Sylvain Rifflet, Refocus Marcher sur les traces de Stan Getz et Eddie Sauter n’est pas chose aisée : il fallait une solide ambition, et autant de moyens, pour refaire l’union entre jazz et musique classique célébrée par Focus en 1961. Sylvain Rifflet s’y est employé dans neuf titres comme enfantés par ce modèle, profilés sur lui […]
Du noir et blanc, de la couleur, de la note bleue… Pour la rentrée, toute la palette musicale de notre jazz national.
Sylvain Rifflet, Refocus
Marcher sur les traces de Stan Getz et Eddie Sauter n’est pas chose aisée : il fallait une solide ambition, et autant de moyens, pour refaire l’union entre jazz et musique classique célébrée par Focus en 1961. Sylvain Rifflet s’y est employé dans neuf titres comme enfantés par ce modèle, profilés sur lui en ombres chinoises. Seul soliste, il a confié les arrangements de Refocus à Fred Pallem. Intuition payante : les mille et une sonorités dont l’entoure le chef d’orchestre du Sacre du Tympan définissent une cathédrale cristalline et luxueuse, écrin royal pour l’or fin et le feutre suave de son saxophone. A retrouver le 19 octobre, sur la scène du Flow.
Aldo Romano, Mélodies en noir & blanc
En noir et blanc, comme les souvenirs d’un vieux siècle où l’émotion s’imprimait en gris clair et gris foncé, érotisme de l’anthracite, terreur de l’ombre et fascination du blanc, toute une enfance de l’imagination – nos enfants, à nous, rêveront-ils jamais en noir et blanc ? Né en ce temps-là, Aldo Romano revient aujourd’hui sur neuf de ses compositions et une reprise de Manset. Il joue avec une grande simplicité, en compagnie du contrebassiste Michel Benita et de Dino Rubino, pianiste d’une distinction rare, adepte de la note juste et de la mélodie tendre. C’est d’une concision, d’une économie parfaite, où toutes les nuances ont leur place, du noir au blanc.
Pierrick Pédron, Unknown
Après la fusion futuriste de AnD The, c’est un nouveau virage à 180° pour Pierrick Pédron, qui revient à une forme plus conventionnelle, le quartet avec piano, sans renoncer pour autant à son originalité. Unknown est ainsi traversé d’abandons lyriques et de sauts d’intervalles inattendus – on songe parfois à Monk, auquel Laurent de Wilde, réalisateur de l’album va bientôt rendre hommage sur disque –, de phrases concises, de slaloms be-bop et de tensions qui s’acheminent vers le cri sans s’y résoudre. Partout domine une vigueur dénuée de nervosité, comme si le saxophoniste acceptait pleinement d’être traversé par un tumulte d’émotions et de sentiments. Quand un musicien atteint cet état, l’écouter ne peut que faire notre bonheur. A retrouver au Duc des Lombards les 23, 24 et 25 octobre.
Fred Nardin Trio, Opening
A tout juste trente ans, Fred Nardin est le pianiste français qui monte. Depuis quelque temps, on le trouve partout, à écumer les clubs, à participer aux aventures de l’Amazing Keystone Big Band ou à accompagner des chanteuses (Cécile McLorin Salvant, Véronique Hermann Sambin…). Ce disque en trio dévoile toute l’étendue de son talent, une précision rythmique époustouflante, des développements mélodiques cohérents, une vélocité maîtrisée et un toucher toujours délicat. Répugnant aux grands effets faciles, Opening demande à être écouté avec attention : il distille le charme de l’audace chez un musicien déjà brillant, et qui n’a sûrement pas encore atteint son sommet. A ne pas manquer, le 13 octobre au Duc des Lombards.
Bruno Tocanne, Sea Song(e)s
Concevoir une suite musicale d’après le Rock Bottom de Robert Wyatt, “source inépuisable d’émotion et d’inspiration”, comme l’écrivent Bruno Tocanne et Sophia Domancich, l’idée paraît aussi stimulante qu’impossible. Il y a péril à s’approcher d’une œuvre à ce point achevée et énigmatique dont le trouble passe les années tel un ressac sans fin. Batteur et compositeur d’une grande sensibilité, Tocanne et ses acolytes ont su se placer exactement où il fallait, laissant ce trouble devenir une autre musique, non moins belle, non moins envoûtante, œuvre de résonances et d’une puissance propre, qu’on ne songe pas à comparer à son inspiratrice. Gros coup de cœur, Sea Song(e)s sort le 6 octobre.
Courtois, Erdmann, Fincker, Bandes originales
Etrange dénomination que celle de “musiques de film”. Lorsqu’elles sont réussies, elles échappent si bien au service des images qu’elles suggèrent en nous d’autres cinématographies, plus intimes, étrangères à toute réalisation antérieure. Ces films que l’on se fait, le violoncelliste Vincent Courtois en donne une très belle traduction dans ce disque plein de sève et de rêve. Avec Daniel Erdmann et Robin Fincker, il suggère des thèmes de Marin Marais (redécouvert par le grand public grâce au film Tous les matins du monde), John Williams, Nino Rota ou Giovanni Fusco pour mieux les réinventer, en inventer de nouveaux, laisser l’imagination vagabonder. Le résultat est magnifique. Bandes originales sort le 6 octobre, à découvrir en concert le 23 octobre au New Morning.
Arnaud Dolmen, Tonbé Lévé
Inutile de rappeler l’excellence des rythmiciens caribéens, il suffira de préciser qu’Arnaud Dolmen a officié auprès de Jacques Schwartz-Bart, Franck Nicolas ou Sonny Troupé pour donner une idée de sa propre valeur comme batteur. Dans ce premier album solo, on découvre aussi le compositeur, adepte du gwoka (musique et danse de tradition guadeloupéenne) et de polyphonies légères aux suavités à peine voilées de mélancolie. Au-delà des grooves – il est bien difficile de ne pas bouger à l’écoute d’une musique aussi chaloupée –, cette douce-amertume constitue la meilleure incitation à faire « tonbé lévé » le 2 novembre, au Studio de l’Ermitage.
Rodolphe Lauretta, Raw
Lorsqu’on joue du saxophone, opter à l’heure du premier album pour la formule en trio, c’est faire preuve de témérité, presque d’imprudence. Sans le soutien d’un instrument harmonique, le soliste se retrouve à devoir engager énormément de lui-même et à prendre tous les risques. Rodolphe Lauretta n’a pas reculé devant cette responsabilité, il a su choisir ses hommes (Arnaud Dolmen, que l’on retrouve ici en dynamiteur permanent, et le contrebassiste Damien Varaillon, pas moins assidu à régler son pas sur le sien) pour déployer une musique brute, pleine d’aspérités et de volonté obstinée. Un tour de force effectué avec aisance qui ravira sûrement le public de la Petite Halle, le 30 septembre.
Fox + Chris Cheek, Pelican Blues
A chaque musicien son temps, une manière de l’assouplir ou de le brusquer, de le presser ou de le retenir. Pierre Perchaud, lui, aime à instaurer une distorsion presque nonchalante de l’air où ses thèmes et soli de guitare trouveront leur envol propre, d’une souplesse pleine d’élégance. Déjà auteur d’un bel album en 2016, Fox (trio ici augmenté du saxophoniste Chris Cheek et, par instants, de Vincent Peirani et Christophe Panzani) dévoile davantage ses ambitions avec Pelican Blues, album poétique et burlesque parfumé aux épices de la Nouvelle-Orléans. Sortie le 6 octobre, à retrouver en concert le 26 octobre, au Studio de l’Ermitage.
Jacques Thollot, Thollot in extenso
Disparu il y a 3 ans, Jacques Thollot laissait une œuvre rare par le nombre d’enregistrements (5 albums sous son nom) et plus encore par son exigence, sa complète extériorité à l’évidence, au convenu. Pas tout à fait de ce monde, le batteur, ex-enfant prodige choyé par de très grands noms, était aussi un homme aimé pour ses mystères et sa poésie. Ce disque en témoigne, qui présente les dernières compositions de Thollot telles qu’il les avaient enregistrées avec son quartet, ou interprétées par des amis, sa fille Marie, des musiciens à qui il était cher. C’est un objet précieux, empli de battements de cœur et qui a bénéficié d’une édition remarquable, à la hauteur de l’intention : continuer de vivre et de faire vivre.