Imaginée en 1992, l’émission Groland fête ses 20 ans d’existence sur le petit écran cette année. A cette occasion, la présipauté imaginaire a délocalisé exceptionnellement son Conseil des ministres au théâtre du Rond Point ce mardi (ou « mordi »). Retour sur vingt ans de mirage.
Soir de « grolinvasion » hier au théâtre du Rond Point. Pourtant, pas belliqueux pour un sou, Jean-Michel Ribes annonce être « très content d’avoir été envahi« . Comprendre que si le président Salengro décidait d’annexer le théâtre, son directeur n’aurait rien contre.
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« Du vin, des ans, c’est les vingt ans« , simple comme un slogan. Celui de l’émission narrant, depuis désormais deux décennies, l’histoire de la Présipauté. Du vin il y en a eu, après la représentation, en revanche les ans semblent n’avoir pas prise sur les compères grolandais. Bien sûr, quelques cheveux gris ont fait leur apparition, ainsi qu’apparemment quelques trous de mémoire faisant reproposer des sketches déjà tournés des années auparavant. Mais l’esprit reste le même.
Au départ, on était invité à venir assister au Conseil des ministres du Groland, exceptionnellement délocalisé pour l’occasion. Si conseil il y a eu, de ministre point. La faute à la crise, qui a forcé le président Salengro à limoger son gouvernement. Après un petit film retraçant l’histoire du pays, son histoire, le président aux oreilles décollées, seul en scène, joue magistralement sa réunion avec ce véritable cabinet fantôme. Sur l’air de « tout va très bien madame la marquise« , les affaires courantes sont expédiées.
Vingt ans de Présipauté
Passée cette mise en bouche, le plat de résistance – on parle ici de toute l’équipe des journalistes grolandais – entre en scène. Et c’est parti pour plus d’une heure de récit et vidéo dédiée à la Présipauté. En interrogeant Moustic, Kuntz, Kael et Kervern sur l’état de son pays, le président Christophe Salengro fait le lien entre les différentes séquences. Le tout dans un joyeux bordel laissant libre part à l’improvisation.
L’occasion pour le public, venu en nombre et arborant pour certains passeports et autocollants grolandais, de revoir des séquences marquantes de Groland au cours des vingt dernières années. Comme par exemple cet épisode récent où un scientifique explique pourquoi la Présipauté va passer au « tout OGM » :
Esprit Groland oblige, le politiquement incorrect règne. Ici, on dit les choses et on les montre. Et le public – parfois suivi par les personnes sur scène – se marre. Les vieux (dont certains ont disparu et revivent pour l’occasion) sont vieux, les jeunes sont cons, et tout le monde est terriblement humain. Pour détourner une formule du film de présentation, cette soirée pourrait être dédiée non pas « à effacer les traces de pneu du passé dans le slip de l’histoire« , mais à les remettre au goût du jour.
Groland se met à table
Alors bien sûr, les enchainements sont parfois capilotractés. Mais une soirée placée sous le signe de la pataphysique a-t-elle le droit de s’en plaindre? Et les improvisations pas toujours réussies, ce qui rappelle qu’être acteur au théâtre et à l’écran n’est pas la même chose. Mais même les « fails » font rire, et ça n’empêche pas Jean-Michel Ribes, pendant la séance de questions-réponses joyeusement foutraque suivant le spectacle, de demander que ses acteurs suivent des cours de présence scénique à Groland ! Et puis ils sont comme ça à Groland, résume Jules-Edouard Moustic, « au début on dérange les puissants, et puis rapidement on dérange tout le monde« .
Assis à la table des grands – celle des ministres -, toute l’équipe partage avec le public complice le bonheur d’avoir tenu vingt ans. « À chaque fois qu’une nouvelle direction voulais nous faire sauter, confie Moustic, elle sautait avant« . Chacun y va de sa petite anecdote, qui celle d’un pigeon accoutré de seins envolé lors d’un tournage, qui celle du destin tragique d’une poule achetée pour un tournage… Vingt ans, et après? La réponse fuse : « vingt-et-un ans! »
De cette soirée, il ne restera rien, sinon les souvenirs des heureux présents dans la salle. Aucune captation n’a été faite, et aucune suite n’est prévue au spectacle, cet essai sur lequel ils ont travaillé un mois restera un « one shot« . Car « on a vu ce que c’était de tourner pendant deux mois avec Gustave [Kervern], confie Benoît Delépine, alors si on se met à tourner avec Groland, on ne survivra pas. Il n’y aura jamais de vingt-et-un ans« . Mission accomplie, et « grolinvasion » réussie, car plus qu’un pays fictif, Groland est devenu une famille. Et ça fait vingt ans que ça dure.
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