En marge d’une manifestation de l’opposition, un coopérant militaire français qui ne souhaite pas être pris en photo menace un reporter togolais. La scène a été filmée et mise en ligne par le journal La Liberté auquel collabore le reporter, qui a accepté de répondre aux questions des Inrocks.
Un officier de l’armée française qui s’en prend à un reporter photographe togolais, voilà une image qui fleure bon la Françafrique.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Dans une vidéo mise en ligne mercredi sur Youtube, on découvre un officier français qui se présente comme le « conseiller spécial du chef d’Etat-major de l’armée de terre » togolaise menacer un reporter qui venait de le prendre en photo. Komi Agbedivlo, journaliste pour le quotidien Liberté, plus connu sous le nom de Didier Ledoux, était à ce moment en reportage à Lomé, la capitale, pour couvrir le congrès du parti d’opposition UFC, comme il l’explique aux Inrocks:
«J’étais sur le lieu de la manifestation quand j’ai vu cet officier français faire de grands gestes aux forces de l’ordre, j’ai décidé de le prendre en photo comme j’aurais pris tout les mouvements qui auraient pu sembler particulier» raconte Didier Ledoux aux Inrocks.
Le journaliste, identifiable par son gilet de presse délivré à toutes les rédactions du pays par le bureau des Nations unies du Togo, se fait agresser verbalement par le militaire français qui le somme d’effacer les photos de lui qu’il vient de prendre.
« Je m’en fous que tu sois de la presse. Tu enlèves ta photo sinon c’est moi qui le pend. […] Tu veux qu’on te donne un coup sur l’appareil? Moi on ne me prend pas en photo comme ça », peste l’officier.
« Moi je couvrais l’événement » lui répond simplement Didier Ledoux. Le militaire français presse alors les soldats togolais qui l’entourent d’embarquer le journaliste avant de menacer:
« Tu le mets en taule, si… Tu sais qui je suis? Je suis le conseiller du chef d’Etat major de l’armée de terre. Est-ce que tu veux que j’appelle le RCGP pour foutre un peu d’ordre là-dedans? »
Le journaliste raconte par ailleurs que les forces togolaises l’ont «bousculé». Didier Ledoux évoque mercredi sa « frustration » à l’idée d’avoir vu « un officier français se comporter exactement comme les forces togolaises avec les journalistes au quotidien ».
Dans son édition d’aujourd’hui, la rédaction de la Liberté dénonce les « intimidations » et les « menaces » de l’officier français:
« Que vient chercher un conseiller spécial du chef d’Etat major de l’armée de terre à une manifestation publique dont la sécurité est en principe assurée par la Police et la Gendarmerie? Pourquoi donnait-il des ordres comme le montrent les images? Autant de questions que tous les témoins de la furie de l’officier blanc se sont posées. »
Contacté par Les Inrocks, Zeus Aziadouvo, le directeur de la publication du quotidien, se désole de cette situation:
« Il n’y a pas grand chose à faire à part encaisser le coup. Nous n’attendons aucun soutien. Les autorités togolaises vont se ranger derrière l’ambassade de France et attendre que ça se tasse. »
M. Aziadouvo a indiqué que son quotidien avait envoyé une lettre à l’ambassade de France. Toutefois, il ne se fait pas d’illusion et ne pense pas recevoir de véritable réponse:
« Ici, les diplomates se comportent comme les autorités du pays. Ils ne bougent pas, ils ne disent rien. Leur communication est opaque. »
L’ambassade de France s’est malgré tout fendue d’un communiqué mardi :
« Le véhicule d’un Officier français, membre de la mission de coopération militaire, qui se trouvait fortuitement aux abords d’un rassemblement, a fait aujourd’hui l’objet de jets de pierres. Après avoir signalé les faits au détachement de Gendarmerie qui se trouvait à proximité, l’Officier n’a pas souhaité qu’un photographe fasse une prise de vues », explique l’ambassade.
De son côté le Ministère de la défense a tenu à se désolidariser de l’officier tout en rappelant son attachement à la liberté de la presse:
« Nous ne nous reconnaissons absolument pas dans les propos tenus par ce militaire. Nous condamnons son comportement ».
Le Ministère a également précisé que l’homme en question était un coopérant militaire mis à disposition de l’administration togolaise par le Quai d’Orsay.
Quant à Didier Ledoux, il évoque mercredi son intention de rencontrer l’officier français pour « enterrer la hache de guerre ». Car si le journaliste se dit « frustré » par ce qui lui est arrivé, il ne souhaite pas en faire une histoire qui pourrait « ternir l’image de (sa) chère patrie ».
Mise à jour le 12 août 2010 : le site du Nouvel Observateur rapporte aujourd’hui une information selon laquelle l’officier français a présenté hier mercredi ses excuses au journaliste togolais. Le coopérant Romuald Létondot, lieutenant-colonel de l’armée française, a rencontré Didier Ledoux dans les locaux de l’ambassade de France à Lomé. Cette information a été confirmée par le Quai d’Orsay.
{"type":"Banniere-Basse"}