Nicolas Sarkozy organise ce mercredi une réunion pour s’attaquer à la délinquance des gens du voyage, oubliant le principal souci de ces derniers : la faiblesse des zones d’accueil mises à leur disposition. Exemple dans le Var, où seules 5 communes se sont dotées d’une aire. Les Inrocks ont interrogé les 33 autres, qui ne respectent pas la loi…
Nicolas Sarkozy réunit ce mercredi plusieurs de ses ministres pour évoquer «les problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms». Les associations des gens du voyage dénoncent une stigmatisation de leur communauté tout en soulignant que le gouvernement se désintéresse du vrai problème : le manque d’accueil des populations itinérantes.
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Selon Stéphane Lévêque, président de la Fédération national des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les Gens du voyage (FNASAT), seules 50% des aires de stationnement prévues par la loi sont aujourd’hui ouvertes.
Votée en 2000, la loi Besson prévoit l’élaboration, dans chaque département, d’un schéma déterminant les secteurs géographiques et les communes (de plus de 5000 habitants) où doivent être implantées les «aires permanentes d’accueil» pour les gens du voyage. Mais aujourd’hui encore, nombreuses sont les communes à n’avoir pas mis en place ces aires.
33 communes varoises dans l’illégalité
Exemple dans le Var. Selon le dernier rapport public du Secrétariat d’Etat au Logement qui date de 2008, le pourcentage de réalisation des aires d’accueil y plafonne à 10 % (en nombre d’emplacements).
A la Préfecture, on nous renvoie vers un document publié en avril 2010 qui détaille le dernier schéma départemental (élaboré en 2003) : 26 aires dédiées aux gens du voyage doivent être réparties sur un bassin de 38 communes. Mais aujourd’hui, seules cinq aires sont ouvertes (Brignoles, Le Farlède, le Luc et Puget-sur-Argens et Fréjus).
Les Inrocks ont contacté toutes les mairies des communes « défaillantes », qui se retrouvent dans une situation d’illégalité. Ces dernières avancent différentes justifications:
celles qui annoncent l’ouverture prochaine d’aires de stationnements avec des délais qui varient entre un et trois ans ;
celles qui indiquent que les plans des zones sont en cours d’élaboration sans préciser une quelconque date de livraison ;
les communes qui se désolent de ne pouvoir agir pour des raisons géographiques ou budgétaires ;
et enfin, celles qui refusent de répondre.
Naturellement, personne ne parle d’une quelconque réticence à l’idée d’accueillir des gens du voyage. Une fonctionnaire de l’agglomération toulonnaise indique juste à ce titre que:
«Les maires commencent à peine à comprendre qu’il est dans leur intérêt d’acceuillir les populations itinérantes dans des aires prévues à cet effet pour éviter le bordel des campements sauvages.»
« Ce n’est pas vraiment une priorité »
Les Arcs, Le Muy, Vidauban, Draguignan et Lorgues sont regroupés au sein de la Communauté d’agglomération dracénoise (Dracénie). Les responsables de l’urbanisme de la Dracénie indiquent qu’une aire d’accueil est prévue aux Arcs… pour 2014.
Par ailleurs, une aire d’accueil serait ouverte du côté de Lorgues (bizarrement non référencée par le schéma départemental). Mais à la mairie, on ne semble pas lui attacher de réelle importance :
«Oui, nous pouvons accueillir une centaine de caravanes mais pour ce qui y est des conditions… nous ne sommes pas certains de pouvoir acheminer l’eau et l’électricité jusqu’à la zone.»
Pourtant, une aire d’accueil doit obligatoirement être équipée en la matière.
Toulon, Hyères, Six-Fours, La Garde, Ollioules, Saint-Mandrier et La Seyne-sur-mer sont regroupées au sein de la Communauté d’agglomération Toulon Provence Méditerranée (TPM). On nous indique que Toulon devrait développer une zone d’ici trois ans. On nous confirme également que les communes de Six-Fours et de La Garde devraient mettre en place deux aires d’accueil d’ici un an – les permis de construire étant en cours de validation.
Dernière ville listée par le schéma départemental, Hyères, où il semble compliqué de trouver un terrain qui soit en dehors des zones protégées ou inondables et qui soit, comme l’exigent les textes législatifs, à proximité d’autoroutes et d’écoles:
«On peine vraiment à trouver un terrain viable de deux hectares à Hyères peste la direction de l’intercommunalité, on en est à notre quatrième tentative pour mettre en place une zone habitable.»
Pour Marc Vuillemot, maire de La Seyne-sur-mer:
«L’incapacité à maîtriser le foncier environnant peut expliquer le trop-peu d’aires d’accueil dans la région, nous sommes coincés entre la mer et la montagne, notre marge de manœuvre est infime.»
Plusieurs communes inscrites sur le schéma départemental avancent cet argument géographique pour justifier l’absence d’aires d’accueil. C’est le cas de Fayence, du Beausset, du Lavandou, du Garéoult, de Solliès-Toucas, de Trans-en-Provence et de Cavalaire.
La maire de Cavalaire, Annick Napoléon, explique que les 1600 hectares de sa ville sont constitués pour moitié d’espaces classés et protégés par le Conservatoire du littoral, le reste étant donné en priorité au locatif social:
«Chez nous, les prix augmentent et les locaux partent, alors nous faisons tout notre possible pour les retenir en leurs proposant des HLM. Voilà pourquoi les gens du voyage ne sont pas vraiment une priorité.»
Selon madame le Maire, une participation financière serait à l’étude dans une éventuelle aire d’accueil développée en partenariat avec les mairies de Sainte-Maxime, Cogolin, Grimaud Gassin et Saint-Topez, toutes inscrites sur le schéma départemental.
Autres villes, autres partenariats, Bandol et Saint-Cyr devraient prochainement mettre en place une sorte d’intercommunalité pour réaliser une aire d’accueil à deux. Encore faut-il s’accorder : dans la première ville, on explique «mettre en synergie les volontés» quand dans la seconde on avoue «ne pas avoir encore bougé».
Cogolin et Roquebrune, ont, elles, décidé de mettre en place des projets individuels. Ces aires d’accueil sont en cours d’élaboration et ne devraient pas voir le jour avant au moins un an.
Restent les communes, qui jusqu’à aujourd’hui, n’ont pas encore accepté de répondre à nos questions: Saint Raphaël, Bormes-les-Mimosas, Saint-Tropez, Sainte-Maxime, Saint-Maximin, Solliès-Pont, Sanary, La Londes, Cuers. Toutefois, les secrétariats des mairies ont bien confirmé l’absence d’espace pour les gens du voyage sur leurs communes.
Vérification faite, huit espaces seraient donc en cours d’élaboration dans le Var. Même si les communes insistent sur leur volonté de mener à bien ces projets, le constat reste accablant : en sept ans, le Var n’aura mis en place que cinq aires pour les gens du voyage sur les vingt-six prévues par le schéma départemental.
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