Au cri de ralliement de « Faites du bruit ! » ou son pendant anglais, « Make some fucking noise ! », 102 000 fans de metal toujours étonnamment lookés ont multiplié virils « wall of deaths » et joyeux « circle pits » devant 160 groupes, dans la terre humide du Hellfest. On y était, on raconte.
En lisant au détour d’un webzine, que l’on pourra passer en deux ans un diplôme de musicologie spécialisé dans le metal à Nottingham (UK), on se dit quelques-uns des futurs inscrits étaient peut-être parmi les 102 000 spectateurs payants qui, du 21 au 23 juin, ont foulé les verts et humides pâturages clissonnais. Et se sont délecté des 160 groupes se relayant sur les six scènes. Un cloisonnement qui assure à chaque branche de la famille Metal son aire de jeu attitrée et qu’assume Ben Barbaud, patron du Hellfest, à qui bien des fans confient « venir pour un genre bien précis et rester sous la même tente ou devant la même scène ». C’est que le metal est une grande famille qui a bien besoin de scènes multiples pour représenter toutes ses branches. Et encore il manquait quelques cousins éloignés. Fort peu de hard FM, de hair-metal, de prog ou de big rock par exemple. Il manquait aussi au final, 8000 entrées payantes par rapport à 2012 ce qui ne surprend pas non plus l’orga qui avait anticipé sur un dimanche moins fréquenté, car sans réelle tête d’affiche.
Elle n’avait en revanche pas forcément calculé que le vendredi, qui rassemblait moult têtes d’affiche du hard rock 80’s ne rameuterait que 30 000 fans. Avec pourtant Saxon, Europe, Helloween, Whitesnake, Twisted Sister ou Def Leppard qui interprétait en exclu européenne l’intégralité d’Hysteria paru en 1987 et écoulé à 20 millions de copies. A peine 1000 fans de plus que le dimanche donc pour des cachets autrement stratosphériques… Pourtant, dès le printemps on avait senti la demi-teinte sur les forums. Une déferlante de critiques sur les têtes d’affiches « moisies » ou » qui sentent trop les 80’s ». Si sur le papier, cette journée « vieilles gloires » pouvait sembler une bonne idée, elle s’est donc heurtée au principe de réalité. Aussi et par charité, n’insistera nous pas trop sur les limites vocales des pointures conviées (Whitesnake, Helloween, Def Lepp sans les chœurs, Kiss). Une bonne nouvelle cependant : piquée au vif par l’album de reprises de Jenifer, France Gall est remontée sur scène, et joue assez crânement de la basse chez Def Leppard ! Quant au souvenir de Rosy Varte, impérissable Maguy, il survit dans le brushing de David Coverdale de Whitesnake…
Mastodontes pour VIP ?
Mais la fatigue relative des cadors du classic rock ne signifie pas que le Hellfest doive que se priver de mastodontes remontant au jurassique du metôl (les 70’s quoi !) Faute de quoi l’affluence se verra divisée par deux direct ! Car le samedi Kiss et surtout ZZ Top (si, si…) draineront 41 000 fans sur le site. Et même si Paul Stanley n’est guère en voix, que le show des super héros new-yorkais est un peu mollasson, et que l’araignée articulée géante censée les amener sur scène depuis le plafond a buggé, on n’échange pas comme ça un baril de Kiss contre dix de Leprous ou de Rotting Christ ! Dommage pour l’araignée tout de même.
Si elle s’était bloquée à mi-hauteur, on aurait connu un vrai moment Spinal Tap… Et si la recette magique de Clisson, à savoir une couche de mainstream, une couche d’underground fait toujours florès, c’est bien le samedi entre 20h55 h et 22h que les sismographes ont mesuré le climax hellfestien. Sous un ciel couleur cafard, une affluence record se déhanche sur les papys de ZZ Top, qui n’ont rien à voir avec le metal et pas tant que ça avec le hard-rock. Mais telle est la loi du « vu à la télé »/ »entendu au bal des pompiers » qui prévalait déjà avec Guns ‘n’ Roses en 2012, ou Scorpions en 2011. Ce sont donc les deux barbus et le moustachu texans qui rameuteront le gros du public, sans oublier la masse des VIP locaux qui ici au milieu des looks extravagants détonnent par leur style « pull sur les épaules », comme sortis d’une chanson de Benabar…
Warzone ou Folk-Metal ?
Heureusement pour qui veut fuir loin des concerts Régécolor, il y a la Warzone. Comme l’aurait théorisé Jacques Chirac, « la Warzone: c’est loin, mais c’est beau ! ». Bien cachée derrière les stands de bouffe et les sanitaires à ciel ouvert – les arbres quoi ! -, la scène, créée en 2012 ne se découvre qu’à la boussole et au compas. Mais ne pas se fier à ce côté « vieux pote qui fout un peu la honte mais qu’on est obligé d’inviter. » Si la Warzone est reculée, c’est qu’elle se mérite ! Et les happy few s’y régalent de la crème de la crème du punk, du hardcore et de quelques autres groupes un poil plus décalés (lire sans corpse-paint, cornes de viking ou brushing blondin).
S’y succèderont Sick Of It All, NOFX, Converge, Senser, les Buzzcocks, les Toy Dolls et surtout Bad Religion, les rois du punk-rock mélodique depuis trois décennies qui y tentent un concours de vannes à 2′ du mat et atomisent l’espace. C’est surtout là et un peu sous la tente de la Valley (Red Fang, Sleep, Spiritual Beggars…) que subsiste l’esprit pionnier des premières éditions. L’autre immense tente jumelant l’Altar et la Temple, toujours copieusement garnie, fait elle principalement office de présentoir pour les scènes black et death. Même si cette année le folk-metal y semble à son aise. Les finlandais de Finntroll certes, avec leurs fausses oreilles de farfadets et leur vraie bourrée black-metal. Mais aussi Amorphis, Korpiklaani, Kampfar, voire Moonspell par moments, tout le monde veut son titre à danser la gavotte. Alors OK, on est au pays de Tri Yann, mais bon, sérieux: « Are you metal ? » comme le chantait Helloween.
Prédictions
On décernera le César du plus beau nuage de poussière de ce Hellfest 2013 à Gojira pour le circle-pit furieux du final Where Dragons dwell dimanche. Seul groupe français à s’offrir – comme en 2009 – un access prime time, les basques, délaissant la promo de leur récent Enfant Sauvage ont retourné le site sans coup férir. Les potes de Metallica ont depuis trois album acquis le son, les chansons, et le mental pour se positionner en « vraie » tête d’affiche 2015. D’ailleurs cette année déjà, à voir l’audience plus maigrelette devant Stone Sour, deux heures plus tard, on s’interrogeait une fois de plus sur quelques étrangetés dans l’ordre de passage des groupes…
Au final, malgré la pluie, fidèle compagne du festivalier de l’enfer, et les quelques habituelles annulations et changements d’horaires, cette 8ème édition avec son lot de découvertes, de confirmations, et de surprises plus ou moins bonnes permettra à chacun de faire et défaire les cotes des groupes présents sur les réseaux sociaux. Une saine occupation jusqu’à ce que tombent les premières annonces de l’édition 2014, pour laquelle 4000 pass ont déjà été vendus ce week-end, à tarif promotionnel. Et si le Hellfest obtenait enfin un Iron Maiden, un Metallica ou un Rammstein, soit les trois poids-lourds qui pour diverses raisons (d’argent) n’ont jamais cédé aux sirènes clissonnaises, parions un body à tête de mort, taille 6 mois, – en vente à l’Extreme Market – que plus personne ne se plaindrait de l’abondance de vieilles têtes couronnées !