Le meilleur des nouveaux jeux en téléchargement, une biographie d’Eric Chahi et la révolte des indés contre l’éditeur de Candy Crush Saga : l’actualité vidéoludique de la semaine par Erwan Higuinen.
Plateforme : Max : The Curse of Brotherhood vs Knytt Underground
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Qu’est-ce qui fait la valeur d’un jeu ? Son gameplay, bien sûr, mais comme les frontières du concept sont aussi floues que celles du concept de mise en scène au cinéma, on n’est pas beaucoup plus avancés. Max : The Curse of Brotherhood du studio danois Press Play (sur Xbox One, 14,99€) apporte un élément de réponse : un style graphique choupinet (cf vidéo) plus une idée ludique originale, mais ça ne suffit pas. Ladite idée consiste à nous offrir, en plus d’un personnage à déplacer, un stylo permettant d’intervenir sur les décors (pour créer des piliers, des branches…), quelque part entre Okami et LostWinds (oui, d’accord, l’originalité…). D’où une suite d’énigmes environnementales à résoudre pour ouvrir la voie à notre héros tête-à-claque (OK, certes, la choupinettude…) qui se révèlent vite fastidieuses, répétitives, sans intérêt particulier. Max est un jeu de décorateur et d’inventeur de concept, pas de game designer. Le gameplay, c’est peut-être au fond ce qui fait qu’un jeu vaut plus que la somme de ses parties – plutôt que moins. Au rayon plateforme indé, on conseillera plutôt Knytt Underground de l’intriguant Suédois Nifflas, récemment porté sur Wii U (Ripstone, 8,99€) après des sorties sur PC, Mac, PS3 et Vita. Plus dépouillé, moins mécanique, le jeu fait confiance au joueur invité à se perdre et se retrouver, puis se reperdre, dans un réseau de cavernes où des lueurs surréelles viennent sans prévenir trouer l’obscurité. C’est très beau.
Sport : OlliOlli, oh oui oh oui !
Se méfier des apparences. En jeu vidéo, elles ne sont pas très souvent trompeuses, mais parfois un peu quand même. OlliOlli (sur Vita, Roll7, 9,99€) en est une nouvelle preuve, lui qui n’a pas l’air de grand-chose à première vue sinon d’un de ces jeux iPhone vite achetés, essayés, oubliés. Mais s’il prend en compte les nouvelles tendances du jeu mobile (son interface tactile, pixel art…), c’est façon cheval de Troie, pour embarquer son intraitable approche arcade. Quelque part entre Canabalt, Excitebike et Tony Hawk’s – notre héros cartoon est un fier skateur –, OlliOlli encourage la persévérance, le perfectionnisme. On peut faire mieux, c’est sûr : effectuer des figures plus spectaculaire, mieux réussir notre atterrissage après ce saut… Se montrer plus précis, plus inventif, plus audacieux. Et – qui sait ? – peut-être atteindre ce mythique flow state, cette ivresse paradoxale, quitter momentanément notre corps pour ne faire qu’un avec ce jeu qui n’a l’air de rien, ce petit jeu délicieux.
Arty : flOw + Flower = <3
La sortie de la PlayStation 4 assortie d’un maigre catalogue de jeux exclusifs a eu quelques retombées heureuses, à commencer par la décision de Sony d’adapter sans tarder une poignée de tubes indie dématérialisés de la génération précédentes. C’est ainsi que deux perles conçues par Jenova Chen et ses complices du studio thatgamecompany avant leur chef-d’œuvre Journey, le subaquatique flOw (4,99€) et le pastoral Flower (7,99€) ont refait surface, bénéficiant même tous deux d’un portage sur PS Vita. Si flOw vaut le détour avec ses créatures phosphorescentes qui virevoltent devant nos yeux incrédules, le véritable bijou s’appelle Flower dont les principaux ingrédients sont le souffle du vent, les pétales qu’il fait voler, les fleurs qui ne demandent qu’à éclore. Mais aussi l’ombre, la ville grise – tout, ici, n’est pas sereinement bucolique. Expérience envoûtante, Flower est aussi une merveille de game design épuré, ou comment faire (ressentir, penser…) plus avec moins. Qui, pour ne rien gâcher, se donne en métaphore ouverte et prête à accueillir bien des choses. Ce que nous, on y a glissé en douce ? C’est bien trop intime pour l’évoquer ici.
http://www.youtube.com/watch?v=nJam5Auwj1E
RPG : Unepic > Blackguards
Le jeu de rôle est un genre multiple, qui part dans à peu près toute les directions possibles (la fantaisie cinématique, l’action compulsive, la gestion fine, la stratégie évolutive…). Loin des ténors du rôle playing game, deux de ses représentants disponibles en téléchargement le montrent une fois de plus. Adaptation sur Wii U d’un jeu indé catalan paru en 2011 sur PC, Unepic (EnjoyUp Games, 9,99€) est le plus étonnant. Il commence par propulser un adepte de jeu de rôle « papier » dans un RPG informatique (avec une forte composante action qui rappelle Castlevania) et son charme naît de ce regard oblique qui porte sur le genre, celui d’un amoureux non dupe mais amoureux quand même (des univers, des artifices narratifs, des systèmes de jeu…). D’autant que ludiquement, Unepic ne triche pas – mais, attention, il ne prend pas non plus le joueur par la main. On ne peut pas en dire autant de Blackguards (PC et Mac, 39,99€), première incursion dans le jeu de rôle des Allemands de Daedalic. Ici, c’est plutôt parcours fléché, premier degré obligatoire et priorité aux combats tactiques. Un peu lent (à démarrer, surtout), souvent fastidieux, Blackguards a du tout du coup d’essai prudent de non-spécialistes du genre là où, ses auteurs venant du jeu d’aventure, on rêvait d’une hybridation osée. Dommage.
Rétro : Super Mario Bros : The Lost Levels vs Boulder Dash XL 3D
« Trop facile ! » A la sortie de certains Mario récents (New Super Mario Bros 2 sur 3DS, au hasard), certains ont trouvé que l’affaire manquait sérieusement de piquant. On ne saurait trop leur conseiller de se mesurer à Super Mario Bros : The Lost Levels (1986), la vraie suite du premier Super Mario Bros (à ne pas confondre avec le Super Mario Bros 2 occidental, relookage – épatant – d’un autre jeu) qui vient d’arriver dans la boutique en ligne de la Wii U (Nintendo, 4,99€). Car ces « niveaux perdus » ne sont pas seulement difficiles : ils sont méchants, pervers, haineux, sadique. C’est la face noire de Mario, le retour (momentané) du refoulé chez l’angélique Shigeru Miyamoto – et, accessoirement, l’ancêtre des platformers hardcore d’aujourd’hui, de Super Meat Boy à Electronic Super Joy. Une expérience limite, à tenter au moins une fois dans sa vie, quitte à pester, pleurer, appeler sa maman. Autre perle rétro, Boulder Dash XL 3D (Ludosity / Reef Entertainement) est disponible sur 3DS depuis plusieurs mois mais bénéficie d’une promotion temporaire (2,99€ au lieu de 8,99€ jusqu’au 30 janvier) qui rend son acquisition quasi indispensable, d’autant qu’il propose à la fois le jeu pionnier de 1983 et sa (sympathique) relecture trente ans plus tard. Et alors, c’était mieux avant ? (Un indice s’affiche sur votre écran : oui.)
Livre : Eric Chahi, parcours d’un créateur de jeux vidéo français de Daniel Ichbiah
Dans la grande histoire du jeu vidéo, Eric Chahi, 46 ans aujourd’hui, apparaît d’abord comme l’auteur d’un jeu majeur – et extrêmement influent – du début des années 1990 : Another World. Mais il est aussi l’homme derrière Heart of Darkness ou, plus récemment, From Dust, un ancien collaborateur de Paul Cuisset sur Les Voyageurs du temps, un game designer ayant œuvré sur les micro-ordinateurs des années 1980… Ce sont toutes ces « petites » histoires que racontent l’ouvrage consacré à Chahi par Daniel Ichbiah, l’auteur de La Saga des jeux vidéo, et publié aux éditions Pix’n Love (208 pages, 20€) qui est au moins autant un livre avec Eric Chahi (dont les propos figurent à toutes les pages) que sur lui. L’option d’Ichbiah est celle d’un voyage en compagnie de l’auteur d’Another World à travers trois décennies de jeu vidéo. Un coup d’œil dans le rétro (ses jeunes années), un autre sur les côtés (ses influences, le contexte historique), un regard sur ses processus de création : le parti pris tient ses promesses.
Gratuit : Fight for your right (to candy)
Ce fut le « scandale » de la semaine dans le monde vidéoludique : la volonté de la société britannique King, éditrice du très populaire (et très profitable) Candy Crush Saga de s’approprier le mot « candy » (« bonbon « ) en le transformant en marque déposée. Une demande approuvée par les autorités américaines compétentes et qui lui permet déjà de faire pression sur d’autres éditeurs dont les jeux ont le malheur de contenir aussi « candy ». Le but affiché de King : protéger sa « propriété intellectuelle », ce qui laisse rêveur quand on voit les « emprunts » que Candy Crush fait à d’autres jeux, à commencer par Bejeweled. Face à cette manœuvre, le sang de quelques figures clés de la scène vidéoludique indépendante n’a fait qu’un tour, débouchant sur le lancement de la Candy Jam, concours de création de jeux avec « candy » dans leur titre. Les premiers jeux sont d’ores et déjà disponibles en ligne. Coup de sifflet final le 3 février.
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