Nés à Portland en 2001, les Rock Camps for Girls, sortes de colonies de vacances centrées sur le rock, invitent les jeunes filles à occuper le devant de la scène. A Montréal, l’un de ces camps vient de terminer sa deuxième édition. Nous y étions.
Lèvres rouge sang, yeux soulignés de noir, cheveux blonds dégringolant sur ses épaules, Niki, 15 ans, se prépare à entrer sur scène. Deux baguettes dans une main, la batteuse exhibe fièrement les tatouages peints sur ses bras : des os blancs, en clin d’œil au nom de son groupe, les Velvet Bones.
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Avec une trentaine d’autres adolescentes, Niki vient de passer cinq jours au Rock Camp For Girls de Montréal. Cinq jours consacrés à la composition d’une chanson et à la préparation d’un concert dans une vraie salle. “C’est énorme”, dit-elle, alors qu’elle s’apprête à jouer là où Arcade Fire rôdait Neon Bible trois ans plus tôt.
“Je ne voyais jamais de filles dans la scène punk underground”
À Portland, Oregon, le premier Rock Camp for Girls avait suscité curiosité et admiration à sa naissance, en 2001. Soutenu par Gossip, les Beastie Boys ou Death Cab for Cutie, il a inspiré d’autres camps aux États-Unis et un documentaire, Girls Rock !, qui a, à son tour, inspiré les créatrices du Rock Camp for Girls de Montréal, né l’an dernier.
“Je me suis vraiment reconnue dans ces filles, raconte l’une des organisatrices de Rock Camp for Girls Montréal, Jennifer Duffin. Moi aussi, j’achetais mes premiers disques à six ans. J’ai grandi en écoutant Cyndi Lauper ou Madonna avant de fréquenter la scène punk underground, où je ne voyais jamais de fille sur scène.”
Un environnement interdit aux garçons
La mission des Rock Camps for Girls est simple : encourager les filles à faire ce qu’elles font moins que les garçons, du rock, ou, à défaut, du bruit. Le tout dans un environnement interdit aux garçons.
“C’est important que les filles fassent de la musique, qu’elles prennent confiance en elles grâce à ça. Il y a de plus en plus de filles dans les groupes, et tant mieux. Pour moi la musique a été essentielle dans mon adolescence : cela m’a aidée à dépasser le racisme, le sexisme et l’homophobie de mon lycée”, explique la musicienne Aidan Jeffery, coordinatrice du Rock Camp montréalais.
De nouveaux Rock Camps for Girls apparaissent régulièrement en Amérique du Nord, mais aussi à travers le monde : l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou encore la Suède ont suivi la tendance. Un succès qui doit beaucoup à la nouveauté de la formule, selon Jennifer Duffin : “Beaucoup de parents et de bénévoles auraient aimé avoir ça dans leur jeunesse.”
Âgées de 9 à 17 ans, les trente recrues du Rock Camp for Girls de Montréal ne sont pas toutes des musiciennes nées. Certaines revendiquent des goûts très sûrs (“Moi, j’aime les trucs punk avec une fille qui chante, comme les Bikini Kill”, clame l’une d’entre elles), d’autres restent dans des eaux plus commerciales et confessent un penchant pour Carrie Underwood, Nickelback, ou l’incontournable Lady Gaga. “Bien sûr, ici, on fait la promotion d’un genre plus underground. Mais si elles écoutent Britney, c’est cool aussi”, assure Jennifer Duffin.
Toutes les suggestions sont accueillies d’enthousiastes “Awesome !”
Deux jours après le début du camp, entourées de leur coach et de leur manager, Fiona, Leonora, Skye, 12 ans, et Michelle et Nikki, 13 ans, composent la chanson qu’elles interpréteront pour le concert final. Le processus de création est collectif : la mine concentrée, les filles donnent leur avis sur la tournure générale que prend leur chanson.
“T’as des idées pour la basse ?”, demande le coach du groupe, Brescia Reid, 23 ans, à Leonora. “Non, mais j’y réfléchis”, assure la jeune fille, qui, entre deux improvisations, répète le célèbre riff de Seven Nation Army, des White Stripes. Tout sourire, Brescia encourage les filles. “Just experiment”, conseille-t-elle. Leurs suggestions sont accueillies d’enthousiastes “Awesome !” (“génial !”).
Être en groupe, Fiona, 12 ans, adore ça. “Je joue de la guitare mais l’été, je suis seule et ça devient nul. Ici, on a plein d’idées ensemble, on a plein d’instruments. Seule, écrire prend plus de temps”, juge celle qui, pour son deuxième Rock Camp for Girls, découvre le clavier.
Certaines filles développent carrément une attitude de rock star
Les filles sont invitées à dire tout haut ce qu’elles pensent tout bas. Sous l’admiration des adolescentes, Brescia raconte : “De 14 à 18 ans, j’étais dans un groupe, The Riot. J’étais très en colère, j’en voulais à la Terre entière, mais la musique m’a aidée à me libérer.” Aujourd’hui, elle se produit à Toronto, sous le nom de Brescia Birdthroat Bloodbeard.
Si le Rock Camp accomplit un petit miracle, ce n’est pas tant de transformer des adolescentes en mini Joan Jett que de les voir se muer en bêtes de scène. Certaines filles développent carrément une attitude de rock star. Pendant le concert, Mailys et ses copines des Glass Eyed Devils chantent à plein poumon, dans un mélange d’anglais et de français très montréalais, “C’est la meilleure semaine de ma vie !” Un enthousiasme non feint, qui laisse présager des lendemains qui chantent pour les Rock Camps for Girls.
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