Le grand roman politique de la rentrée qui, outre la pertinence de son propos, porte une haute ambition littéraire.
Pascal Montville, secrétaire d’Etat, est séquestré par les salariés d’un abattoir placé en liquidation judiciaire. Médias et CRS se pressent sur place, s’agglutinent autour de la citadelle, envisagent l’assaut. A l’intérieur, l’usine devient un microcosme, huis clos où grondent les voix des laissés-pour-compte.
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De voix, il s’agit d’abord ici de celles des différents protagonistes empêtrés dans cette aventure, chaque chapitre offrant le point de vue d’une telle ou d’un tel sur l’événement. Et puis, il y a un autre régime de voix, signifié dans le texte par une police de caractère légèrement plus petite.
La psyché refoulée du narrateur absent
La petite voix qui se glisse entre les lignes du monologue de Céline Aberkane, conseillère de Montville, ancienne syndiquée prise en étau entre ses convictions politiques et son rôle de représentante de l’Etat. Celle qu’entend le secrétaire d’Etat dans ses cauchemars qu’il décrit tandis qu’il est séquestré, par le biais de son téléphone mis sur haut-parleur, à son psy. C’est la voix d’un fou qui veut sa peau.
Les grévistes écoutent-ils ? On n’arrive pas bien à l’identifier cette voix-là, elle est comme l’inconscient du roman, la psyché refoulée du narrateur absent. On a pourtant l’impression qu’elle est la clef de l’intrigue, le point aveugle où ça se joue, le théâtre des opérations.
Un travail passionnant sur la polyphonie, la disparition du narrateur
Des châteaux qui brûlent est un récit politique haletant, terrible, implacable, qui en dit long sur la France de Macron, mais aussi celle de demain. Un livre qui bouscule, dérange : le lecteur ne cesse de balancer entre crainte et espoir que le pire arrive à l’otage-ministre, l’insurrection restant, malgré son issue a priori funeste, un horizon désirable.
Arno Bertina poursuit également ici ce travail passionnant, entamé dans ses romans précédents, sur la polyphonie, la disparition du narrateur. Il démontre ainsi, au-delà de l’acuité de son regard sur le mal-être de la classe ouvrière, sa capacité à élargir encore un peu plus le champ de la littérature. Et nous fait encore croire en de beaux lendemains.
Des châteaux qui brûlent d’Arno Bertina (Verticales), 424 pages, 21,50 €
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