Et c’est plutôt bien : vous vous consolerez en lisant tout ce qui aurait pu vous arriver si vous étiez parti en Inde…
Le mois d’août approche et la déprime vous guette. Le nez dans leurs guides de vacances, vos collègues, amis ou partenaires de vie savourent à l’avance leurs périples exotiques, échangent des adresses formidables et bourrent leurs sacs à dos de trousses de survie. Sur vous, qui, par choix ou nécessité, restez en France, ils jettent un regard suintant de commisération. Parias de la société de transhumance, ne vous sentez pas obligés de raser les murs : au moment où, en proie à une compulsion saisonnière, vos proches s’apprêtent à mettre à mal leur compte en banque, leur santé et leur bilan carbone, un hilarant petit bouquin va vous épargner le blues de l’été. Son bac (ou plutôt ses A Levels) en poche, Dave, 19 ans, prend l’avion pour l’Inde. Bien que se destinant à des études de lettres, il répond moins aux appels de Rudyard Kipling, Somerset Maugham ou E. M. Forster qu’aux injonctions de sa libido, qu’affole la plastique de sa compagne de vacances – laquelle se trouve être à la fois la copine officielle de son meilleur pote et une sérieuse candidate au titre de reine des chieuses.
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Au pays de la spiritualité en sari, son périple va se doubler d’un inventaire exhaustif du genre de galères dans lesquelles vos téméraires amis s’apprêtent à se jeter. Dans l’étuve de New Delhi, les baroudeurs d’une saison entrent collectivement en religion et troquent leur libre arbitre contre une adhésion dévote aux préceptes du « Livre ».
Car, hors du guide Lonely Planet, point de salut : l’esprit critique aux abonnés absents, tous s’agglutinent dans les mêmes hôtels, y (sur)consomment la même herbe et y échangent les mêmes fadaises, genre « j’aime ce pays mais je le déteste » – une forte tête s’enhardissant parfois au point de soutenir que le pays en question, elle « le déteste, mais l’aime ».
Au nombre des facteurs de détestation ici recensés, le lecteur retiendra, en fonction de ses phobies, la suffisance doctrinaire des routards professionnels, les cafards anthropophages, les infernales séances de tape-cul auxquelles se résument les odyssées en bus, les mille et un pièges alimentaires (et les consécutifs cataclysmes abdominaux), la lubricité de profs de yoga traquant le point tantrique des Suédoises à la jonction de leurs cuisses blondes, les léproseries transformées en attractions touristiques, la débilité carabinée des nanars de Bollywood, les éternels marchandages avec les conducteurs de rickshaws et les nuées de mendiants aux phénoménales capacités adhésives.
Pour Dave, le compte à rebours commence : combien de jours encore va-t-il devoir se faire arnaquer, endoctriner et engueuler – ce dont se charge un journaliste local, exaspéré par l’ignorance d’Occidentaux en mal d’exotisme qui trimballent la Bhagavad-Gita dans leurs sacs mais lisent surtout les best-sellers néocolonialistes de Wilbur Smith – avant d’enfin retrouver son petit Liré à lui ? Soit la verte Albion, ses brouillards, sa bière fraîche et, surtout, ses pots de Marmite, condiment tout aussi britannique (mais nettement moins exportable) que l’humour de William Sutcliffe, auteur du livre de vacances le plus joyeusement catastrophique depuis les Trois hommes dans un bateau de Jerome K. Jerome.
Vacances indiennes de William Sutcliffe (10/18),
traduit de l’anglais par Philippe Rouard, 308 pages, 8 €
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