Quand on pense à Niki de Saint Phalle, on pense tout de suite à ses Nanas, dont les formes généreuses, la taille impressionnante et les couleurs vives expriment la joie de vivre. Mais l’artiste franco-américaine n’a pas sculpté que des femmes euphoriques, et la nouvelle expo qui lui est dédiée à la galerie Vallois, à […]
L’expo consacrée à Niki de Saint Phalle, la célèbre créatrice des Nanas, est centrée autour de la thématique du corps féminin. Une œuvre puissamment féministe à aller contempler au plus vite.
Quand on pense à Niki de Saint Phalle, on pense tout de suite à ses Nanas, dont les formes généreuses, la taille impressionnante et les couleurs vives expriment la joie de vivre. Mais l’artiste franco-américaine n’a pas sculpté que des femmes euphoriques, et la nouvelle expo qui lui est dédiée à la galerie Vallois, à Paris, est là pour nous le rappeler. A travers une sélection d’une vingtaine d’œuvres emblématiques des années 60 et 70, la galerie retrace son parcours dans la représentation de la féminité, tantôt sensuelle, joyeuse, puissante, monstrueuse, étonnante et mélancolique.
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Car chez Niki de Saint Phalle, LA femme n’existe tout simplement pas:“Grandes et musclées, empâtées et poilues, vieilles et fragiles, mégères immondes, mariées sylphides, femmes-pot, femmes ventres écorchées vives, géantes légères dansantes et tourbillonnantes, matrones blanches, matrones noires, Niki a tourné le dos au beau idéal pour peindre et sculpter tous les types de femmes possibles et impossibles, toutes sortes de morphologies féminines hors-normes, dérangeantes, attestant que le beau est toujours bizarre”, lit-on dans le communiqué de presse.
Parce que l’artiste a pulvérisé toutes les valeurs conservatrices de son temps
Ses désirs d’émancipation n’ont jamais très bien collé avec les rôles ancestraux assignés aux femmes. Avant la série des Nanas qui rendent célèbre Niki de Saint Phalle dès les années 60, elle représente des mariées éplorées, fantomatiques, où elle incruste de petites poupées, des crânes, des fleurs en plastique recueillies dans des cimetières, des jouets d’enfants, le tout recouvert de plâtre blanc. Bref, pas exactement la vision romantique qu’une jeune femme pourrait se faire du mariage et de la maternité.
Il faut dire que Niki de Saint Phalle n’a cessé de déconstruire les clichés conservateurs à l’encontre des femmes, et qu’elle-même, si elle a été mariée une fois à l’âge de 18 ans, n’a utilisé l’institution du mariage que pour fuir le domicile familial, avant de mener une vie amoureuse débridée. L’artiste tenait à sa liberté, dans son art comme dans ses amours.
Parce qu’elle avait un sens de l’humour unique
La souffrance et la colère qu’elle exprime parfois dans son art ne compromettent pas son humour. Comme les femmes qu’elle sculpte n’ont pas besoin d’être jolies, elle s’amuse avec les codes de la beauté. Deux ans après la mort de Marilyn Monroe, elle donne sa version de la star sous les traits d’une femme difforme et franchement laide. Elle ironise aussi sur son obsession pour la création – une qualité typiquement féminine dont “les mecs sont tellement jaloux!”: “La seule possibilité que j’aurais de ne pas être artiste, c’est d’être enceinte tous les neufs mois! Parce que je suis tellement obsédée par la création, que ce serait la seule chose qui pourrait me satisfaire.”
Parce que l’engagement féministe de Niki de Saint Phalle était total
“Nous avons bien le Black Power, alors pourquoi pas le Nana Power ? Le communisme et le capitalisme ont échoué. Je pense que le temps est venu d’une nouvelle société matriarcale”, avançait l’artiste de son air éternellement défiant. Ses glorieuses Nanas incarnent bien ce combat. Ce sont des femmes en puissance: elles dansent, elles procréent, elles exultent. Leurs formes généreuses sont la marque d’une féminité qui s’assume et s’exhibe fièrement, complètement. Elle-même avouait que ces sculptures géantes étaient nées de son “désir de voir des hommes plus petits que ces énormes dames, d’écraser un peu le sexe mâle dans cette société qui nous opprime”.
En les voyant en vrai, on ressent totalement cet écrasement. Mais l’engagement de Niki de Saint Phalle ne s’arrêtait pas là: celle qui a grandi à New York soutenait aussi à travers son art la lutte pour les droits civiques des Noirs américains. Il est donc logique qu’elle ait sculpté des femmes de toutes les couleurs, y compris deux femmes noires présentes dans cette exposition, l’une en hommage à Billie Holiday, Lady sings the blues, et l’autre à Rosa Parks, Black Rosy.
Sophie Kloetzli
Belles! Belles! Belles! Les femmes de Niki de Saint Phalle, jusqu’au 22 octobre à la galerie Vallois, Paris VIe.