Le Conseil a rejeté, aujourd’hui 4 juillet, les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy pour l’élection présidentielle de 2012. L’occasion de (re)publier un article paru le 29 janvier 2012 sur le memento rédigé par la Commission nationales des comptes de campagne et des financements politiques à destination des candidats. Comme nul n’est censé ignorer le code électoral, que vous vous présentiez en touriste ou pour être élu, voici dix commandements à respecter. Ou pas.
[Article initialement publié le 29 janvier 2013] Publié au Journal officiel le 11 août 2011, ce mémento de 29 pages a pour objet « d’aider les candidats à l’élection présidentielle et leur mandataire à s’acquitter de leurs obligations« . Depuis les années 1990, la Commission nationales des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) rappelle aux candidats à l’élection présidentielle quelques règles à respecter. En voici dix.
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Premier commandement : Ne sois pas trop gourmand.
La règle absolue fixée par le code électoral, pour ne pas voir son compte de campagne invalidé, consiste à ne pas dépasser le plafond des dépenses. Il est fixé à 16,851 millions d’euros à la date du premier tour et 22,509 millions à la date du second.
En 2007, un article du Figaro rappelait que jusqu’à la dernière minute, les partis avaient « déployé des trésors de persuasion pour exclure du compte de campagne certaines dépenses« . Ainsi, le grand meeting d’intronisation du candidat Nicolas Sarkozy -4,5 millions d’euros- n’a figuré dans le compte de campagne que pour un tiers de son coût total. L’astuce trouvée alors par le trésorier de l’UMP Eric Woerth : décréter que les dépenses ne commençaient à être décomptées pour la campagne que vers la fin du rassemblement, quand les militants ont désigné Nicolas Sarkozy comme leur candidat officiel.
Second commandement : Tu seras transparent.
Le compte de campagne doit comporter les relevés et les justificatifs des dépenses payées et des recettes perçues. Néanmoins, deux rubriques ne font pas l’objet d’annexes spécifiques : les « dépenses payées directement par les partis politiques » et les « concours en nature ». Comment évalue-t-on et contrôle-t-on sérieusement, en dehors de l’appréciation du candidat, ce type de recettes émanant de personnes physiques ou de partis politiques ?
La CNCCFP nous répond que « les dépenses des partis font l’objet d’une facture dans le compte de campagne qui est, comme la déclaration d’impôt, un document déclaratif. La Commission vérifie par la presse et en comparant les prix du marché que le candidat est dans une fourchette de prix acceptable. »
Dans le cas contraire, il peut y avoir rejet du compte, non remboursement des dépenses et une inéligibilité prononcée ensuite par les juges.
Troisième commandement : Tu auras un représentant.
Il est nécessaire de nommer un « mandataire » qui constituera un intermédiaire obligatoire entre le candidat et les tiers qui participent au financement de la campagne électorale. Il peut être soit une personne physique dénommée « mandataire financier », soit une personne morale dénommée alors « association de financement électorale ». Il perçoit sur un compte unique toutes les recettes destinées à la campagne. Le candidat lui-même ne peut payer directement aucune dépense.
Quatrième commandement : Tu accepteras d’être contrôlé.
Le code électoral précise que la CNCCFP contrôle « la sincérité, la fidélité et l’exhaustivité » de l’addition. Si un compte ne peut être « utilement contrôlé », il est susceptible d’être rejeté. Ce qui entrainerait la perte du remboursement.
Cinquième commandement : Tu cocheras des cases.
Les recettes comme les dépenses sont « ventilées » – ou classées – en fonction de la catégorie dont elles relèvent. Cette nomenclature, précise le mémento, « a été conçue de façon à permettre, autant que possible, l’imputation de chaque recette et de chaque dépense » à une catégorie.
Sixième commandement : Tu n’accepteras pas la charité de n’importe qui (ou quoi).
Seuls sont admis les dons de personnes physiques, françaises ou non, ainsi que les apports des partis politiques. Sont donc interdits les dons ou aides matérielles des personnes morales, que ce soit :
– des entreprises, associations, syndicats ou mutuelles
– l’Etat, les collectivités, les établissements publics
– les Etats étrangers.
Septième commandement : Tu n’accepteras pas la charité n’importe comment.
C’est en examinant les détails qu’il faut ensuite tenter de comprendre tous les financements possibles et imaginables d’une campagne électorale.
Pour chaque candidat, le nerf de la guerre, c’est la collecte des fonds. Pour la campagne de 2012, elle est autorisée depuis le 1er avril 2011. Le montant des dons consentis aux candidats ne peut excéder 4600 euros pour une seule personne physique. Et un mineur – « du moment qu’il a la capacité bancaire« , concède la Commission – peut également faire un don.
Tous ceux qui ont regardé attentivement le saison 3 de The Wire, peuvent imaginer ce que ces dispositions pourraient signifier en pratique. Il suffirait à une mère ou à un père d’une famille riche et généreuse de multiplier les dons par le nombre de personnes physiques de sa famille, voire de son entourage.
Autre aspect du financement : les espèces. Le mémento précise que « le montant global des dons reçus en espèce ne peut excéder 20% du montant des dépenses autorisées« . Théoriquement, une personne physique ne peut donner plus de 150 euros en liquide. En matière électorale, c’est un peu comme pour la grammaire, certaines règles ont leur exception. Le mémento précise donc : « Dans les cas exceptionnels de collectes ne permettant pas l’individualisation des dons, par exemple au cours de réunions publiques, le candidat doit justifier des dates, lieux et modalités de chacune de ces réunions. »
A la lecture de ce passage, un fin connaisseur de la vie politique sourit.
« Une fois de plus, on est dans le village gaulois, métaphorise cet ancien membre du RPR. Si vous lisez attentivement ces lignes, vous pouvez faire n’importe quoi. Cela augure tout simplement de futures condamnations judiciaires. »
En d’autres termes, lors de meetings, vous faites passer une caisse, n’importe qui met ce qu’il veut dedans, à la fin vous indiquez la date et le lieu sur la pièce justificative. C’est notamment ce qui avait permis à Edouard Balladur de collecter près de 10 millions de francs en liquide provenant, selon l’intéressé, de la vente de t-shirts au cours de ses différents meetings.
Qu’en pense la Commission ? L’institution nous rétorque que « si nous partons avec cet esprit là, nous trouverons toujours, comme partout, un moyen de truander ».
Huitième Commandement : Tu ne mentiras point.
L’omission de recettes ou de dépenses est de nature à entraîner, en fonction du nombre et de la gravité des manquements constatés, soit une minoration du remboursement soit le rejet du compte de campagne.
Neuvième commandement : Tu t’interdiras certaines dépenses en raison de leur nature même.
Sont interdites :
– les dépenses exposées au profit du candidat par des personnes morales autres que les partis politiques
– toutes émission publicitaire à caractère politique à la télé ou radio
– la loi sanctionne pénalement le candidat qui, en vue de son élection, accorde des dons ou des libéralités à des électeurs
Dixième commandement : Tu seras réglo aussi après l’élection.
Le compte de campagne doit être présenté par un expert-comptable et déposé à la Commission au plus tard à 18h, le dixième vendredi suivant le premier tour du scrutin. Le compte, au moment de sa présentation, doit être « en équilibre ou excédentaire », il ne peut être en déficit. Ensuite la commission donne un avis pour chaque compte et fixe le montant de remboursement par l’Etat dans un délai de six mois.
En conclusion du mémento, un ultime conseil est adressé aux candidats : choisir assez tôt un expert-comptable « familier des règles relatives au financement de la vie politique« , ce dernier « pourra conseiller utilement le mandataire sur la tenue du compte. »
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