D’après l’équivalent anglais de l’Insee, le nombre d’adolescents va décroître dans les années à venir. Rock, cinéma et littérature peuvent s’inquiéter.
Lorsqu’il sera devenu une espèce disparue, on pourra toujours s’interroger sur la naissance de l’adolescent : est-ce Elvis et le rock’n’roll qui lui ont donné ses premières lettres de noblesse tapageuse ? Est-ce Salinger ou les auteurs anglais de la génération « angry young men » qui ont rédigé son code de mauvaise conduite, sa charte rebelle ? Est-ce le cinéma, James Dean ou Marlon Brando, qui l’ont habillé à vie, lui ont donné ses tics, sa morgue, son arrogante insouciance ?
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Le teenager, officiellement né dans les années 40, aux Etats-Unis, est passé dans le domaine public dans les années 50, s’imposant comme une réaction à la grisaille de l’après-guerre, à une vie où l’on passait de l’enfance à l’âge adulte sans palier de décompression. Là, soudain, l’adolescence cessait d’être ce corridor étroit où il fallait passer, faute de mieux, avant de rentrer trop jeune dans le monde du travail.
Eternelle source d’inspiration
Avant de se transformer en marché juteux, l’adolescence devenait alors un mode de vie. Ce n’était plus l’enfant roi, mais l’ado roi, fruit du baby-boom, cible de toutes les convoitises et fantasmes. Avec ses propres codes vestimentaires, linguistiques et culturels, le teenager est ainsi depuis plus de cinquante ans un objet de fascination autant que de répulsion pour les médias (et les parents).
Il est aussi une source constante d’inspiration, voire de détournement de mineurs, pour les publicistes, la mode, le cinéma ou la littérature… Du jazz au rock’n’roll, du glam-rock au punk-rock, de la techno au hip-hop, de l’electro au dubstep, l’adolescent a inventé, rien que pour emmerder ses parents, ses propres sons, ses rituels… : une façon de fermer sa chambre à clé.
5% d’adolescents en moins chaque année
Mais il devient une espèce menacée. C’est ce qu’affirme l’équivalent anglais de l’Insee, dans un rapport établissant que le nombre d’adolescents va décroître de 5% chaque année sur cinq ans. On ne voit pas pourquoi les chiffres seraient différents en France : cette dégringolade est la conséquence logique de la baisse de la natalité de la fin des années 70.
Ce cercle sans fin inquiète déjà, à Londres, les marchés : depuis presque soixante ans, consumérisme et adolescence ont été un petit couple parfait et solide. Mais c’est surtout la musique qui devrait s’en inquiéter : du Smells Like Teen Spirit de Nirvana au Teenage Kicks des Undertones, du Teenage Love de Slick Rick au My Generation des Who, l’adolescence, avec son mélange infernal de confusion et d’exaltation, a été le terrain le plus fertile pour les mauvaises herbes. Vous imaginez, aujourd’hui, un iTunes où la recherche du mot « teenage » ne proposerait plus la moindre chanson, plus le moindre nom de groupe ?
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