La saison 6 de Mad Men s’est achevée le 23 juin avec un final bouleversant. Le plus regardé à la télévision depuis les débuts de la série en 2007. Retour sur treize épisodes fascinants qui ont vu la chute de Don Draper se dessiner.
Touriste incongru sur une plage d’Hawaï, Don Draper se retrouve témoin d’un mariage d’un couple qu’il ne connait pas. L’air amusé, il semble observer cette scène dans laquelle il joue un rôle qui ne lui appartient pas.
Cette ouverture donne le La de cette sixième saison. Jamais vraiment là, que ce soit dans son foyer luxueux ou à l’agence où il brillait tant il n’y a pas si longtemps, le publicitaire n’est pas plus à sa place à New York. Où va t-il? Que fait-il? C’est la question que Don Draper paraît se poser à chaque instant.
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Bouffi, en sueur, toujours imbibé d’alcool… L’avant-dernière saison de la série culte donne à voir un Don un brin pathétique, qui s’éloigne encore un peu plus de sa vie, de sa fille, de sa femme, de ses collègues, et semble s’évertuer à briser chaque petit interstice possible de bonheur dans sa vie. Nous laissant impuissants, spectateurs (tout comme lui ?) d’un tournant très noir de sa vie.
– La décadence d’une star de la pub – “Tu es un monstre.”, Peggy à Don.
Alors qu’elle avait quitté l’agence pour voler de ses propres ailes, Peggy se retrouve de nouveau face à son ancien mentor suite à la fusion de leurs deux agences. Le couperet tombe : il ne reste plus rien de l’homme qu’elle avait tant admirer, ou pas grand chose. Le grand Don Draper perd des clients majeurs, torpille des campagnes, tourne avidement au whisky… L’étoile jadis montante de l’agence a trop abusé de son statut d’intouchable et ne brille plus aux yeux de personne. L’autre créa et boss de Peggy, Ted, devient alors le pendant bienfaisant de l’homme d’affaire aux dents longues, et sa présence met en lumière les recoins obscurs de Draper.
“We created a monster” dit Bert Cooper à propos de Don dans la quatrième saison. Jamais cette phrase n’aura eu autant d’écho dans les bureaux de l’agence SC&P, chacun regardant Don du coin de l’œil comme une star déchue.
Les débats sur Internet autour de la série ont quant à eux temporairement changé de cible cette année et ont « buzzé » autour d’un petit nouveau mystérieux. Tout d’abord croisé aux détours de couloirs des bureaux de manière fugace, on a vu de plus en plus le trop-parfait-pour-être-honnête Bob Benson. Impénétrable, toujours là quand on en a besoin (dans la vie de Joan, de Pete ou de l’agence), Bob a été l’objet de multiples spéculations de la part des aficionados de la série. Est-il un double de Don Draper ? Un serial killer ? Un agent du gouvernement qui enquête sur Dick Whitman (le vrai nom de Don) ? Un fils caché de Don ? Un activiste gay ? Une fois aperçu en mini-short chez Joan, on pencherait plus en direction de la dernière supposition mais on vous laisse la primeur de découvrir son identité. Une chose est sûre en tout cas, on a plus ou moins tout lu à son sujet et la question “Qui est Don Draper?” a quelque peu changé d’objet lors de cette saison.
– La déchéance d’un père – “Je lui ai posé des questions sur tout ce que je savais à ton sujet et elle avait une réponse à tout. J’ai réalisé qu’en fait je ne savais rien de toi.” – Sally Draper à son père.
Un jour qu’ils sont restés seuls dans l’appartement de leur père, Sally et Bobby Draper se retrouvent nez à nez avec une cambrioleuse hors norme, une vieille dame noire qui se dit la mère de Don. Bien que ce soit peu crédible, le doute s’immisce chez la fille Draper, qui réalise qu’elle ne sait pas grand chose de son père. En une saison, le père déifié, bien que méconnu, va devenir aux yeux de sa fille tout au mieux un étranger. Démystification du père lié à l’adolescence ou véritable prise de conscience de la part sombre et amorale de son père, le lien paternel est en tout cas brisé suite aux révélations dont Sally sera le témoin malgré elle. Faut-il ne pas connaître vraiment Don Draper pour l’aimer ?
L’histoire se répète (ou Don réinterprète l’histoire) lorsqu’on comprend que Don avait lui aussi surpris sa mère dans une situation délicate en l’espionnant par le trou de la serrure lorsqu’il était enfant. Ces flashbacks de l’enfance de l’anti-héros Draper s’enchaînent comme un symbole des questionnements de Don quant à sa relation à ses enfants. Alors que Betty représente pour eux la droiture autoritaire et la vie bien rangée de banlieue, Don et son condo new-yorkais symbolisent la transgression. Lorsque Bobby est puni par sa mère pour avoir déchiré le papier-peint de sa chambre (nous pensions être les seuls à avoir eu ce toc étrange), Don l’emmène au cinéma deux fois de suite voir La Planète des singes. Ce rare moment de complicité père-fils fait naître une très belle conversation de Don avec sa femme sur ses enfants. “Au moment où ils naissent, il faut jouer l’excitation et la fierté. Mais en vrai tu ne ressens rien. Surtout lorsque tu as eu une enfance difficile. Tu veux les aimer, mais tu ne peux pas. Et puis un jour, ils ont grandi, et tu les vois faire quelque chose et là tu ressens ce que tu prétendais ressentir. C’est comme sentir son cœur sur le point d’exploser.” Ses enfants seront-ils la clé de la rédemption de Don ?
– L’enfer ou le purgatoire ? – “Qu’avez-vous vu quand vous étiez mort? – Je crois qu’il y avait une lumière. – C’était comme une lumière brûlante ou tropicale ? Vous avez entendu l’océan ?” Don et son concierge.
La crise cardiaque du portier Jonesy qui inaugure le premier épisode, l’enterrement de la mère de Roger, Ken Cosgrove par deux fois blessé violemment, Peggy qui poignarde son petit-ami Abe par accident… la mort rôde dans cette avant-dernière saison. Tant et si bien que la vie même de Don Draper nous semble suspendue à un fil. Plus fragilisé que jamais, il tousse, il tremble et se transforme en l’ombre de lui-même. Lorsqu’il tombe évanoui aux pieds de son ex-femme et de ses enfants, c’est nous qui suffoquons.
Pourquoi s’évertue t-il à tout foutre en l’air : son mariage, sa carrière, ses enfants ? Sa liaison avec sa voisine se finira par un bel exemple de son désir de sabotage et de violence. La scène “Fifty Shades of Grey” dans l’hôtel où il ordonne à sa maîtresse de l’attendre toute la journée, de lui lacer ses chaussures, et d’être tout simplement à sa merci résume bien l’auto-sabotage Draper, le besoin de toucher la flamme qui danse quitte à se brûler, peut être avec l’intention de se brûler.
Peut-on imaginer une saison finale plus sombre que celle-ci ? On préfèrera attendre la suite et fin de Mad Men en espérant que le Don Draper insondable cache un Dick Wilthman au destin plus salutaire. Plus dur que cette sixième saison sera définitivement d’attendre l’année prochaine.
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