Le nouvel opus du pianiste Chassol, « Indiamore », est une expérience humaine et musicale hors-norme. Il le jouait hier soir à la Gaîté Lyrique dans des conditions idéales. On y était, on vous raconte.
Lundi 1er avril sort un objet musical non identifié: pas de blague, le CD/DVD Indiamore est édité chez Tricatel, label du talentueux Bertrand Burgalat, qui a su dénicher un jeune homme qui pourrait bien être notre meilleur pianiste, dans son genre. Chassol aime le piano et en a fait sa vie. Il aime l’Inde aussi et en fait une expérience totale, qu’on avait déjà pu voir au Silencio.
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Hier, la Gaîté Lyrique s’était fait belle pour accueillir l’ancien clavier de Phoenix et de Sébastien Tellier : des gradins dignes d’un stade de foot (j’ai entendu quelqu’un murmurer Furiani – tout s’est bien passé), public aux aguets, foule attentive, acoustique au top et écran géant vraiment géant: 6 mètres de hauteur, 14 de largeur ?
Indiamore propose plus qu’un simple ciné-concert, formule connue de tous qui consiste a créer ou rejouer une partition synchronisée sur un film (Philip Glass, maître en la matière). Ici, l’aventure est d’abord humaine, le film avant-tout documentaire. Chassol nous entraîne dans les rues de Calcutta et de Bénarès à la rencontre de génies de la musique indienne. Ils sont joueurs de tabla, de sitar, chanteuses ou danseuses et c’est avec une équipe son et vidéo que le Français a prélevé un peu de leur réel pour nous le transmettre. A l’écran, cette femme qui chante, en tenue traditionnelle; entre ses trois claviers, Chassol entame une progression minimale aux accents pop ; à la batterie, Sébastien Lété produit un rythme qui oscille entre jazz, rock et pop.
C’est en fait un trio qu’on voit sur scène, le duo joue à parts égales avec les images et sa bande-son qui laisse transpirer la rumeur de la ville. Les enfants crient, les voitures passent, et on se retrouve maintenant à l’arrière d’un taxi. Face à nous, plan serré sur un vieil Indien qui entame un chant d’une grande beauté : on suit cette chanson, peut-être improvisée, qu’importe. Autour de nous, les gens sont captivés, c’est l’essentiel. On esquisse un sourire à la vue du personnage suivant, assis lui aussi sur la banquette rouge du taxi : il a une dégaine improbable, moustache façon Magnum et mèche rousse rabattue sur une calvitie marquée. Un Indien pas comme les autres. C’est en exploitant au maximum les possibilités de la vidéo que Chassol nourrit son concert.
Des fois, on suit un chant ou un morceau de sitar du début à la fin, parfois les images sont mises en boucle, souvent courtes – quinze, vingt secondes. Sous l’effet du montage, les paroles du chanteur se répètent et se transforment. La musique traditionnelle indienne tire alors vers le hip-hop, la vidéo devient un sample que Chassol interprète.
Découpé en quatre mouvements, Indiamore le concert se referme sur une forme plus clipesque de musique. Des danseuses magnifiques s’agitent en noir et blanc et la musique se fait additionnelle : elles ne chantent pas, on n’entend rien, ou presque, du bruit de leurs pas. Une ligne de piano mise en boucle s’échappe des enceintes et Chassol la rejoint pour créer un hymne minimal aux couleurs tonales et chaudes. Pendant le concert, les projecteurs de la scène irradient l’écran et donnent aux images des couleurs irréelles : le Gange prend des teintes vertes, rouges ou bleues. Tout est fait pour nous plonger dans cette aventure indienne, où les lignes harmoniques et mélodiques se croisent et se répondent.
Applaudissements nourris en fin de concert, le public en redemande et Christophe Chassol revient, un peu timide, vers ses claviers… « Je peux vous jouer quelque chose, mais lequel vous préférez ? Celui de gauche ? Ok. » Trois minutes de piano plus tard, on applaudit de nouveau, avec en tête les paroles d’une Indienne inconnue de nous : Music is god, my love… Music is god, my love… Music is love, my love…
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