Directeur artistique et de la Musique de France Inter, Didier Varrod revient sur le triomphe de Daft Punk et sur la fronde contre les quotas radio.
Le sacre de Daft Punk aux Grammy : cinq trophées pour un groupe français, dont celui du meilleur album, c’est une première ?
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Didier Varrod -Les images du concert sont impressionnantes, avec Pharrell Williams, Nile Rodgers et Stevie Wonder, mais ce qui m’a le plus marqué, le plus étonnant, c’est la montée des marches jusqu’à la scène, avec ces costumes blancs. C’est tellement classe, tellement chic, et tellement surréaliste en même temps. Je crois que les Daft Punk ont pris ce qu’il y avait de mieux dans la mondialisation de la musique et en ont fait un truc à eux. Aujourd’hui, le standard du son c’est le MP3, et eux ils ont fait, en 2013, l’album qui y répond le moins. Ils ont enregistré leur album avec les musiciens cultes de la musique de danse des années 70, et ça donne tout de suite envie de réécouter du vinyle.
Quand on voit Jay-Z, Beyoncé et Paul McCartney se déchaîner devant un Get Lucky sur lequel Stevie Wonder est venu en renfort, c’est lunaire…
C’est le triomphe à la française (rires). Quand on gagne la Coupe du monde de foot, c’est 3-0 devant le Brésil. Là c’est pareil : on fait danser les anciens Beatles et les rois et reines du hip-hop et du r’n’b. Peut-être qu’après cette performance, le chômage va baisser en France (rires)… Plus sérieusement, le succès des Daft devant la pop mondialisée est une réponse cinglante aux ministres de la Culture de droite comme de gauche qui continuent à penser que l’export culturel ne passe que par le cinéma, ultra-aidé, alors que la musique, ultradélaissée, y produit plus de richesses. A méditer…
Et le fait que les Daft boudent les Victoires de la musique ?
C’est pas cool. Après, on peut s’interroger sur les raisons, peut-être que le show n’est pas à la hauteur de celui des Grammy. Mais les Victoires de la Musique, ça reste le choix des « professionnels de la profession », comme disait Godard, et je trouve ça important… Après oui, on peut revoir certaines catégories, et la sélection, j’en conviens…
Depuis quelques semaines, et sur la pression des radios privées, on évoque une volonté du CSA de changer la loi sur les quotas de chansons françaises à la radio.
Cette loi date de 1986. Il est nécessaire de s’interroger sur des changements possibles. Alors les radios privées (une vingtaine d’entre elles, dites musicales, ont publié un communiqué – ndlr) disent : « Laissez-nous travailler, on n’est plus dans un régime soviétique. » En gros, l’idée c’est de dire que la créativité du marché français n’est plus ce qu’elle était et que les artistes qui marchent chantent en anglais. Ces arguments sont intolérables et tombent très mal. Surtout au moment où la scène française est portée par un artiste francophone tel que Stromae. A l’inverse, ces radios ne jouent pas Fauve . qui remplit pourtant une vingtaine de Bataclan. Une paire de claque magistrale à leur politique : si elles s’intéressaient à « ce qui marche », elles passeraient leurs titres. Et puis, si on regarde le Top 20 des ventes de 2013, on trouve dix-sept albums en français, et des albums que ces radios jouent – Maître Gims, Tal, M Pokora, etc. – et ce, plusieurs fois par jour… Ces radios devraient se rendre compte que la musique qu’elles jouent se vend bien.
Cette politique de quotas n’est-elle pas trop contraignante ?
Ce qui est terrible, c’est de parler de « protectionnisme » en évoquant cette loi. Alors qu’il s’agit simplement de parler de « particularisme culturel » et de se rendre compte que c’est fondamental pour la diversité culturelle. Sans cette politique de quota, qu’on peut certes aménager, pas sûr que des artistes comme Florent Marchet ou La Femme puissent émerger.
Les émissions de Barbara Carlotti et de Laura Leishman, qui sont arrivées à la rentrée sur France Inter, on imagine que c’est une satisfaction pour vous…
Oui, Laura Leishman prouve qu’il existe encore des stars de la radio. Son émission est très pointue, et en même temps c’est un véritable show, elle est incroyable. Mon autre satisfaction, c’est Carlotti évidemment. J’avais toujours rêvé d’une émission sur la musique par des musiciens. En Angleterre, ça existe depuis longtemps. Je crois que Carlotti a réussi à rapatrier d’anciens auditeurs de Bernard Lenoir. L’autre bonne surprise, ce sont les émissions de Bertrand Burgalat lors des dernières vacances d’hiver : quand il vous explique ce que c’est une réverb ou un delay, il met des images dessus, c’est incroyable…
Vos disques pour 2014 ?
Metronomy qui passe encore un palier, Breton qui propose un disque beaucoup plus construit que son précédent, avec un chanteur incroyable. Je pense aussi au disque du Brésilien Rodrigo Amarante, splendeur de folk minimaliste. J’adore le disque de Florent Marchet, celui de Fránçois And The Atlas Mountains aussi. Je pense que Christine And The Queens peut être la Stromae de 2014. Une petite Française qui rappelle Jackson, un peu intello, et qui questionne le genre, ça peut cartonner. En français, je citerais aussi Perez, plus radical que Lescop, et enfin Moodoïd et toutes les prods du label Entreprise.
{"type":"Banniere-Basse"}