Sur demande préfectorale, la Police aux frontières peut mobiliser deux petits avions spécialement destinés aux expulsions en vol privé, afin d’éviter d’utiliser les lignes régulières. Une reconduite aux frontières loin des regards et des protestations.
A Vesoul (70), il y a une tradition originale : le déplacement en vols privés. Quand ce n’est pas le maire, Alain Joyandet, qui s’offre les services onéreux d’un Falcon 7X, c’est la police aux frontières (PAF) qui mobilise un petit Beechcraft 1900 pour expulser des sans-papiers.
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La famille Aloyan habitait à Vesoul depuis janvier 2010. Avec leurs deux enfants de 9 et 11 ans, ces Géorgiens étaient d’abord passés par la Pologne en août 2009, qui leur avait refusé la demande d’asile. C’est donc vers la Pologne (via l’aéroport de Bron, dans le Rhône) qu’ils ont été reconduits mardi, en vertu du règlement européen Dublin 2.
Selon cette convention, c’est le premier pays d’accueil qui est responsable des procédures d’expulsion hors d’Europe. L’ensemble de la famille a embarqué dans un Beechcraft 1900, un petit bi-moteur de 19 places environ, à l’aéroport de Bron, à côté de Lyon.
Jet privés ou propriété de la police ?
LyonCapitale.fr annonçait mercredi que l’expulsion de la famille Aloyan avait été effectuée à bord d’un « jet privé ». Complétant l’information, France Info affirme vendredi que les appareils sont effectivement loués à des compagnies privées. L’heure de vol sur ce type d’appareil pourrait coûter alors 3000 euros. La Cimade est d’ailleurs formelle :
« Cela arrive parfois que des avions privés soient loués. C’est loin d’être systématique. Mais cela s’est déjà vu, quand les autorités craignent une mobilisation. »
Pour la Police, la situation ne pose pas de problèmes : la Police aux frontières a à sa dispositions deux avions de types Beechcraft 1900, utilisés « selon les nécessités de service ». Le premier a été acquis par la PAF en 2006, le second en 2008. Ils seraient mobilisés pour « moins de 2% des personnes éloignées par voie aérienne », affirme-t-on au Sicop, le Service d’information de la communication de la police nationale.
Ils peuvent par ailleurs être mis exceptionnellement à la disposition de l’ensemble de la police nationale, « comme pour déplacer le Raid, par exemple ». Mais alors, location ou propriété ?
« Il s’agit de soupe de gestion interne, mais cela ne change rien. Nous considérons à la Police nationale que ces avions appartiennent à la Police aux frontières. Ils sont à leur disposition, c’est tout. »
Impossible donc de savoir à qui appartiennent ces avions: s’ils sont loués en permanence à une société privée ou s’ils sont la propriété de l’Etat.
« Un vol privé de témoins »
Pour RESF, la question de savoir si l’avion est privé ou non n’est pas l’essentiel:
« C’est le vol qui est privé, puisqu’il est affrété exclusivement à ce déplacement, et c’est là le problème : il n’y a plus de spectateurs. Ce qui les embête, c’est qu’il y ait des témoins », s’inquiète Patrice Muzzard de RESF.
Dans l’avion ne sont présents que les familles expulsées et les deux policiers par personne qui les accompagnent. Le pilote lui-même est un fonctionnaire de police.
« Ils évitent les protestations, surtout quand il y a des enfants », poursuit Patrice Muzzard. En plus de ne pas utiliser une ligne commerciale régulière, ces expulsions en Beechcraft s’effectuent en effet sur de petits aérodrômes ou aéroports d’affaire, comme celui de Bron.
Ces vols privés permettent aussi d’éviter les cas de révolte de passagers, comme cela a pu arriver précédemment. Les recommandations de la PAF aux passagers ne suffisent vraisemblablement pas à décourager les rébellions. D’autant plus qu’en 2007, les salariés d’Air France eux-même avaient fait savoir leur réticences à participer aux expulsions.
Pour la préfecture, qui a seule l’initiative, le plus simple pour éviter des conflits gênants ou une sur-médiatisation est donc de recourir à ces avions moyen-courrier discrets et exclusivement attribués à cette tâche.
A la police nationale, les justifications sont pourtant toutes différentes. Les Beechcraft seraient mobilisés dans les cas de réadmission vers d’autres pays de l’Union européenne, afin de permettre aux familles de faire réexaminer leur demande d’asile sur place dans les meilleures conditions.
« Cela évite les soucis techniques des lignes régulières, comme les correspondances et les horaires peu flexibles. C’est plus simples pour les familles », explique-t-on conjointement au Sicop et au ministère de l’Immigration.
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