Notre critique ciné Léo Soésanto est au festival Sundance, dans l’Utah, haut lieu du cinéma indépendant. Jour après jour, il chronique les films présentés.
Cette amusante vidéo se fiche de la gueule des clichés du film de type Sundance : moyen de confirmer tout le bien que l’on pense d’un des meilleurs films vus là-bas, Listen Up Philip d’Alex Ross Perry. C’est garanti sans Michael Cera, de plans d’enfants au ralenti ou de camionnettes au fond du Texas. Bon, il y a des gros plans, oui, mais nécessaires. Perry s’était fait remarquer avec son précédent et second film The Color Wheel, comédie en noir et blanc sarcastique sur un frère (Perry soi-même) et une sœur désaxés, qu’on avait à la fois envie de gifler et d’aimer (plutôt bon signe pour un film).
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Upgrade ici avec des stars (Jason Schwartzman, Jonathan Pryce et Elisabeth Moss de Mad Men), mais toujours la même économie (filmage en 16 mm, cette fois en couleur) et antipathie érigée en source comique chez le personnage principal. Ecrivain new-yorkais plus que prometteur, le dit Philip déverse sa bile sur tout son entourage dès les dix premières minutes – le début des ennuis pour sa carrière et son couple formé avec Moss.
Le meilleur rôle de Schwartzman depuis des lustres
En Philip, Schwartzman trouve peut-être son meilleur rôle depuis des lustres, combinant le carriérisme méprisant de son personnage d’acteur dans Funny People et la lose cosmique-neurasthénique qui le drapait dans la série Bored to Death. L’arrière-plan littéraire n’est pas un gadget ici : Perry louche clairement sur Philip Roth, dans le recyclage de la même typo utilisée sur la couverture de ses romans dans les années 60, et surtout le personnage de Pryce (en grâce après une enfilade de rôles pas très intéressants), autre écrivain mentor en misanthropie pour Schwartzman.
Comment l’art vous pourrit la vie et celle de vos proches, c’est la leçon de Listen Up Philip. Amusant comme la littérature ici, au lieu d’ouvrir, vous met dans une boîte – que ce soit la voix off ici qui narre, paraphrase, appuie la vie de Philip comme s’il était un être de papier ou le recours constant au gros plan. On ne s’en plaindra pas trop vu comment ils magnifient le visage de Miss Moss, petite amie indécise, en page à décrypter. Mais tout cela est menée avec la même énergie butée que son protagoniste, élevant Listen Up Philip au-delà son étiquette über-new-yorkaise sous influence. C’est drôle comme regarder quelqu’un se faire gifler dix, cent fois d’affilée (oui, oui).
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