Fauve collectionne les clics et les claques. Adulé par les uns, critiqué par les autres, le groupe français le plus exposé du moment (après Daft Punk) jouait samedi dernier dans le petit village de Bourg sur Gironde pour le festival Vie Sauvage. Bonne surprise.
Des clics et des claques
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Après Daft Punk, Fauve est le groupe français le plus exposé du moment. Comme Daft Punk, Fauve vit caché et reste difficile à approcher. J’en ai entendu parler pour la première fois il y a un an et quelques mois, à la faveur d’une énième conversation d’open space suivie d’une énième recommandation Youtube. Depuis, un été s’est écoulé, un deuxième semble commencer, et le groupe en a profité pour envahir toutes mes timelines sans que je ne parvienne à aimer ou à détester. Kané et Saint-Anne paraissaient plutôt cool à la première écoute, mais la répétition des structures des compositions et l’indolence des textes ont rapidement détourné mon attention des chansons suivantes. Et puis, il faut avouer qu’il est parfois très agréable de fuir comme la peste noire un groupe que tout le monde embrasse.
Quelques mois et quelques milliers de likes plus tard, Fauve est toujours là. L’excitation parisienne n’est pas retombée, mais le groupe emporte désormais une nuée de détracteurs aigris dans le sillage de son succès. On les reconnait à quelques railleries persifflées comme autant de lazzi : « Ouais, Fauve c’est du Fleurent-Didier en moins intello », ou le désormais classique, « Ouais, j’écoutais Diabologum il y a vingt piges, c’était la même chose mais en mieux». Je ne suis pas certain que les mecs de Fauve aient un jour écouté Diabologum ou Programme – déclinaison dépressive et pessimiste du groupe toulousain. Ok, les formes se ressemblent : Fauve n’a inventé ni le spoken word, ni la chronique sociale sur boucles musicales. Mais pourquoi lui reprocher de s’aventurer sur des terres que peu d’artistes ont exploré à l’heure ou des dizaines de groupes s’évertuent à sonner comme Metronomy, qui lui même sonne comme une vingtaine de groupes antérieurs ? Dans la forme comme dans les références auxquelles il peut renvoyer, Fauve reste original, dans la marge, subtilement démarqué des autres groupes français, bien déterminé à transformer son exception en épidémie.
Fauve : brillant et conquérant sur scène
Dragué par le tout Paris de l’industrie du disque, les mecs ont enchaîné les concerts dans toute la France et préféré sortir un premier ep en autoprod (Blizzard) le mois dernier. Pour préparer les festivals d’été 2013 (Eurocks, Francofolies, Dour, Rock En Seine), Fauve a décidé de se faire les griffes sur des scènes de petites et moyenne envergure. C’était le cas samedi dernier à Bourg sur Gironde, lors de la deuxième édition du festival Vie Sauvage.
Ce soir-là, le groupe arrive après la pluie, en retard, gêné par des problèmes techniques. Alors que les spectateurs piétinent leur impatience sur l’herbe encore grasse et humide, les toiles blanches suspendues derrière les musiciens affichent le sigle du groupe (≠) couleur rouge sang. Après une vingtaine de minutes d’attente, l’image s’anime enfin pour laisser apparaître le nom du groupe dans différentes perspectives. Le groupe peut commencer à jouer.
Première surprise, la musique sort (très) fort. A la limite de l’electro, entre rythmiques analogiques et nappes synthétiques, Fauve propose une intro aliénante à son classique Sainte Anne. Pour mieux incarner la frénésie du morceau, le parleur du groupe multiplie les aller-retours en parcourant la scène dans sa latéralité. Les mots suivent les pas, clairs, rapides, grandis par une voix beaucoup plus grave que sur la version enregistrée. Les morceaux et leurs hymnes à valeur de refrains (Haut Les Cœurs, Nuits Fauves, Blizzard) sont souvent repris d’une seule voix par un public visiblement contaminé par l’énergie déployée sur scène. Le concert continue à mettre en musique les scènes de vie à mesure que les textes empilent les clichés.
Rapidement, une observation s’impose, Fauve balance ses chansons comme une série à succès égrène ses épisodes. Le groupe semble être à la musique de 2013 ce que Bref était à la télé de 2011 : une compilation de formats courts et ultra séquencés, capable de galvaniser les affects, les émois et les surmois d’une partie de la jeunesse de France. Celle qui clique et qui zappe, celle qui se reconnait dans la répétition de textes plus urgents que réféchis, celle qui se révolte, un peu.
Mais si Fauve est un exutoire, il l’est avant tout pour son parleur hyperactif qui s’abime le souffle sur scène sans jamais laisser poindre l’esquisse d’une bafouille. L’aisance et la diction rappellent, le Klub des Loosers, Fuzati et son rap (bien) né sous le signe du V… la subversion en moins, la rage et la sincérité en plus. Après une version énervée de Kané, les cinq Fauve s’éclipsent entre les lueurs de la pleine lune, laissant le souvenir éclatant d’un concert fougueux et addictif. « Je ne sais toujours pas si j’aime, mais maintenant j’ai envie de les revoir… » semble s’inquiéter une spectatrice sur le retour.
Fauve, lui, n’hésite plus : les musiciens ont tous quitté leurs jobs pour se consacrer à la vie du collectif et préparer l’album sans brûler les étapes. Pour les aider à propager l’épidémie, les gros festivals d’été les attendent.
Fauve ≠ en concert : le 6 juillet aux Eurocks, le 13 aux Francofolies, le 17 à Dour, le 23 à Grenoble, le 24 août à Rock En Seine…
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