A la cool.
FUTW
Jay-Z en aurait-il marre de faire des tubes ? Et marre du monde en général ? « Fuck up this world » pour FUTW, expression répétée à loisir, confirmerait la thèse. Dès le départ, pourtant, on se dit qu’on va enfin danser un peu. Mais la production, globalement minimale (encore une fois), laisse peu de place à la lumière. Frustrant.
Somewhere In America
Du lourd. Un Jay-Z jazzy, prenant. Celui qu’on aime. Ça sent la belle Amérique, cuivrée. Pas la bling-bling, la musicale. Celle qui mélange les genres et racontent des (belles) histoires. Superbe track. Super moment. On ne sait pas où on se trouve, mais on y est vraiment, « quelque part en Amérique ». On en sort reconquis, prêt à affronter la suite. Premier vrai coup de cœur. Il était temps !
Crown
Une histoire de couronne… sur un coussin de beats électro saturés. Lointain, un Micro Korg balance une boucle animale, difficile à capter. On sent quelques élans dub step, extrêmement timides. Manque quelques BPM pour emballer vraiment. On peut se laisser porter, notamment dans le deuxième couplet, par d’intrigants échos, presque inaudibles mais assez curieux. Bizarre morceau.
Heaven
Après l’ôde à Nirvana, Heaven propose une référence affichée à Losing My Religion de REM. Boucle entêtante, très bien ficelée, nous sommes au cœur de la méthode Jay-Z, articulant deux époques, deux structures musicales, deux univers pas forcément voisins, mais ici intelligemment superposés.
Versus
Interlude de 51’. Sur une rythmique affirmée, le freeliner s’amuse, articulant à l’extrême chacune de ses syllabes.
Part II (On The Run) (featuring Beyoncé)
La dernière fois qu’on a vu Beyoncé, c’était à Bercy, dans une tenue ultra-moulante, en train de survoler la fosse, façon Maya l’abeille. Cette fois, c’est en femme fatale, voix sulfureuse et ambiance lounge, qu’on la retrouve aux côtés de son mari, dix ans après leur premier duo, Bonnie & Clyde. Part II envoie du glam, en douceur, repose et apaise, sans effusion ni abus de corde vocale.
Beach is Better
Malgré un départ atroce, « La plage, c’est mieux » mêle la mélodie d’un MacGyver au bout du rouleau dans une ambiance World War Z vraiment chelou (le mot est dans le dico). Alors qu’on se met dedans, le titre est fini. Second interlude.
BBC (featuring Nas, Beyoncé & Justin Timberlake)
Caribéen, tropical, massif. L’association inédite de trois pontes du hip hop US (au sens large) et de la reine absolue du r’n’b fait (enfin) bouger autre chose que la tête. Et ça fait du bien. BBC tranche du reste et donne envie de faire un BBQ.
Jay-Z Blue
Ambiance clairement Da Luniz, en plus minimale. On fait un bond en 2008, l’époque où Jay-Z créé le label Roc Nation. Morceau incarné, possédé même. On sent un texte écrit avec les tripes. Ça parle de Stevie Wonder, de Madonna. Dernier couplet en furie, sur un beat actuel. Ryan Lewis serait-il dans le coin ?
La Familia
On arrive au terme de l’album. Jay-Z rend un hommage sympathique mais pas franchement renversant à sa famille. La production est assez banale et ne fait pas vraiment bouger, ni les cheveux, ni les neurones. On l’écoute comme ça. Elle passe mais ne restera sans doute pas dans les annales de l’artiste.
Nickel and Dimes
Une musique d’au revoir. Clairement. Un titre qui résume bien l’album, accolant un sursaut mélancolique plein de force sur un flow réfléchi, tendre et conscient. Les mélodies sont assez inégales. Ce n’est pas un disque « énorme », mais il soulève des questions. Notamment sur la forme à venir du rap US. C’est déjà pas si mal.
{"type":"Banniere-Basse"}