A l’occasion des 20 ans de l’Association, les Inrockuptibles partent à la rencontre de sept jeunes auteurs récemment publiés par l’éditeur indépendant de bande dessinée. Aujourd’hui : Matthias Picard qui participe à la revue Lapin.
Quel a été votre premier choc en BD ?
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Vers 12 ou 13 ans j’ai fait remarquer à ma mère qu’il devait y avoir erreur de rangement, une bd se trouvait dans la bibliothèque des livres. Je l’ai sortie, elle m’a laissé la feuilleter. J’ai vu un dessin noir et blanc très éloigné de ce que je connaissais avec des types à têtes de souris qui n’avaient pas l’air de blaguer. Je lui ai demandé si c’était bien, si elle avait aimé. Elle m’a répondu que c’était trop dur pour elle, qu’elle n’avait jamais réussi à la finir tellement ça l’avait rendu malade. Apprendre qu’il y avait une bd que ma mère ne pouvait pas lire, ça a été mon premier choc. Cette bd c’est Maus, d’Art Siegelman, j’ai fini par la lire, ça à été mon deuxième choc.
Comment et quand avez-vous décidé d’y venir vous-même ?
Avec la première bande dessinée que j’ai faite en CM1 (12 pages), elle racontait le déroulement d’un match de foot, avec Basile Boli et Chris Waddle. Un truc de fou ! C’est là que tout a démarré.
Comment et quand avez-vous connu L’Association ?
Au lycée j’ai commencé à avoir un peu d’argent de poche, à l’époque j’achetais mes bd à la Fnac. Je me baladais dans les rayons en cherchant quelque chose de nouveau (je n’y connaissais rien à part Thorgal et Gotlib) quand soudain, entre un gros troll dégueulasse et une rétrospective sur Hergé j’ai vu un gros lapin qui m’a sourit. C’était une aventure de Lapinot de Lewis Trondheim. J’ai lu la première page qui m’a fait mourir de rire et j’ai donné 60 francs à la caissière. Mais le bouquin venait de chez Dargaud. C’est quand j’ai voulu lire les autres livres de cet auteur (Trondheim) dont la liste étaient imprimée à la fin de l’album, et après avoir changé de librairie, que je suis tombé sur les livres de L’Asso.
Quel a été l’impact de cette découverte ?
Ça s’est fait naturellement, je n’avais pas de point de comparaison car je lisais très peu de bd. Petit à petit et sans chercher, j’ai découvert des auteurs comme Jochen Gerner, Baudoin ou David B, puis de nouveaux éditeurs aussi, dans les bacs voisins : Cornelius, Fremok ou les Requins Marteaux.
Les livres de l’Association ont-ils influencé votre style graphique ? votre façon de raconter les choses ? votre approche de la bande dessinée en général ?
Ils m’ont appris qu’il n’y avait pas de limites, que ce soit dans le graphisme, dans l’histoire et surtout dans la démarche. Un livre comme La Guerre d’Alan d’Emmanuel Guibert par exemple m’a forcément aidé à me lancer dans un projet comme celui que je mène dans Lapin. Cette histoire est le portrait de Jeanine, une prostituée de 65 ans qui habitait à 2 pas de chez moi quand je vivais à Strasbourg. Au début, imaginer faire un livre sur quelqu’un me semblait casse gueule et beaucoup trop ambitieux, surtout pour un premier projet. Mais la rencontre fortuite avec Jeanine avait eu lieu, c’était maintenant ou jamais. Le fait que d’autres aient fait ce type de démarche avant moi m’a sans doute aidé à me jeter à l’eau.
Comment en êtes-vous venu à publier dans Lapin : ce sont eux qui ont pris contact avec vous, vous leur aviez d’abord envoyés des planches ?
Je leur ai d’abord fait lire ma bd sur le match de foot mais ce fut un échec cuisant. J’ai mis deux mois avant de me remettre à écrire. Par la suite j’ai eu plus de chance car je n’ai pas eu à « démarcher ». Mon livre sur Jeanine était un de mes projets de diplôme aux Arts décoratifs de Strasbourg et Jean Christophe Menu faisait partie de mon jury. Un an plus tard je le recroise à Paris et il me demande si ça me plairait de reprendre cette histoire en feuilleton dans la revue Lapin qu’il avait décidé de relancer avec de jeunes auteurs.
Que signifie pour vous de publier dans cette revue ?
Elle est une motivation supplémentaire, la parution trimestrielle de Lapin m’a forcé à aboutir à cette histoire, ça m’a donné un rythme et du recul sur chaque chapitre. Sans ça je suis sûr que l’avancement aurait été bien plus laborieux. Ensuite, je pense simplement que Lapin possède les même propriétés qu’un fanzine, c’est avant tout un laboratoire, un support de diffusion pour les auteurs et un objet de curiosité pour les lecteurs. J’ai déjà publié dans le fanzine Ecarquillettes, le principe est le même sauf que Lapin est plus gros, plus régulier, et plus connu.
Que représente l’Association pour vous aujourd’hui ?
Un bon repas avec des Côtelettes à la Ciboulette, une salade de Mimolette & du bon vin en Eprouvette.
Quel est votre album préféré à l’Association ?
Je ne les ai pas tous lus, mais mes deux dernières claques sont : Coney Island Baby de Nine Antico et la Chronographie de Dominique Goblet et Nikita Fossoul (que des filles).
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