Dans la vie d’un artiste, le passage par la case promo constitue une étape fastidieuse. Souvent organisé dans la suite d’un palace, l’exercice est chronométré à la minute et le discours calibré pour ne laisser aucune place à l’imprévu. Faisant mine de respecter les codes classiques de la promotion médiatique, Asia Argento nous a donné […]
Dans la vie d’un artiste, le passage par la case promo constitue une étape fastidieuse. Souvent organisé dans la suite d’un palace, l’exercice est chronométré à la minute et le discours calibré pour ne laisser aucune place à l’imprévu. Faisant mine de respecter les codes classiques de la promotion médiatique, Asia Argento nous a donné rendez-vous au Bristol, chambre 318, en début d’après-midi. En montant dans les étages de l’hôtel parisien, je jette un dernier coup d’oeil à la setlist de Total Entropy, premier album très electro-rock de l’icône italienne du cinéma indépendant. Ugly Duckling, Le Mépris, My Stomach Is the Most Violent of Italy : avec des titres pareils, la fille de Dario annonce la couleur, tantôt sombre, tantôt rouge sang comme l’hémoglobine qui la fascine tant…
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Arrivé devant la porte de la belle, je sonne. Du dehors s’échappent déjà confusément les sons étranges de musiques expérimentales composées sous LSD puis, très vite, le boom-boom des raves auxquelles Asia participait à 14 ans. Un grand type tout de jean vêtu nous ouvre, c’est son attaché de presse. « Elle est de très bonne humeur, vous allez voir ! » Asia surgit ! Ses lèvres sont écarlates, sa voix rauque : « Bonjourrrr, les Inrrrrockuptibles, comment vas-tu ? » L’actrice-tigresse exagère ses « r » et me demande avant toute autre chose comment je veux mon verre de champagne. « Piscine ? » Pourquoi pas ? L’attaché de presse s’éclipse, Asia croque dans une fraise et je m’assieds machinalement en face de mon objet de fascination. Mais Asia veut de la proximité.
« Viens donc à côté de moi sur le canapé, nous serons mieux tous les deux, ça me permettra de mieux te posséder. »
De peur de me faire manger tout cru, je m’exécute. L’interview peut commencer. On parle de ses travaux libres avec Anton Newcombe, chanteur perturbé du Brian Jonestown Massacre, « un génie », de ses collaborations avec Brian Molko de Placebo, de Morgan (son ex) et du rock possédé de The Legendary Tigerman. Les minutes passent, Asia prends ses aises. Elle évoque le nom de sa fille Anna-Lou, de sa passion pour Apollinaire, de son pèlerinage sur la tombe du poète au cimetière du Père-Lachaise. Je lui demande de me parler de sa mère, l’actrice Daria Nicolodi. Elle allume alors une cigarette et se confie :
« C’est ma mère qui m’a fait aimer la musique. Le blues, le rock, tout vient d’elle. De son côté, nous avons une longue lignée d’amateurs de musique, dont le compositeur Alfredo Casella qui est mon arrière-grand-père. »
Par la suite, sans vraiment savoir pourquoi ni comment, la conversation vire ésotérisme et religion. Asia me parle de ses racines juives, de « sa découverte de la Santa Luz ». C’est déjà l’heure de se quitter. Avant de partir, il me faut impérativement une photo pour mon article. « Tu veux un private shooting ? », dit-elle dans un éclat de rire. Et voici que l’icône de l’underground pose, lascive, devant l’objectif imprécis de mon smartphone. En partant, Asia Argento, espiègle, me vole un baiser sur la bouche et m’offre une rose. Je sors avec la trace amoureuse de son rouge à lèvres sur le col. J’ai embrassé Asia Argento… Le reste n’a plus d’importance.
Laurent-David Samama
album Total Entropy (Nuun Records/La Baleine)
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