1. De quoi parle VRAIMENT Shining ? C’est la question de Room 237, le film de Rodney Ascher – enfin en salle, un an après sa présentation à la Quinzaine des réalisateurs. La famille Kubrick ne doit pas être ravie. On la comprend. Elle a exigé qu’il soit précisé sur l’affiche qu’elle ne cautionnait en […]
1. De quoi parle VRAIMENT Shining ? C’est la question de Room 237, le film de Rodney Ascher – enfin en salle, un an après sa présentation à la Quinzaine des réalisateurs. La famille Kubrick ne doit pas être ravie. On la comprend. Elle a exigé qu’il soit précisé sur l’affiche qu’elle ne cautionnait en rien cette exégèse amusante – et délirante ! Déjà qu’ils ont bidouillé les images de Stanley, laissant croire que Tom Cruise va voir Shining dans Eyes Wide Shut, alors que jamais de la vie… Mon Dieu, Stanley aurait été furieux…
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2. Mais de quoi parle VRAIMENT l’antépénultième film de Stanley Kubrick ? La création artistique, la famille américaine, la persistance du passé, Sigmund Freud et Bruno Bettelheim mis à part, car trop évidents ? Pour les analystes dingos de Room 237, c’est la confession cryptée d’un artiste qui raconte comment il dut :
– participer à un projet qui a berné le monde entier.
– mener une double vie dont il n’a pu parler à personne et dont il est resté traumatisé. Mais e ncore ?
3. Après 2001, Kubrick a été enrôlé – de force ? – par la Nasa et a mis en scène les images de la Lune par Apollo 11. Si. 2001 devenant le sublime et gigantesque brouillon de la supercherie à venir… On ne dit pas que personne n’est allé sur la Lune ce 20 juillet 1969, on dit que les images du “petit saut pour moi, grand pas pour l’humanité, gna-gna” ont été réalisées en studio par Kubrick, puis retransmises dans le monde entier. Faux direct, vrai Méliès. Dix ans plus tard, Kubrick parsème son Shining de cailloux blancs et lunaires, autant d’indices, autant d’aveux : pourquoi Danny porte-t-il un pull Apollo 11 quand il reçoit la balle jaune des jumelles ? Et pourquoi Jack se met-il en colère contre Wendy en évoquant ses “obligations” et ses “commanditaires qui lui font confiance” ? Et pourquoi la chambre 237 et pas 217, comme dans le roman de Stephen King ? Kubrick a prétendu que la direction de l’hôtel craignait que plus aucun client ne veuille de la 217, alors va pour la 237 ! Sauf qu’il n’y a pas, qu’il n’y a jamais eu de chambre 217 dans l’hôtel qui servit de modèle à l’Overlook du film ? Alors que 237 000 kilomètres, c’est la distance exacte de la Terre à la Lune, enfin celle qu’on pouvait mesurer à l’époque…
4. On le voit, Room 237 ne manque ni d’humour érudit ni d’imagination seconde. Mais il n’épuise pas les sens secrets de Shining. Dans le numéro 623 de la revue Positif, Laurent Vachaud donnait des pistes plus convaincantes sur Shining et Eyes Wide Shut. Par exemple, cette affiche de ski marquée “Monarch” sur le mur ? Room 237 ignore que c’est un programme de conditionnement de l’individu que la CIA aurait mis au point… Alors que Vachaud en fait son miel… Lisez Positif.
5. Chez Kubrick, le hasard n’existe pas. Si quelque chose apparaît dans le cadre, c’est que sa présence est désirée, qu’elle a un sens. D’où la tentation de voir des motifs dans le tapis et de suivre d’autres fils narratifs que celui que Kubrick est censé nous raconter. Il tournait un film tous les dix ans, mais il en faisait trois ou quatre à la fois…
6. Dans I Am Spartacus! (Capricci), le magnifique livre de souvenirs de Kirk Douglas, on apprend comment Kubrick a découvert la nouvelle de Schnitzler qui allait donner Eyes Wide Shut quelque quarante ans plus tard. Pendant le tournage de Spartacus, comme il ne pouvait plus le supporter, l’acteur-producteur a emmené Kubrick chez son psychiatre, le Dr Herbert Kupper. Celui-ci n’a pas réussi à pacifier les rapports entre les deux hommes, mais il a recommandé à Kubrick de lire “Rien qu’un rêve” et d’en faire un film…
7. Le cinéma, c’est quand même mieux que tout, non ?
Frédéric Bonnaud
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