Persévérants, les Français de Chateau Marmont livrent enfin The Maze, un premier album ample et ambitieux. Nous les avons rencontrés quelques jours avant sa sortie. Interview.
Comment vous sentez vous à quelques jours de la sortie de votre nouvel album ?
C’est un album en route depuis trois ans. Nous avons un peu l’impression d’être dans une période d’entre deux qui dure depuis longtemps. Le jour où il sortira vraiment, où les gens l’auront entre les mains et se manifesteront dessus, ce sera quasi surréaliste.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Quand à commencé l’histoire de Chateau Marmont ?
En 2006… Sept ans pour sortir un premier album c’est très long. Nous n’avons pas cherché à forcer le destin, les choses se sont passées naturellement. Si on se trouve à sortir cet album maintenant, c’est que les choses devaient être comme ça. On a toujours été longs, pointilleux sur un peu tout. D’abord, il a fallu trouver la méthode, savoir dans quelles conditions on ferait ce disque. Ensuite, il a fallu définir le type de musique que l’on voulait faire, car on ne voulait pas retrouver le même style que sur les EP. Enfin, il a fallu faire les morceaux de l’album. Tout a été très long : on a voulu faire un album comme on les faisait à la grande époque des années 80.
Cette exigence demande du temps. Aujourd’hui c’est une démarche plutôt incompatible avec l’industrie du disque-se donner 3 ans pour sortir un album…. Vous êtes un peu à contre courant, non ?
A contre courant, tu crées finalement ton propre courant. On a nos propres outils, notre propre studio et on crée nous-mêmes nos sons. On peut mixer un truc pendant trois semaines si on en a envie. Dès le départ on n’était pas dans des moules, musicalement. On avait une musique qui était à moitié instrumentale et on se retrouve sur une major ! L’idée de refaire des albums en prenant le temps, c’est un peu dans l’air du temps d’ailleurs : c’est ce qu’a fait Daft Punk d’une certaine façon.
Comment composez-vous ?
On voit le morceau un peu comme une sculpture : au départ, on n’a aucune idée de ce à quoi il va ressembler. On part d’une idée, d’un son, d’un mouvement. Ca va un peu à l’inverse du travail de songwriting de base, et d’un autre côté, on adore les songwriters… Donc on est un peu le cul entre deux chaises. De toutes ces choses-là découle une espèce de chaos qu’on a voulu retranscrire à travers le nom du disque. Il y a eu des moments dramatiques, je pense même qu’on a pleuré. D’épuisement. On faisait des morceaux, on était hyper contents, puis on revenait quatre jours après, on écoutait et c’était tout pourri.
Vous travaillez aussi avec d’autres artistes : vous avez monté ce label, Chambre 404, qui produit d’autres gens. On a parfois l’impression que Chateau Marmont est davantage un collectif qu’un groupe…
Oui c’est vrai. On aime bien voir les choses comme ça : Chateau Marmont serait une maman poule avec des petits poussins. On aimerait devenir un groupe avec plein de workshops, faire des morceaux qui appartiendraient un peu à tout le monde.
Où est votre studio ?
Il est situé aux Buttes-Chaumont. C’est plutôt un studio de mecs, avec des synthés, des machines partout, des grosses enceintes. Il y a de la vodka, du whisky, un peu d’humidité. Et une super voisine !
La complexité de votre musique découle aussi de votre éclectisme… Vous semblez aimer énormément de choses différentes.
Depuis le début de la promo on s’amuse à citer les trucs les plus dégueulasses, on n’a honte de rien. A chaque fois les gens sont embarrassés pour nous, on joue de ça. On se connait depuis 15 ans, on faisait souvent des soirées ensemble. Quand on aime tout, ce n’est pas dur de se retrouver dans ses amis. Quand on avait 18-20 ans on se retrouvait tous au même endroit les weekends pour fumer des pétards en écoutant Zappa. C’est là qu’on s’est ouverts à la musique. On a grandi dans des petits villages, il n’y avait rien, ça nous a ouvert l’esprit. Avant, dès qu’on parlait de Jean-Michel Jarre, les gens avaient peur. Moroder aussi. L’album de Daft Punk va nous légitimer sur tout ce qu’on cite depuis toujours, merci les gars (rires). Ce qui est intéressant c’est l’accumulation de toutes les influences, les fenêtres qui s’ouvrent sur d’autres musiques.
Pouvez-vous nous parler des collaborations sur le disque ? Il y a Stella Le Page notamment, qui est-ce ?
Stella fait des chœurs, elle est signée sur Chambre 404. Elle est anglaise mais vit à Paris depuis qu’elle est sur le label. On est en train de préparer son album. Là, elle sort un EP. Elle écrit des popsongs hyper mainstream: c’est une Anglaise, elle a ça dans le sang… Antoine Hilaire de Jamaica a aussi participé. Sinon il y a aussi Etienne Jaumet qui est passé faire des solos de saxophone, ou la chanteuse Alka Babir qui est venue le temps d’un titre. On voulait faire un exercice de style à la Adjani : c’est tombé sous le sens vu que c’est parfaitement son créneau.
Combien de concerts avez-vous fait en huit ans ?
On en a fait beaucoup, il y a eu près de 72 set ups différents. On a tourné deux fois aux Etats-Unis. Lors de la seconde tournée, on a fait 28 dates en trente jours. On revient avec des étoiles dans les yeux quand on voit toutes ces villes et paysages mythiques. On a appris à prendre du plaisir, appris à bien jouer. Tu bois le premier soir comme un con et ensuite tu es fatigué toute la semaine… Alors tu apprends à faire ton travail –et à moins boire.
Vous avez partagé cette deuxième tournée américaine avec Revolver : comment cela s’est-il passé ?
C’était un arrangement financier avec leur manager qui nous a permis d’avoir un tour bus pour faire une ville chaque jour. Sinon ça n’aurait pas été possible. Quand on s’est retrouvés dans des états un peu cow boy, Revolver jouait des musiques qui collaient avec l’esprit saloon, ça passait. Nous, quand on sortait les synthés, c’était tout de suite une autre ambiance … Ca faisait un peu coupe gorge d’un coup.
Pouvez-vous nous parler du dernier chapitre de l’album, Colonization ?
On rêvait de faire ce chapitre depuis longtemps, on voulait que le disque ait la gueule d’un disque de prog. Le prog est souvent la musique la plus détestée du monde. C’est une musique extrêmement écrite mais il y a plein de morceaux qui ne sont pas virtuoses. C’est juste une musique plus riche, une musique de recherche. A la base c’étaient des mecs qui voulaient faire de la musique classique avec des instruments rock, du coup au départ c’était foireux. Mais après tu as une musique très riche, très mélodique et c’est fabuleux. Esthétiquement ça a souvent été accolé à des trucs où les mecs se déguisent en lutins dans les bois, à des trucs borderline. C’est bête de refuser tout ça en bloc. Aujourd’hui, on est plus entourés de gens qui ont grandi avec New Order ou les Stones Roses qu’avec Zappa. Pourtant, ce qui est intéressant c’est l’accumulation de toutes les influences, les fenêtres qui s’ouvrent sur d’autres musiques, l’effet boule de neige.
Dernière question, quel hit aurait aimé faire Château Marmont ?
Un hit de Joe Jackson, ou More Than Words de Roxy Music.
{"type":"Banniere-Basse"}