En 1984, âgé de 45 ans, Ali Farka Touré a repris ses activités de cultivateur à Niafunké, village dont il est aujourd’hui le maire. Il vient de passer dix ans à travailler comme technicien à la radio nationale du Mali. Dans cette région du Nord où vivre, c’est savoir se soumettre aux caprices du destin, […]
En 1984, âgé de 45 ans, Ali Farka Touré a repris ses activités de cultivateur à Niafunké, village dont il est aujourd’hui le maire. Il vient de passer dix ans à travailler comme technicien à la radio nationale du Mali. Dans cette région du Nord où vivre, c’est savoir se soumettre aux caprices du destin, il est revenu pauvre comme Job et riche comme Crésus. Dans sa main rugueuse de paysan, Ali tient sa fortune : une guitare. Il en tire ce jeu inimitable, confluent des usages musicaux que s’échangent les différentes ethnies du coin ? sonraï (groupe auquel il appartient), peul, zarma, tamasheq ? et des sonorités recueillies à travers l’écoute des grands étrangers, John Lee Hooker et Otis Redding entre autres. Cette année-là, il enregistre pour le label Son Afric un disque à pochette rouge. Quatre ans plus tard paraît sous cette même étiquette un second album, sous emballage vert cette fois. Ainsi Red & Green ? réédités ensemble par World Circuit ? se présentent-ils aujourd’hui comme l’épicentre d’un art sans équivalent.
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Avec ces deux recueils, qui à l’époque n’épouseront que la poussière des bacs à soldes, Ali Farka Touré se transforme en géant d’Afrique. Mais personne ne le sait encore. Son univers musical s’y montre pourtant achevé. D’ailleurs, tous les enregistrements qui leur feront suite ? dont Talking Timbuktu, avec Ry Cooder, lauréat d’un Grammy Award en 1994 ? vont découler de cette miraculeuse bichromie. Tissée à partir des maigres fils de la guitare, du ngoni (luth traditionnel) et de la calebasse, cette musique exerce le même mystérieux pouvoir de contagion que certaines statues nok ou que les figurines en bronze d’Ifé.
Convertir en chants de force la condition précaire qu’imposent ces contrées hostiles n’est pas à la portée de n’importe qui. Seul un ambassadeur auprès des puissances obscures comme l’est Ali peut tirer d’une musique si réduite technologiquement autant de ressources : des histoires de marivaudage, des conseils pratiques, des hommages, des remèdes, des prières et bien d’autres choses encore. Ces deux ressorties restent en tout cas la meilleure introduction possible à la musique de ce Facteur Cheval africain qui voici peu se disait trop absorbé par la culture de ses terres pour pouvoir se consacrer à son art. Or voilà que l’on nous annonce son grand retour pour 2005 ! Comme il le dit si bien lui-même : « Le miel n’est jamais bon dans une seule bouche.«
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